Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 05/12/2013

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget sur les règles de fiscalité applicables au cognac et, plus spécifiquement, sur les questions de stockage et d'imposition des viticulteurs lors de la transmission des entreprises.

La profession demande la mise en œuvre d'une réforme fiscale, afin d'apporter lisibilité et simplification au système. En effet, la taille des exploitations produisant du cognac est en hausse constante et les stocks augmentent en proportion. Or, dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu'en dernier lieu. Cette fiscalité n'est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés mais, dès lors qu'un héritier exerce une autre activité, il n'est plus considéré comme pouvant bénéficier de cette suspension de droits. Cette règle rend les successions de plus en plus complexes et nombre d'héritiers s'endettent pour pouvoir indemniser les collatéraux et continuer à exercer la profession de producteur de cognac.

Contrairement aux biens immobiliers, le temps n'a pas de prise sur la fiscalité applicable aux stocks qui ne connaissent pas de dépréciation. La base de calcul est donc la valeur vénale de ceux-ci, qu'il y ait, ou non, mise en vente. Après la fiscalité de cessation d'activité (impôt sur le revenu (IRPP), contribution sociale généralisée (CSG) et taxe sur la valeur ajoutée), viennent s'ajouter les frais de succession et l'impossibilité, pour nombre de viticulteurs, de poursuivre l'activité de stockage. Si la taxe sur la valeur ajoutée peut être calculée sur la valeur fiscale, les autres droits et taxes sont, quant à eux, systématiquement calculés sur la valeur vénale, ce qui rend la pérennité des entreprises d'autant plus difficile.

En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage une remise à plat de la fiscalité.

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Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 19/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2014

M. Daniel Laurent. Madame le ministre, je souhaite relayer les préoccupations de la filière Cognac, eu égard aux règles de fiscalité applicables en matière de stocks et d'imposition des viticulteurs lors de la transmission des entreprises. Je suis certain que cette question est préoccupante dans de nombreuses régions, qui rencontrent les mêmes contraintes, mais pour d'autres alcools.

Concernant le stockage, la mise en vieillissement est inhérente à l'activité viticole, le Cognac étant un produit à cycle long. Afin que la viticulture se réapproprie son stock, les professionnels ont travaillé à la mise en place de réserve de gestion, l'activité de bouilleur de cru, et plus encore celle de vendeur direct, engageant au stockage.

Permettez-moi un petit aparté sur le statut particulier des bouilleurs de cru, pour souligner que celui-ci doit être préservé, car il fait partie intégrante de notre patrimoine. En effet, des inquiétudes se font jour quant aux conditions de détention ou de location des alambics, qui représentent souvent un lourd investissement, à la valorisation du travail et à la qualité de la production.

Pour en revenir au stockage, il s'agit d'un investissement de plusieurs générations qui, compte tenu de la lourdeur de la fiscalité, devient de plus en plus difficile à réaliser. En effet, le stock est considéré comme un bien dont l'assiette de base d'appel de la fiscalité ne se déprécie pas, comme cela peut être le cas pour des biens immobiliers. Cette situation engendre des problèmes très importants en matière de succession.

Tant que les stocks restent dans l'actif d'une société, la cessation d'activité d'un actionnaire n'a pas d'incidence. Il en va de même si les stocks restent dans une société créée pour cette activité. Mais, dès lors que les stocks constituent un actif de succession, ils peuvent être taxés aussi fortement que s'il s'agissait d'une vente. Quelle aberration que de vendre des stocks pour payer le droit d'en détenir, alors qu'ils font partie de l'outil de travail du vendeur direct !

Dans tous les cas, que la succession ait lieu dans le cadre familial ou non, les droits de succession sont dus et varient selon le degré de parenté.

À ces droits de succession, l'administration ajoute l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la CSG, et la TVA, ce qui fait que le solde dû par l'héritier peut s'élever à plus de 50 % du volume de stock pour une succession dans un cadre familial et à plus de 80 % dans le cas d'une succession hors cadre familial !

Un stock viticole détenu par un bouilleur de cru ne devrait-il pas être valorisé à son prix de revient lors d'une mutation à titre gratuit et tant que ce stock reste sous le contrôle du service des douanes, la fiscalité intervenant lors de la mutation à titre onéreux ? Il s'agit non pas d'exonérer les professionnels de l'imposition, mais de permettre la pérennité des entreprises.

