Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRC) publiée le 22/05/2014

Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation de la maternité des Lilas.

Depuis plus de quatre années, l'avenir de cette maternité est plus qu'incertain et fait l'objet de rebondissements multiples.

C'est un établissement symbolique et emblématique, pour nombre de couples qui font le choix de cette structure réputée pour ses méthodes innovantes et humaines, depuis cinquante ans.

En 2007, l'ensemble des autorités reconnaissent la vétusté des locaux et leur inadéquation. Un projet de reconstruction du bâtiment est acté. Des études de faisabilité sont réalisées et le permis de construire est acquis en juin 2011. Parallèlement, grâce au soutien de la municipalité des Lilas, le nouveau terrain est en phase d'acquisition et la promesse de vente signée. Un million et demi d'euros sera alors investi pour ce projet.
En juillet 2011, tout est prêt pour une réouverture en 2013, quand le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), décide de suspendre le projet.
En septembre 2012, au lendemain de la signature de la convention d'adossement institutionnel de la maternité des Lilas avec le groupe hospitalier « Diaconesses Croix Saint-Simon », l'ARS annonce la reconstruction de la maternité et le déblocage de six millions d'euros. Cela ne se concrétisera jamais.
Dans une lettre de juin 2013, l'ARS annonce l'arrêt définitif du projet de reconstruction et propose une solution alternative : le transfert au centre hospitalier (CHI) de Montreuil. L'argument avancé par l'ARS est le déficit de deux millions d'euros de la maternité des Lilas, sans vouloir voir que ce déficit est le résultat de mesures nouvelles qui lui ont été imposées.

De nombreux élus et élues s'opposent à ce projet car chacun sait que le projet médical ne pourra pas être respecté dans les locaux du CHI de Montreuil. Elle rappelle qu'elle a, pour sa part, été à l'initiative d'un appel adressé au président de la République, en décembre 2013 et signé par plus de 130 élus et élues, toutes tendances politiques confondues.

Elle précise qu'un nouvel épisode vient d'accélérer encore un peu plus les choses. Le 6 mai 2014, le groupe hospitalier « Diaconesses Croix Saint-Simon » a annoncé qu'il se retirerait de l'association Naissances qui regroupe la maternité des Lilas, l'hôpital des Diaconesses et l'hôpital de la Croix Saint-Simon, à la fin du mois d'août 2014.
Cette décision est lourde de conséquences : soit c'est la disparition pure et simple de la maternité des Lilas, soit son rattachement au groupe hospitalier « Diaconesses Croix Saint-Simon », mais sans le centre d'interventions volontaires de grossesse (IVG) actuellement présent à la maternité des Lilas.

Si cela se confirmait, c'est plus de mille IVG annuelles qui ne pourraient plus se faire dans cet établissement, dans un contexte régional et national où l'accès aux centres d'IVG est de plus en plus difficile.

Alors que les parlementaires viennent de voter la suppression de notion de détresse concernant les IVG, alors que le remboursement à 100 % est désormais inscrit dans le code de la sécurité sociale, la disparition de cet établissement serait pour le moins paradoxale.

Elle rappelle, par ailleurs, comme elle l'a fait lors de l'examen d'une proposition de loi pour instaurer un moratoire sur les fermetures d'établissements de santé ou leurs restructurations, que le nombre de maternités est passé de 1 369 en 1975 à 554 en 2008.

Elle souligne que, face à un personnel compétent, motivé, à une municipalité très investie, il est encore temps d'éviter un gâchis humain, médical et financier.

Aussi, lui demande-t-elle si, conformément à l'engagement, en date du 8 mars 2012, de M. François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, elle entend prendre la décision politique de faire en sorte que cette maternité soit reconstruite et maintenue aux Lilas.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 04/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2014

Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d'État, depuis plus de quatre années, la maternité des Lilas est menacée de fermeture. Il s'agit d'un établissement symbolique et emblématique pour nombre de couples, qui font le choix de cette structure réputée pour ces méthodes innovantes et humaines depuis cinquante ans. J'espère que cet anniversaire sera l'occasion pour le Gouvernement d'écouter les personnels, les patients et les élus afin de déboucher sur une issue positive.

Rappelons rapidement les faits.

