Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 13/11/2014

M. Philippe Madrelle attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la refonte de la carte des zones d'éducation prioritaires (ZEP) dans le cadre des réseaux de réussite scolaire (RRS).

Il l'interroge sur la manière dont doit être comprise la sortie du classement ZEP et RRS des secteurs scolaires de Guîtres et de Lussac, alors même que, les concernant, tous les indicateurs « virent au rouge ».

Il l'interroge également sur l'utilité du nouvel atlas académique. Si la réforme d'un système d'organisation des zones d'éducation prioritaires datant de 2006 était attendue, les modalités de sa conception et de sa mise en place semblent problématiques, en Gironde notamment.

Il lui demande donc quelles sont les directives qu'elle a l'intention de donner à ses services, afin d'aboutir à une refonte de la carte plus judicieuse.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 17/12/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2014

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les réseaux de réussite scolaire.

Alors que les classements internationaux comme PISA mettent en évidence les piètres résultats de notre système scolaire, alors que nous ne cessons de déplorer le fait que l'école continue d'amplifier les inégalités sociales, nous sommes en droit de nous interroger sur les conséquences de la réforme de l'éducation prioritaire.

Je me fais ce matin, à cette tribune, le porte-parole des enseignants, des parents d'élèves et des élus, qui, depuis plus d'un mois, manifestent leur colère dans de très nombreuses communes de la Gironde. En effet, comment ne pas craindre qu'une telle révision ne vienne contredire les objectifs affichés de favoriser une réelle égalité des chances ?

En Gironde, comme sur l'ensemble du territoire, enseignants, parents et élus multiplient les actions de mobilisation et rivalisent d'imagination pour faire entendre leur inquiétude face au projet de révision de l'éducation prioritaire.

Depuis 1982, l'éducation prioritaire n'a fait l'objet d'aucune refondation globale. On a empilé des dispositifs, ce qui a eu pour conséquence une perte de lisibilité et d'efficacité.

Certes, la révision de la carte scolaire est présentée comme un outil de justice sociale et de correction des inégalités - je ne doute d'ailleurs pas que le Gouvernement veuille aller dans ce sens -, mais la modification des critères contenue dans cette réforme des zones d'éducation prioritaires, ou ZEP, devenues réseaux de réussite scolaire, réforme qui prend majoritairement en compte les zones urbaines au détriment du critère de ruralité, suscite en Gironde inquiétude et colère, qui ne semblent pas prêtes de s'apaiser.

Depuis trente ans, la Gironde comptait vingt et une zones d'éducation prioritaires, devenues réseaux de réussite scolaire. La nouvelle carte des réseaux d'éducation prioritaire, présentée par le recteur de l'académie de Bordeaux en fin de semaine dernière pour le département de la Gironde révèle la sortie du dispositif des REP de six collèges situés à Guîtres, à Lussac, à Cadillac, à Salles, à Saint- Symphorien et à Bègles.

D'autres établissements, comme les collèges de Coutras et de Sainte-Foy-la-Grande, rentrent, certes, dans le dispositif des REP ; mais vous comprendrez que la prise en compte de certains collèges ne peut justifier la sortie d'autres établissements, dont les indicateurs socio-éducatifs restent pour le moins préoccupants. Tous les secteurs géographiques que j'ai cités sont des zones rurales où vivent de nombreuses familles défavorisées, trop souvent privées d'accès à la culture.

D'ailleurs, dans un récent rapport, l'Observatoire girondin de la précarité et de la pauvreté a mis en évidence de nouveaux espaces de grande précarité.

Monsieur le secrétaire d'État, ne pensez-vous pas que les critères devraient impérativement prendre en compte la réalité du territoire, et notamment l'isolement culturel dans lequel se trouvent ces collèges ? Ainsi, il est bien évident que le classement en zone urbaine sensible est un critère uniquement adapté à l'urbain.

Les quatre critères retenus par le rectorat de l'académie de Bordeaux d'après, j'imagine, les directives reçues sont les suivants : le taux d'élèves résidant en zone urbaine sensible, le taux de classes sociales défavorisées, le taux d'élèves boursiers, le taux d'élèves en retard d'un an ou plus à l'entrée en sixième. Ces critères se révèlent inopérants et dangereux, car ils ne correspondent en rien à la réalité du terrain et à la précarité grandissante.

Face à l'ampleur de la mobilisation et devant l'inquiétude de toute la communauté éducative, le recteur de l'académie de Bordeaux a annoncé la mise en place d'un contrat académique de priorité éducative. Êtes-vous en mesure, monsieur le secrétaire d'État, de nous apporter des précisions quant au contenu de ce contrat académique ?