Alors que, sur le site internet, et pour expliquer le statut d'entrepositaire agréé, l'administration des douanes prévoit que, « conformément aux directives européennes, pour éviter aux entreprises d'avoir à faire une avance de trésorerie importante en attendant de récupérer les droits au moment de la vente au consommateur final, leur paiement est reporté le plus tard possible dans la chaîne de distribution », cette même administration ne prévoit rien pour faciliter la pérennité des entreprises de la filière Cognac.

La fiscalité des stocks de Cognac est un problème régional. La taille des exploitations est en hausse constante, les stocks augmentent donc en proportion. Dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu'en dernier lieu.

La fiscalité du Cognac est très lourde puisqu'elle est appuyée sur la valeur vénale. Elle n'est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés, mais, dès lors qu'un héritier exerce une autre activité, il n'est plus considéré comme pouvant bénéficier d'une suspension de droits.

Cette règle rend les successions de plus en plus complexes, et nombre d'héritiers s'endettent pour pouvoir indemniser leurs collatéraux et continuer à exercer leur profession de producteur de Cognac.

Madame le ministre, le Gouvernement envisage-t-il des propositions de réforme fiscale sur ces points afin d'assurer la pérennité et l'avenir de notre économie régionale, mais aussi nationale, car, comme je l'ai souligné, d'autres secteurs sont concernés par cette question ?

La profession attend une réforme fiscale afin d'apporter de la lisibilité au système et davantage de simplification.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Cazeneuve.

Les difficultés liées à la transmission des entreprises appartenant à des viticulteurs qui cessent leur activité sont aujourd'hui très largement prises en compte par les services de la Direction générale des douanes et droits indirects.

C'est ainsi que les viticulteurs produisant du Cognac et détenant en suspension de droits d'accises un stock de vin ou d'alcool disposent d'un statut fiscal spécifique, celui d'entrepositaire agréé, conformément à l'article 302 G du code général des impôts. À ce titre, ils bénéficient notamment d'une dispense de cautionnement pour la détention de leurs produits.

En cas de cessation d'exploitation en raison d'une cessation d'activité ou du décès du viticulteur, les successeurs qui reprennent les stocks de vin ou d'alcool ont deux possibilités.

Soit ils peuvent continuer à détenir ces produits en suspension dans leur propre entrepôt fiscal suspensif des droits d'accises, s'ils ont déjà le statut d'entrepositaire agréé en tant que viticulteurs. Dans ce cas, aucun droit ne sera dû à l'occasion de ce transfert. Si le successeur est lui-même récoltant, il pourra également continuer à bénéficier de la dispense de caution pour ses produits.

Soit ils peuvent acquitter les droits afférents aux alcools à l'occasion de leur sortie de l'entrepôt fiscal suspensif du viticulteur qui cesse son activité, s'ils ne disposent d'aucun statut fiscal.

Il est vrai que les droits d'accises et la cotisation sécurité sociale dus à l'occasion de cette transmission peuvent être élevés. Ils sont effectivement calculés en fonction du volume d'alcool pur des produits et non sur leur valeur vénale. Toutefois, tout successeur conserve la possibilité d'opter pour le statut fiscal adapté afin de lui permettre de détenir les produits en suspension sans avoir à acquitter l'ensemble des droits à l'occasion de la transmission.

Enfin, je souhaiterais préciser que les services des douanes et droits indirects peuvent également étudier la mise en place de facilités de paiement afin de permettre aux personnes rencontrant des difficultés d'acquitter les droits.

Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, de la volonté du Gouvernement de ne pas faire obstacle à la transmission de ces patrimoines.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse positive mais réaliste par rapport à la situation que je viens de décrire.

J'ai toutefois le sentiment que la question de la fiscalité trop lourde qui s'applique aux stocks n'est pas suffisamment prise en compte. J'ai compris que vous étiez d'accord sur la dispense de caution pour transfert, ce qui est une bonne chose, mais c'est surtout en matière de transmission ou de vente que la fiscalité est trop importante et pénalise les entreprises. Les facilités de paiement, si elles sont opportunes, ne suffisent pas.

Je vous demande donc de prendre en considération d'une façon plus concrète et plus déterminante cette question importante pour nos territoires locaux.

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