Question de Mme MASSON-MARET Hélène (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 06/02/2014

Mme Hélène Masson-Maret attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt Depuis une quinzaine d'années, avec les attaques répétées du loup, protégé par la convention de Berne de 1979, le quotidien des éleveurs ovins a viré au cauchemar.

Le loup représente, aujourd'hui, une population d'environ 250 bêtes et les chiffres officieux parlent même de près de quatre cents bêtes. Cette population s'accroît très rapidement, autour de 20 % par an. On estime qu'en 2012, il y a eu 14 000 attaques et 5 000 têtes de bétail tuées.

Dans les Alpes-Maritimes, premier département touché par le nombre d'attaques et de victimes, la prédation a augmenté de plus de 60 % entre 2011 et 2012.

L'année 2013 est pour le moment équivalente à 2012.

Les Alpes-Maritimes présentent deux facteurs de vulnérabilité : un paysage très accidenté ne permettant pas de surveiller les ovins et des troupeaux vivant dans la nature toute l'année.

De nombreux maires des communes de montagne du département l'ont alertée sur l'extension du territoire de prédation du loup qui est aujourd'hui présent sur tout le Mercantour et sur les Pré-Alpes de Grasse.

De plus, les résultats d'une enquête menée auprès de ces élus montrent à quel point ils souhaitent que les prélèvements de loups soient suffisants pour ne plus nuire au pastoralisme.

En effet, la situation pour les éleveurs est insupportable malgré un système de compensations financières en cas de dommages sur leurs troupeaux.

Aujourd'hui, la situation apparaît ubuesque. Le loup n'est plus une espèce en danger, loin s'en faut. En surnombre, il est devenu un animal nuisible et très coûteux pour les contribuables.

On ne peut cacher, aujourd'hui, les dépenses outrancières d'une telle politique, le coût pour l'État et le contribuable. On ne peut non plus ignorer les répercussions dramatiques sur la survie du pastoralisme. L'irresponsabilité actuelle du Gouvernement en matière de régulation de la population des loups menace tout un pan de notre culture liée au pastoralisme. Ce qui est en jeu, c'est l'identité de nos villages avec la transhumance qui rythme les saisons et perpétue à travers les festivités le lien social.

Actuellement, il faut savoir choisir entre le prédateur et la victime. Compromettre la survie du pastoralisme, c'est accepter de voir disparaître nos traditions qui créent les racines sur lesquelles se construit notre patrimoine.

Elle souhaite donc savoir si, au-delà du « plan loup » , adopté le 16 mai 2013, au-delà des trois arrêtés interministériels des 15 et 16 mai 2013, et au-delà des seuls 24 prélèvements autorisés à ce jour mais non atteints, le Gouvernement va mettre en place de nouvelles mesures afin de lutter contre ce fléau pour nos éleveurs français.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 07/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2014

Mme Hélène Masson-Maret.Monsieur le ministre, le problème de la cohabitation entre le loup et l'agropastoralisme a fait l'objet, vous avez pu le constater il y a quelques semaines, de nombreux débats au Sénat lors de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture. Trois amendements, dont les dispositions vont permettre une gestion responsable de la population lupine, ont été adoptés.

J'espère donc que les mesures qui, d'une part, définissent des zones de pâturages préservées de prédateurs et, d'autre part, autorisent l'abattage de loups dans des zones de protection renforcée, indépendamment du prélèvement défini au niveau national, ne seront pas supprimées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que cela ne soit pas le cas, car ces mesures correspondent à une réelle avancée.

Je tiens à rappeler que, aujourd'hui, le loup n'est plus une espèce menacée, car la population lupine est d'environ quatre cents bêtes et augmente de 20 % par an, envahissant des territoires de plus en plus larges.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, le plus touché par le nombre d'attaques et de victimes, la prédation a augmenté de plus de 60 % entre 2011 et 2012. Mon département, à lui seul, recense 50 % des attaques avec seulement 6 % de la population ovine nationale, et il a subi près d'un millier d'attaques en 2012, avec près de 2500 bêtes tuées.

L'objet de ma question est le suivant, monsieur le ministre : comment éviter que ces nouvelles dispositions prises dans le cadre d'une loi nationale ne se heurtent, dans leur application, au droit international et européen ?

Je m'explique. La France a adhéré à la convention de Berne, qui date de 1979. En la signant, elle a classé le loup dans la catégorie des espèces strictement protégées. Il est donc nécessaire de reconnaître que nous sommes dans une impasse, monsieur le ministre.

D'un côté, des dispositions adoptées par le Sénat tentent d'apporter - bien que je les considère comme insuffisantes, mais c'est un autre problème - une réponse équilibrée aux attaques de loups.

D'un autre côté, ces dispositions sont confrontées au droit international invoqué par des associations de défense du loup. Les recours de ces dernières devant les tribunaux administratifs se réfèrent à la convention de Berne et conduisent à la suspension des arrêtés préfectoraux, la décision restant finalement à l'appréciation du juge.

C'est ainsi que des arrêtés préfectoraux ont été suspendus par le tribunal administratif, en septembre 2013, dans mon département, après que deux loups avaient été tués en vingt-quatre heures. Le quota national de vingt-quatre loups prévu par le plan loup n'a même pas pu être atteint.

Ma question est donc double, monsieur le ministre : le Gouvernement va-t-il enfin se décider à demander le déclassement du loup dans la convention de Berne, d'« espèce strictement protégée » à « espèce protégée simple », seule solution incontestable et solide à long terme ? Dans l'attente, comment sécuriser juridiquement les arrêtés préfectoraux face aux recours qui invoquent régulièrement ces textes européens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, vous avez évoqué la discussion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, pendant laquelle nous avons essayé, ensemble, de trouver des solutions face à la détresse des éleveurs dont les troupeaux sont victimes des attaques de loups.