Je vous fais confiance pour que, au-delà des entrées et des sorties des établissements scolaires des dispositifs« réseaux de réussite scolaire » et« réseaux d'éducation prioritaire », vous soyez en mesure d'accorder à ces collèges les moyens indispensables à l'accomplissement de leurs missions, avec une égalité de traitement pour l'ensemble des territoires du département de la Gironde. Il s'agit de contribuer avec efficacité à la réussite de tous ; or c'est à l'État qu'il incombe d'assurer cette égalité d'accès à l'éducation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl,secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur Philippe Madrelle, comme vous l'avez rappelé avec force et précision, les conditions de la réussite scolaire sont loin d'être également réparties sur notre territoire. Les origines sociales, en particulier, continuent d'influer sur le parcours scolaire des élèves de manière significative.

Le Gouvernement, notamment Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence, est déterminé à restaurer les conditions de la réussite scolaire en corrigeant les effets des inégalités sociales et économiques dans les écoles et les établissements défavorisés.

La refonte de la politique de l'éducation prioritaire doit permettre d'atteindre cet objectif, dont l'importance a été confirmée par tous les acteurs de terrain pendant les Assises de l'éducation prioritaire, tenues dans les académies à l'automne 2013.

Ainsi, la nouvelle carte de l'éducation prioritaire est construite en tenant compte de critères objectifs inédits, afin que cette politique soit cohérente avec les difficultés sociales et scolaires réelles et objectives que rencontrent certaines zones et certains territoires.

Un nouvel indicateur innovant a été créé par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, à savoir l'indice social, calculé sur la base de quatre paramètres de difficulté sociale dont on sait qu'ils ont un impact sur la réussite scolaire des élèves : le taux de professions et catégories socioprofessionnelles défavorisées, le taux de boursiers, le taux d'élèves résidant en quartier prioritaire de la ville, et le taux d'élèves en retard à l'entrée en sixième.

Monsieur le sénateur, notre souci est aussi de conduire cette réforme dans le dialogue et la concertation.

Mme la ministre sait que, dans votre département, la Gironde, auquel vous êtes attaché et que vous défendez sans relâche, les discussions autour de la nouvelle carte de l'éducation prioritaire mobilisent enseignants, parents et élus. Les services de l'éducation nationale sont attentifs à ces revendications et au message que vous portez.

L'ambition du Gouvernement est d'assurer une répartition plus équilibrée des moyens de l'éducation nationale d'un territoire à l'autre, une répartition qui ne soit pas seulement arithmétique, mais qui prenne vraiment en compte les réalités et les difficultés constatées dans les établissements scolaires.

Ainsi, le nouveau système d'allocation progressive des moyens par académie et par établissement, que Mme la ministre adoptera en même temps que la réforme de l'éducation prioritaire, conduira l'éducation nationale à mieux doter les établissements en fonction de leur profil sociologique et de leurs difficultés objectives.

Ce nouveau système mettra fin aux effets de seuil et aux ruptures de charge brutales entre les établissements qui relèvent de l'éducation prioritaire et ceux qui n'en relèvent pas. L'idée est bien d'accompagner les établissements à la hauteur de leurs besoins, même lorsque ces derniers ne se situent pas en réseau d'éducation prioritaire.

En ce qui concerne les enseignants des établissements sortant de la carte des réseaux d'éducation prioritaire, le choix a par ailleurs été fait de maintenir leur régime indemnitaire spécifique par une clause de sauvegarde de trois ans.

Monsieur le sénateur, le ministère de l'éducation nationale cherche les réponses les plus adaptées aux problématiques rencontrées, en prévoyant un accompagnement spécifique prenant en compte la situation particulière de chaque école. Nous avons à cœur que chaque élève puisse réussir, quelle que soit sa situation sociale. Le Gouvernement reste à votre disposition pour faire le point sur les différentes situations signalées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez parfaitement le terrain de la région Aquitaine. En tout cas, je peux vous l'assurer, la contestation ne cesse de monter, et le Gouvernement devrait donc peut-être faire preuve de plus de pédagogie.

En effet, le rectorat affirme que les collèges sortis du réseau de réussite scolaire conserveront les moyens dont ils disposent actuellement. Mais dans ces conditions, pourquoi provoquer tout ce jeu de chaises musicales ? Telle est la question que se posent les enseignants et les parents d'élèves. Ces derniers savent que l'école peut aider à sortir de la précarité et de leurs difficultés des enfants qui ont besoin d'espoir. Pour cela, les enseignants doivent disposer de moyens pérennes et non pas transitoires.

Je sais que nous héritons d'une situation, mais nous devons nous montrer extrêmement sensibles à cette contestation, car personne ne comprend que l'on change l'appellation de ce dispositif tout en assurant que les moyens seront maintenus. Un effort d'explication est nécessaire, et je demande au Gouvernement d'être extrêmement attentif, monsieur le ministre.

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