Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 20/03/2014

Mme Brigitte Gonthier-Maurin demande à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative de lui indiquer la position du Gouvernement français à la suite de la décision de l' « International football association board » (IFAB) d'approuver le port du voile et du turban sur les terrains de football. Cette décision est en contradiction flagrante avec le principe de neutralité du sport inscrit dans la charte olympique et dans le règlement des grandes fédérations internationales qui s'oppose au port d'insignes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse, aussi lui demande-t-elle quelles démarches le Gouvernement compte engager pour assurer le respect de la neutralité du sport sur les terrains de football en France.

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Transmise au Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports publiée le 21/05/2014

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2014

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.Monsieur le secrétaire d'État, au mois de février 2013, j'ai interpellé le gouvernement d'alors sur la question du port du foulard à la suite de la décision de la Fédération internationale de football association, la FIFA, autorisant le port du voile dans les compétitions. En effet, la FIFA avait adopté un certain nombre d'amendements aux Lois du jeu pour préciser le« design », la « couleur » et le« matériau » du foulard qui serait autorisé, tout en précisant que ce foulard ne pouvait être porté que par des femmes...

Au mois de mars dernier, triste épilogue, si je puis dire, l'International Football association board, l'IFAB, fortement inspirée par la décision de la FIFA, a officiellement autorisé le port du hijab après vingt mois d'essai.

Cette décision n'est malheureusement pas une surprise, quand on sait que cette instance chargée de débattre et de trancher les propositions de modification des Lois du jeu du football, est notamment composée de représentants de la FIFA. L'IFAB a jugé n'avoir « aucune raison valable » pour interdire le foulard...

Je ne partage évidemment pas cette décision qui est en totale contraction avec les deux grands principes fondamentaux du sport, garantis par la Charte olympique et les règlements des grandes fédérations internationales.

D'une part, cette décision bafoue le principe de neutralité du sport consacré dans la règle 50, alinéa 3, de la Charte olympique, selon lequel « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Or je ne pense pas que l'on puisse se méprendre sur la signification religieuse du port du foulard.

D'autre part, dans la mesure où le port du foulard est exclusivement réservé aux femmes, ces décisions me paraissent contraires au refus par la Charte olympique de toute discrimination fondée sur des considérations de race, de religion, de politique ou de sexe.

La Fédération française de football s'est à plusieurs reprises dite opposée à cette mesure, et a rappelé que ces principes restent valables, y compris « en ce qui concerne la participation des sélections nationales françaises dans des compétitions internationales ». Elle a maintenu« l'interdiction du port de tous signes religieux ou confessionnels » dans le pays.

Cependant, en avril dernier, son président, Noël Le Graët, en évoquant la candidature de la France à l'organisation de la coupe du monde féminine en 2019, a reconnu que« si l'Arabie Saoudite se qualifie, on respectera les règles de la FIFA » !

Monsieur le ministre, alors que la coupe du monde féminine de football, organisée par la FIFA, se tiendra en 2015 au Canada, et que la France s'est portée candidate à l'organisation du mondial féminin 2019, quelles démarches le Gouvernement compte-t-il engager pour défendre le principe de neutralité du sport auprès des instances internationales et pour assurer le respect de ce principe sur les terrains de football en France ? Il me semble bien, en effet, que la FIFA et l'IFAB ont ouvert la boîte de Pandore.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard,secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé dessports.Madame Gonthier-Maurin, comme vous venez de le rappeler, les instances sportives internationales ont érigé la neutralité, qu'elle soit politique ou religieuse, en principe sur les terrains. La France est profondément attachée à cette neutralité.

Le règlement de la FIFA précise même que« l'équipement de base obligatoire ne doit présenter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle ».

La décision que vous avez citée de l'International Football Association Board, organe réglementaire de la FIFA, d'autoriser définitivement, lors des rencontres de football, le port du couvre-chef - voile, kippa, casquette, etc. -, entrera en vigueur au 1er juillet, après deux ans d'expérimentation. La FIFA justifie cette décision en considérant que les couvre-chefs, notamment le voile, sont des signes culturels, et non pas confessionnels.

Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter la décision d'une fédération internationale indépendante, tout commentaire pouvant être considéré comme de l'ingérence.

La Fédération française de football, la FFF, par la voix de son président, Noël Le Graët, et la Ligue de football professionnel, la LFP, par l'intermédiaire de son président, Frédéric Thiriez, ont fait part de leur profond attachement au principe de neutralité sur les terrains de sport.

Le Gouvernement se félicite de cette prise de position et apporte tout son soutien à la FFF et à la LFP. Nous faisons toute confiance aux dirigeants de la fédération, et surtout aux arbitres- ils sont seuls maîtres sur un terrain de sport -,pour faire respecter ce principe.

Le Gouvernement est profondément attaché à ce que les terrains de sport restent neutres, religieusement, mais aussi politiquement. Soyez assurée, madame la sénatrice, qu'il y veillera avec attention.

Le sport porte un message universel et humaniste qui transcende les clivages traditionnels. N'introduisons pas de la discorde là où il y a de l'unité. Préservons le sport !

Vous pouvez compter sur la vigilance du Gouvernement, la mienne en particulier, pour continuer le dialogue que nous avons engagé avec la Fédération française de football, afin que celle-ci puisse influer au mieux sur les décisions prises par la FIFA.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

En 2013, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, avait fait une réponse extrêmement ferme s'agissant du respect de la neutralité du sport.

J'attire votre attention sur le fait qu'imposer exclusivement aux femmes le port d'un couvre-chef est parfaitement discriminatoire (M. le secrétaire d'État acquiesce.), et remet totalement en cause les principes olympiques d'espace, d'ouverture, de justice, de respect et de liberté, que vous avez rappelés, monsieur le secrétaire d'État.

Nous devrons donc être extrêmement vigilants sur le terrain, et aussi travailler à faire avancer la féminisation des instances dirigeantes du sport (M. le secrétaire d'État acquiesce à nouveau.)

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