Vous le savez également, nous avons, avec Delphine Batho, négocié un plan loup avec l'ensemble des ONG environnementales et des représentants professionnels pour la production ovine et agricole de manière plus générale.

La capacité de prélèvements a été portée de onze à vingt-quatre loups. Des procédures de tirs plus adaptées, en particulier au niveau local, ont été mises en place, afin de permettre aux chasseurs de tirer et aux éleveurs de se protéger.

Des amendements adoptés par le Sénat lors de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture visent à renforcer cette dimension : je pense aux dispositions autorisant les éleveurs à des tirs de prélèvements pendant six mois après des attaques, ou encore à celles qui permettent l'abattage des loups dans certaines zones de protection renforcée en fixant des sous-quotas de prélèvements.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, la difficulté devant laquelle nous nous trouvons. La convention de Berne a été signée en 1979, à une époque où le loup était une espèce en voie de disparition. Elle a conduit l'Europe à adopter la directive « habitats »,qui considère le loup comme une espèce protégée puisqu'en voie de disparition. Or la population de loups, qui est comprise aujourd'hui entre trois et quatre cents bêtes, continue visiblement à s'accroître.

Comment pouvons-nous mettre en adéquation la législation que nous souhaitons instaurer et le cadre législatif de la convention de Berne et de la directive « habitats » au sein de l'Union européenne ?

Pour faire évoluer la législation, nous devons chercher à renégocier en trouvant des appuis chez nos partenaires concernés. Aujourd'hui, comme je l'ai indiqué lors de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, nos partenaires italiens et espagnols ne souhaitent pas s'engager dans une renégociation de la directive « habitats ».

Par conséquent, nous avons essayé d'améliorer nos dispositifs législatifs nationaux. Pour qu'ils soient applicables et ne soient pas remis en cause par les tribunaux administratifs, nous devons également essayer de modifier les législations à l'échelle européenne.

Toutefois, pour modifier le droit existant à l'échelle européenne, il faut trouver une majorité ; c'est le temps de la négociation, de la conviction, pour faire en sorte de protéger les élevages.

Vous le savez, sur ces questions, j'ai toujours pris en compte la détresse des éleveurs et œuvré au maximum pour obtenir des réponses. Nous devons continuer à le faire, en particulier afin d'améliorer les prélèvements. Seuls sept loups sur vingt-quatre ont été tués, nous sommes donc loin du compte. Notre politique doit être plus efficace sur ce point, comme je l'ai dit devant le Sénat.

Nous sommes en train d'étudier, avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le moyen de rendre encore plus opérationnel le plan loup. Bien que ce plan comporte des avancées, je sais qu'il faudrait aller plus loin, en modifiant le cadre général du droit actuel pour répondre à la détresse des éleveurs. C'est malheureusement un travail de longue haleine, qui ne peut être réalisé en quelques semaines ou en quelques mois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret.Monsieur le ministre, je connais votre volontarisme concernant ce problème, mais votre réponse n'est pas tout à fait satisfaisante.

Pour vous donner un exemple, le préfet a pris ces jours-ci un arrêté dans mon département : que va-t-il se produire en cas de recours devant le tribunal administratif, puisque, comme je l'ai rappelé dans ma question, c'est le juge qui va décider de la validité de l'arrêté au regard des lois internationales ? Il conviendrait donc de prendre des mesures bien plus draconiennes que celles que vous proposez.

Je vous rappelle qu'un loup a été identifié dans la Meuse voilà quelques jours, à 250 kilomètres de Paris. Alors, à quand un loup dans les bois d'Île-de-France ?

Ce qu'il faut aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est du courage politique. La Suisse a demandé la renégociation de la convention de Berne. Le rejet de cette demande ne doit pas nous empêcher de tenter, nous aussi, de chercher des alliés parmi nos partenaires signataires de cette convention.

Je voudrais surtout m'insurger contre toute tentative de dire que la France ne sait pas gérer son problème de loups, car comparer les difficultés créées par le loup en France et dans les autres pays est une erreur fondamentale à mes yeux. En effet, il est indispensable de prendre en compte nos spécificités par rapport à celles de nos voisins et des quarante-sept États cosignataires de la convention. Nous avons une spécificité de climat, de géographie et de faune.

Nous ne pouvons donc pas continuer à nous laisser influencer par les dérives de certains mouvements écologistes, qui prônent sans discernement le retour au sauvage et au naturel. L'écologie, ce n'est pas de l'idéologie !

Enfin, monsieur le ministre, il est indispensable que tous ces questionnements soient pris en compte lors de la prochaine réunion du comité permanent de la convention de Berne. Sans vouloir faire preuve d'emphase, le rôle régalien de l'État, c'est d'assurer la protection des biens et des personnes !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre.Madame la sénatrice, je trouve assez décevante la manière dont vous avez conclu cet échange.

Je connais vos préoccupations, vous connaissez les miennes. Vous ne pouvez pas dire que rien n'est fait. Si la Suisse a quelque peu évolué sur la question, ce n'est que très récemment. Comme je vous l'ai indiqué, nous avons pris des contacts. Toutefois, je le répète, il n'y a ni en Italie ni en Espagne de volonté de renégocier la directive« habitats », même si nous continuons à y travailler.

Pour ma part, je ne fais pas d'idéologie, madame la sénatrice. C'est d'ailleurs moi qui ai introduit la possibilité pour les chasseurs de tirer sur le loup dans la négociation du plan loup.

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