En 2007, toutes les autorités reconnaissent la vétusté des locaux et leur inadéquation. Un projet de reconstruction du bâtiment est acté. L'intervention de la municipalité des Lilas permet de trouver un terrain, et une somme de 1,5 million d'euros est alors investie dans ce projet.

En juillet 2011, tout est prêt pour une réouverture en 2013, quand M. Evin, directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, décide de suspendre le projet.

En septembre 2012, au lendemain de la signature de la convention d'adossement institutionnel de la maternité des Lilas avec le groupe hospitalier « Diaconesses Croix Saint-Simon », l'ARS annonce la reconstruction de la maternité et le déblocage de 6 millions d'euros. Cette annonce ne se concrétisera jamais.

Dans une lettre de juin 2013, l'ARS annonce l'arrêt définitif du projet de reconstruction et propose une solution alternative : le transfert au centre hospitalier intercommunal de Montreuil. L'argument avancé est le déficit de 2 millions d'euros de la maternité des Lilas. L'ARS refuse pourtant d'admettre que ce déficit est le résultat de mesures nouvelles qui ont été imposées à ce CHI.

Tout le monde sait alors que le projet médical de la maternité des Lilas ne peut être respecté dans les locaux du CHI de Montreuil. Les différentes instances représentatives, la commission médicale d'établissement, l'assemblée générale du personnel, ou bien encore le conseil d'administration de l'association Naissance, regroupant la maternité des Lilas et les hôpitaux des Diaconesses et de la Croix Saint-Simon, viennent alors de voter à l'unanimité contre le projet de transfert à Montreuil.

De nombreux élus se mobilisent pour que la maternité des Lilas reste aux Lilas. J'ai moi-même été à l'initiative d'un appel adressé au Président de la République, en décembre dernier, signé par plus de cent trente élus, toutes tendances politiques confondues.

Le personnel de l'établissement et les couples sont, eux aussi, très mobilisés et mènent régulièrement des actions pour sensibiliser Marisol Touraine, ministre de la santé.

Hélas, le 6 mai dernier, le groupe hospitalier« Diaconesses Croix Saint-Simon » a annoncé qu'il se retirerait de l'association Naissance à partir de la fin du mois d'août.

Cette décision est lourde de conséquences : elle conduit soit à la disparition pure et simple de la maternité des Lilas soit à son rattachement au groupe hospitalier« Diaconesses Croix Saint Simon », mais amputée de son centre d'interruption volontaire de grossesse, qui réalise plus de mille IVG par an. Quel recours sera proposé à toutes ces femmes ? Aller à l'étranger ? Au vu des remises en cause de ce droit partout en Europe, il y a de quoi s'insurger !

Madame la secrétaire d'État, avec un personnel aussi compétent et motivé, et une municipalité très investie, il est encore temps d'éviter un gâchis humain, médical et financier.

Aussi, ma question est simple : conformément à l'engagement pris le 8 mars 2012 par le candidat François Hollande, Mme la ministre prendra-t-elle la décision politique de faire en sorte que cette maternité soit reconstruite et maintenue aux Lilas ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Marisol Touraine.

Je souhaite vous répondre point par point.

La maternité des Lilas, vous l'avez dit, est une structure pionnière et emblématique, même si, aujourd'hui, les pratiques qu'elle a contribué à mettre en place se retrouvent dans de nombreuses autres maternités.

Personne ne conteste la nécessité de revoir ses locaux. Le soutien des pouvoirs publics n'a jamais été remis en question sur ce dossier, bien au contraire. Une aide à l'investissement de l'État avait d'ailleurs été accordée en 2009 pour la reconstruction de la maternité, à hauteur de 6,6 millions d'euros.

Face à une situation financière très dégradée, ce sont bien les aides exceptionnelles de l'agence régionale de santé d'Île-de-France qui ont permis à cet établissement de fonctionner. Laissez-moi vous donner les chiffres : ces aides auront représenté 2 millions d'euros pour 2012, 2,5 millions d'euros pour 2013, et au moins 2 millions d'euros pour 2014 !

S'agissant du projet de reconstruction sur le site Gütermann, aux Lilas, un important autofinancement était prévu, mais, sans capital et sans capacité d'emprunt, la maternité des Lilas, qui plus est simple locataire des murs, s'est trouvée dans l'impossibilité de financer les 24 millions d'euros nécessaires à cette opération, malgré les 6,6 millions d'euros d'aides publiques.

