Question de Mme MICOULEAU Brigitte (Haute-Garonne - UMP) publiée le 29/01/2015

Mme Brigitte Micouleau attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'engorgement des tribunaux administratifs en matière de contentieux de l'urbanisme, engorgement dû, notamment, à une multiplication des recours à l'encontre des permis de construire.
Une étude de la Fédération des promoteurs immobiliers de Midi-Pyrénées (FPI MP), réalisée en décembre 2014, a ainsi comptabilisé près de 3 000 logements dont la réalisation est actuellement suspendue à l'examen d'un recours contentieux et ce, uniquement pour les trente adhérents de cette organisation professionnelle régionale.
La multiplication des recours et l'allongement des délais de jugement, qui en est la première conséquence, ont de graves répercussions sur la construction de logements, y compris sociaux, mais aussi sur l'emploi dans le secteur du bâtiment et sur les recettes fiscales engendrées par cette activité. Les chiffres avancés par les organisations professionnelles sont, à tous les niveaux, inquiétants.
L'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 ainsi que le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 avaient pour objectifs de réduire les abus et d'accélérer les procédures en matière de contentieux de l'urbanisme. Ces objectifs ne semblent pas aujourd'hui atteints.
Aussi lui demande-t-elle quelles mesures le Gouvernement compte prendre, tant sur le plan réglementaire que sur le plan législatif, pour améliorer cette situation, notamment en termes de délais, et permettre à la justice administrative d'être mieux adaptée aux attentes de nos concitoyens.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 25/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 24/03/2015

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, je souhaitais interroger Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'engorgement des tribunaux administratifs en matière de contentieux de l'urbanisme. L'inflation à cet égard semble notamment due à la multiplication des recours à l'encontre des permis de construire.

En effet, dans une étude de décembre 2014, la fédération des promoteurs immobiliers de Midi-Pyrénées a recensé près de 3 000 logements dont la réalisation est actuellement suspendue à l'examen d'un recours, ce uniquement pour les trente adhérents de cette organisation professionnelle régionale.

La multiplication des recours et l'allongement des délais de jugement ont de graves répercussions sur la construction de logements, y compris les logements sociaux, mais aussi sur l'emploi dans le secteur du bâtiment et sur les recettes fiscales engendrées par cette activité. Les chiffres avancés par les organisations professionnelles sont, à tous niveaux, inquiétants.

L'ordonnance du 18 juillet 2013 ainsi que le décret du 1er octobre 2013 avaient pour objectifs de réduire les abus et d'accélérer les procédures en matière de contentieux de l'urbanisme. Ces objectifs ne semblent pas atteints aujourd'hui.

Aussi je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre, tant sur le plan réglementaire que sur le plan législatif, pour améliorer cette situation, notamment en termes de délais, et ainsi permettre à la justice administrative d'être mieux adaptée aux attentes de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification.Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser Mme la garde des sceaux, qui m'a chargé de répondre à votre question.

Vous traitez d'une véritable difficulté. Les temps nécessaires à la justice pour se prononcer en matière de recours contre des permis de construire et les conséquences que ces délais peuvent avoir sur la réalisation des opérations de construction, le lancement des chantiers et le soutien à la croissance sont autant de raisons qui témoignent de l'importance de cette question.

Vous l'avez rappelé, de nouvelles règles en matière d'urbanisme ont été introduites dans le but précisément de raccourcir ces délais. Il s'agit du premier paquet de mesures de simplification du droit de l'urbanisme. D'autres viendront dans des délais assez courts.

Je ne crois pas que les difficultés que vous soulignez, propres à la région à laquelle vous vous intéressez, relèvent de ces dispositifs. Au contraire, une accélération des contentieux en matière d'urbanisme est constatée. Ainsi, le nombre de recours portant sur les permis de construire a diminué, à l'échelle de la France entière, de 16,82 % entre 2013 et 2014. Les délais moyens de jugement sont passés de un an, quatre mois et onze jours en 2010, à un an, trois mois et treize jours en 2014, ce qui, à mes yeux, reste encore long.

Sur la même période, le stock de contentieux liés à des permis de construire a diminué, passant de 8 646 affaires en 2010 à 7 013 en 2014.

Voilà pour le constat de l'engorgement des juridictions, de la multiplication des recours et de l'allongement des délais de jugements sur les permis de construire.

S'il n'est pas possible, à ce stade, d'imputer avec certitude les progrès susmentionnés à la réforme du contentieux de l'urbanisme réalisée par l'ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 et par le décret n°2013-879 du 1er octobre 2013. Il n'en demeure pas moins que, après dix-huit mois d'application, ces textes ont mis à disposition de nombreux outils, notamment pour dissuader en amont les requérants d'intenter des actions purement dilatoires, tout en donnant au juge de nouveaux instruments pour sécuriser et accélérer le traitement du contentieux.

Parmi les nouveaux outils qui ont montré leur efficacité figurent les précisions apportées en matière d'intérêt à agir, posées par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'un permis de construire.

Néanmoins - ce pour rejoindre vos propos, madame la sénatrice - il est utile de dresser au plus vite un bilan complet de ces premières mesures. C'est d'ailleurs ce que prévoit l'amendement parlementaire adopté en première lecture du projet de loi sur la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques à l'Assemblée nationale, qui introduit un article additionnel après l'article 28 prévoyant la remise au Parlement d'un rapport « avant le 31 décembre 2015 sur l'évaluation des effets de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme ».

En tout état de cause, nous allons mener cette évaluation avec exigence, quitte à revenir sur la réforme, pour la compléter et l'améliorer si cela se révélait nécessaire.

Le Gouvernement mène une réflexion continue sur ces sujets. C'est ce qu'il fait notamment, d'une part, dans le cadre de la mission confiée par le Premier ministre au préfet Jean-Pierre Duport sur l'accélération des projets en matière de logement, d'urbanisme et d'aménagement du territoire et, d'autre part, dans le cadre de la modernisation du droit de l'environnement, dont le suivi global a été confié par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à une commission spécialisée du Conseil national pour la transition énergétique, présidée par votre collègue Alain Richard.

J'ajoute que tous ces outils - bilan d'évaluation, mission Duport et mission Richard - ont le même échéancier, à savoir la fin de l'année 2015, car il est absolument essentiel de raccourcir les délais de jugement en matière de contentieux de l'urbanisme, et d'accélérer la réalisation effective, quand elles sont autorisées par le tribunal, des opérations d'aménagement et d'urbanisme.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse ; cependant, malgré la baisse chiffrée que vous annoncez, ce problème est persistant dans ma région, singulièrement dans mon département, la Haute-Garonne. La multiplication des recours que l'on peut qualifier d'abusifs a des conséquences néfastes.

Ainsi, en Midi-Pyrénées, l'année de production est bloquée : 3 000 logements privés et 1 000 logements sociaux sont concernés. Parallèlement, certains avocats et particuliers négocient désormais à l'amiable pour retirer ces recours, moyennant une forte indemnité.

Je me permets d'insister sur la nécessité de limiter tous ces recours abusifs, par exemple en s'inspirant du système des legal opinions du Royaume-Uni ou des États-Unis, pour juger de la recevabilité du motif du recours en cas de recours contentieux, ou, en cas de poursuite de la procédure, en exposant le requérant à une indemnité dissuasive si le juge venait à rejeter son recours.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, voilà un vrai problème, notamment dans l'immensité des villes ! Il est par ailleurs regrettable que des avocats se spécialisent dans ces procédures pour les faire traîner en longueur.

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