Question de M. DUPONT Jean-Léonce (Calvados - UDI-UC) publiée le 04/07/2014

Question posée en séance publique le 03/07/2014

M. Jean-Léonce Dupont. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La réforme des temps partiels, issue de l'accord sur la sécurisation de l'emploi de 2013, est entrée en vigueur mardi dernier. Les nouveaux contrats de travail à temps partiel ne pourront être conclus pour une durée hebdomadaire inférieure à vingt-quatre heures, sauf exception et accords de branche.

Cette durée minimale devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014, mais son application a finalement été suspendue jusqu'au 30 juin 2014, afin de donner un délai supplémentaire aux branches professionnelles pour la mise en œuvre de cette nouvelle disposition.

Aujourd'hui, le bilan est plus que mitigé, en raison du refus de certaines organisations syndicales de négocier des dérogations. Une vingtaine d'accords seulement ont été conclus, notamment dans les secteurs de la propreté et de la restauration rapide.

Sur les 4 millions de salariés, dont 80 % de femmes, actuellement employés à temps partiel, la moitié travaille moins de vingt-quatre heures par semaine.

Dans la pratique, de nombreux employeurs souhaitant embaucher un salarié à temps partiel pour une durée inférieure à vingt-quatre heures hebdomadaires y renonceront. En effet, certaines entreprises ne sont pas économiquement en mesure de recruter dans ce cadre imposé. C'est le cas, par exemple, dans le secteur social et médicosocial ou dans celui des services à la personne, secteurs qui mériteraient pourtant d'être encouragés, et non pénalisés, parce qu'ils représentent des gisements d'emplois et de croissance.

Ces nouvelles dispositions constituent également un frein à l'embauche pour des salariés qui ne souhaitent travailler que quelques heures par semaine. Certes, cela sera possible si le salarié donne son accord motivé par écrit, mais on voit la fragilité juridique de cette nouvelle mesure : que se passera-t-il quand un salarié ayant accepté un contrat de moins de vingt-quatre heures demandera, par la suite, à bénéficier du minimum de vingt-quatre heures ? Tout le monde sera perdant. Certaines entreprises abandonneront des marchés et des demandeurs d'emploi resteront au chômage.

Pis encore, les contrats de travail à temps partiel en cours devront être révisés en 2016, pour satisfaire à cette nouvelle exigence de durée minimale. Si rien n'est fait, ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui disparaîtront, les PME n'ayant d'autre choix que de licencier les salariés qu'elles seront dans l'incapacité de rémunérer.

Chaque jour, 1 500 chômeurs de plus viennent s'ajouter aux 3 millions existants. On ne voit pas clairement où veut en venir le Gouvernement dans le domaine économique, à force de vouloir satisfaire les uns et les autres. Il est pourtant impératif de libérer les énergies, de favoriser la création d'emplois.

Le Premier ministre a dit, hier, vouloir compléter la législation sur le temps partiel afin d'écarter tout risque juridique. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social publiée le 04/07/2014

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2014

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Monsieur le sénateur, la loi de 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a en effet institué un minimum de vingt-quatre heures de travail par semaine pour les contrats à temps partiel.

Il s'agit là d'un progrès social important. Le travail à temps partiel ne peut plus être une variable d'ajustement. La loi a prévu deux possibilités de dérogations, assorties de contreparties, afin de prendre en compte certaines situations : des dérogations individuelles, accordées à la demande de salariés souhaitant travailler moins de vingt-quatre heures par semaine ; des dérogations collectives, à la suite d'un accord de branche.

Vingt-deux accords de branche ont été signés, y compris dans des secteurs aussi importants que celui de la restauration rapide : environ 30 % des salariés à temps partiel sont ainsi couverts - ce taux atteint 63 % pour les branches les plus concernées -, sachant que la règle du minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires ne s'applique pas à ceux qui sont employés par des particuliers. On ne peut donc qualifier le bilan de « mitigé », monsieur le sénateur. Pour autant, les négociations se poursuivent, et j'ai bon espoir qu'elles aboutissent dans un très grand nombre de branches.

Pour répondre à l'une de vos observations, j'indique que le Gouvernement fera très prochainement une proposition visant à sécuriser la situation des salariés qui, après avoir demandé à bénéficier d'une dérogation individuelle à la règle vingt-quatre heures hebdomadaires, souhaiteraient revenir au régime commun. Il s'agit de prévoir que ces salariés auront priorité pour l'accès à un emploi de vingt-quatre heures hebdomadaires au minimum, mais sans automaticité. Cette modification du dispositif sécurisera l'employeur comme le salarié, sans aucunement remettre en cause l'équilibre institué par les partenaires sociaux au travers de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui a été transcrit par le Parlement dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

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