De plus, le groupement hospitalier « Diaconesses Croix Saint-Simon » a indiqué que les comptes de la maternité faisaient apparaître des déficits beaucoup plus importants que ceux qui avaient été initialement annoncés. Cette nouvelle situation a conduit le groupement hospitalier à remettre en question son soutien.

L'agence régionale de santé d'Île-de-France, avec la volonté de préserver la maternité des Lilas, je tiens à le souligner, a alors examiné la faisabilité d'un scénario alternatif : l'implantation de la maternité des Lilas dans des locaux vacants à proximité, sur le site du CHI de Montreuil.

Les études de l'ARS d'Île-de-France ont montré que, pour un investissement de 8 à 10 millions d'euros, il était possible d'installer la maternité dans ces locaux, tout en garantissant le respect de son autonomie, de ses spécificités et de son projet médical.

L'expertise indépendante menée à la demande de Mme la ministre par le professeur René Frydman à l'automne 2013 a ainsi montré qu'une implantation à Montreuil était tout à fait compatible avec le projet médical des Lilas.

Nous sommes donc face à deux projets : la reconstruction sur le site Gütermann, aux Lilas, pour un coût de 23 millions d'euros ; l'implantation sur le site du centre hospitalier intercommunal de Montreuil, pour un investissement de 10 millions d'euros.

Marisol Touraine s'est engagée à plusieurs reprises à ce que l'aide dévolue à la maternité des Lilas s'élève à 10 millions d'euros. La ministre ne s'oppose pas au projet initial de reconstruction de la maternité sur place, aux Lilas, dès lors qu'il ne coûte pas plus cher et que les collectivités locales ou d'autres financeurs peuvent apporter des crédits complémentaires.

J'ajoute que Marisol Touraine a fait du droit à l'interruption volontaire de grossesse et de son remboursement, chacun le reconnaîtra ici, l'une de ses priorités.

Pour répondre tout à fait à votre question précise, des solutions seront trouvées concernant le centre d'interruption volontaire de grossesse, quelle que soit la localisation de la nouvelle maternité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Les propos de Mme la secrétaire d'État peuvent paraître apaisants, mais ils ne tiennent pas compte de l'investissement des personnels, de leur qualité et de leurs compétences, notamment en termes de diagnostic, alors qu'il s'agit d'un point primordial.

Dès lors que les instances concernées affirment dans leur ensemble qu'il n'est pas possible de transférer cette maternité à Montreuil, il faut savoir les entendre. Il y a là un déficit d'écoute ; on ne fait pas vivre la démocratie sanitaire.

Par ailleurs, il est assez paradoxal que Marisol Touraine défende certaines mesures importantes, comme vous l'avez indiqué, madame la secrétaire d'État - les parlementaires ont voté la suppression de la notion de détresse pour une femme voulant demander l'IVG, et le remboursement à 100 % de l'IVG est désormais inscrit dans le code de la sécurité sociale - et prenne une décision qui remettrait en cause la possibilité de réaliser 1 000 interruptions volontaires de grossesse.

En outre, le sort réservé aux maternités de proximité est très préoccupant : je l'avais souligné lors de l'examen de la proposition de loi tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d'établissements de santé ou leur regroupement, que nous avions déposée, le nombre de maternités est passé de 1 369 en 1975 à 554 en 2008 et, en dix ans, ce sont 130 centres d'interruption volontaire de grossesse qui ont disparu.

À la lumière de ces faits, il importe que le soutien soit réel et que, par respect pour l'engagement des personnels et des élus et en considération de leur opiniâtreté, ainsi que de celle des couples, le Gouvernement ne fasse pas la sourde oreille et entende l'expression de toutes les compétences de ces personnels. Sinon, le risque est grand non seulement que la maternité ferme, mais également que les personnels soient totalement anéantis par une telle décision et les parents, complètement désappointés.

La responsabilité du Gouvernement en la matière est entière. Les agences régionales de santé ne considèrent cette question que d'un point de vue comptable, ce qui est contraire à l'éthique que nous défendons à gauche.

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