Question de M. ÉBLÉ Vincent (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 08/05/2014

M. Vincent Eblé attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la possibilité, offerte par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, de signer des pactes familiaux pour les donations faites aux musées. Désormais, la valeur des œuvres qui sera prise en considération sera celle du moment de la donation et non plus la valeur au moment du décès du donateur. Cette disposition est essentielle pour les musées car la valeur des œuvres d'art augmente presque toujours, ce qui entraîne à dépasser, parfois de façon considérable, le montant de la quotité disponible lors du décès du donateur. Bien que cette mesure permette de réduire de manière significative le nombre des litiges avec les familles, elle ne les annule pas complètement, en cas de divergences familiales lors de la donation. Aussi lui demande-t-il si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour autoriser les conservateurs territoriaux à émettre un avis négatif lors des dons en cas d'absence de consensus familial et éviter ainsi à certains musées de voir leur collection remise en cause lors du décès du donateur.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 04/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2014

M. Vincent Eblé. Ma question porte sur la réglementation des donations d'œuvres d'art faites aux musées, qu'il s'agisse de musées d'État ou de musées territoriaux.

La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités permet la signature de pactes familiaux pour les donations faites aux musées. Depuis l'adoption de cette loi, la valeur des œuvres prise en considération est celle qui est fixée au moment de la donation, et non plus au moment du décès du donateur.

Cette disposition est essentielle pour les musées, puisque la valeur des œuvres d'art, qui augmente presque toujours, dépasse souvent, et parfois de façon considérable, la quotité disponible au décès du donateur.

Bien que cette mesure permette de réduire de manière significative le nombre de litiges avec les familles, elle ne les supprime pas tous, surtout lorsque des désaccords surviennent au sein de la famille lors de la succession.

Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement envisage-t-il d'autoriser les conservateurs des musées d'État et des musées territoriaux à émettre un avis négatif sur un don, lorsqu'il n'y a pas de consensus familial, afin d'éviter que certains musées voient leur collection remise en cause au décès du donateur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui n'a pu être présente ce matin.

Comme vous venez de l'expliquer, monsieur le sénateur, depuis le 1er janvier 2007, avec l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, dite« loi Perben », portant réforme des successions et des libéralités, un héritier peut renoncer, par avance, à exercer une action en réduction contre une donation ou un legs qui porterait atteinte en partie ou en totalité à sa réserve héréditaire dans le cadre d'un pacte successoral.

L'héritier s'engage ainsi à ne pas attaquer en justice les dons ou legs qui auront été faits en vertu de ce pacte. L'accord du futur héritier et du futur défunt est obligatoire pour la conclusion d'un pacte. La loi Perben offre donc une garantie aux musées en permettant de prévenir des contentieux résultant d'une valeur de libéralité excédant la quotité disponible en raison de l'augmentation de la valeur d'une œuvre donnée.

Il appartient au conservateur de s'assurer de l'accord des héritiers réservataires éventuels en lien avec le donateur potentiel. Le conservateur recevra l'avis des héritiers au moyen d'une lettre signée de leur main et jointe au dossier du projet de donation ou, mieux, au moyen d'une copie d'un pacte successoral passé devant deux notaires.

La signature d'un pacte successoral renforce les garanties de maintien durable dans les collections des biens ayant fait l'objet de donations. L'estimation de la valeur du bien au jour de la donation devra être agréée conjointement par le musée, le donateur et les héritiers. Ces préalables serviront à éclairer l'avis des commissions scientifiques ou des commissions des acquisitions compétentes.

Ainsi renforcée, la sécurité juridique de ces acquisitions n'est cependant pas absolue. À titre d'exemple, des héritiers réservataires inconnus au moment de la signature peuvent apparaître ultérieurement et intenter une action en réduction de la donation pour atteinte à la réserve.

Le ministère de la culture considère que le recours systématique à la signature d'un pacte successoral serait disproportionné. En revanche, ce pacte constitue un dispositif recommandé dans certaines situations appelant un degré de sécurité accru : par exemple, pour des donations importantes en nombre, pour des donations portant sur une œuvre dont la valeur vénale est déjà exceptionnelle au moment de la donation, ou encore pour des donations qui conduisent le musée ou la collectivité donataire à réaliser un ouvrage neuf ou à aménager une partie du musée afin d'accueillir les œuvres constituant la donation.

Par ailleurs, il convient de rappeler que chaque projet d'acquisition, à titre gratuit ou non, doit faire l'objet d'un avis favorable de la commission des acquisitions compétente. Quand bien même il s'agit d'acquisitions à titre gratuit, les dons peuvent être refusés, et ce dans trois hypothèses : avant le passage devant la commission, le musée lui-même peut estimer que l'intérêt de l'acquisition est insuffisant ou le risque juridique certain - par exemple, dans le cas d'un conflit familial connu ; lors de la réunion de la commission, un vote négatif entraîne l'abandon du projet ; enfin, après la réunion de la commission, dont l'avis reste consultatif, la direction du musée peut renoncer à son projet avant la prise de décision d'acquisition administrative.

Les musées ont donc d'ores et déjà la faculté de refuser un don.

En outre, une circulaire du 3 novembre 2009 de la directrice des musées de France formulant des recommandations aux responsables des collections des musées de France pour l'acceptation des donations incite les musées à la prudence s'ils doutent de la possibilité de bénéficier pleinement de la donation une fois celle-ci acceptée, notamment en cas d'incertitude sur l'accord des héritiers. Elle indique en particulier que l'avis motivé du conservateur d'un musée de France doit porter non seulement sur l'opportunité, mais aussi sur la sécurité juridique du projet de donation.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État de ces éléments de réponse. En effet, le rappel de la possibilité de refuser des dons ouverte aux conservateurs, qui permet de sécuriser l'ensemble du dispositif des donations, ne manquera pas de retenir l'attention des professionnels, notamment.

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