Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 26/02/2015

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le dilemme auquel sont confrontées les collectivités locales pour respecter l'obligation de mise en concurrence des opérateurs économiques, lorsqu'il s'agit de remplacer des pièces défectueuses dans du mobilier urbain ou de renouveler celui-ci.
Il est en effet légitime pour une commune de vouloir préserver une homogénéité esthétique et de fonctionnement dans son mobilier urbain : tel modèle de banc, de poubelles ou de mâts d'éclairage a été choisi sur une promenade en bord de lac ou de la mer par exemple, tel autre modèle sur les places du centre-ville, et encore tel autre modèle sur les entrées de ville.
Lorsqu'il s'agit de remplacer un banc endommagé, la commune fait généralement appel au fournisseur initial, sans mise en concurrence, notamment parce que le seuil de 15 000 € hors taxes n'est pas dépassé.
Le problème se pose lorsqu'elle souhaite mener une campagne de remplacement de bancs sur tout son territoire, et que le seuil de non mise en concurrence est dépassé. Il se pose également, et bien plus souvent, lorsqu'il s'agit de remplacer des lanternes dans les mâts d'éclairage public, à l'identique du modèle initial, et ce pour une question d'esthétique bien évidemment, mais aussi pour éviter de multiplier les fournisseurs et ainsi faciliter la gestion du système.
Ce faisant, il apparaîtrait que les dispositions relatives aux marchés complémentaires du 4° du II de l'article 35 du code des marchés publics ne trouvent pas à s'appliquer. Il apparaitrait également que les conditions permettant de s'affranchir d'une mise en concurrence des fournisseurs prévues au 8° du II du même article ne sont pas remplies.
Il lui demande donc de lui indiquer des pistes permettant aux collectivités de concilier l'obligation de mise en concurrence des entreprises et le maintien de l'homogénéité du mobilier urbain.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 09/06/2016

Le recours aux marchés négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence prévus à l'article 35 II du code des marchés publics (CMP) est, comme toute procédure dérogatoire, d'interprétation stricte. Ainsi, un marché complémentaire de fournitures ne pourrait être passé sur le fondement de l'article 35 II 4° du CMP que lorsque le changement de fournisseur obligerait le pouvoir adjudicateur à acquérir un matériel de technique différente entraînant une incompatibilité avec le matériel déjà acquis ou des difficultés techniques d'utilisation et d'entretien disproportionnées. Le souci d'homogénéité en matière de mobilier urbain ne paraît pas pouvoir entrer dans le champ de cette dérogation. Il en est de même pour les marchés négociés prévus à l'article 35 II 8° du CMP qui ne peuvent être confiés qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité. Le droit des marchés publics permet néanmoins de répondre aux préoccupations d'esthétisme. Le pouvoir adjudicateur peut ainsi passer un marché portant, non seulement sur la fourniture du mobilier urbain, mais également sur la maintenance et l'entretien de ce mobilier. Pendant toute la durée de ce marché, le pouvoir adjudicateur pourra, dès lors, faire remplacer par le titulaire les pièces défectueuses du mobilier urbain ou renouveler celui-ci. Le marché pourrait par exemple être décomposé en lots, dont le premier porterait sur la fourniture et l'installation initiale du mobilier urbain et le second, à bons de commande, aurait pour objet l'entretien et la maintenance de ce matériel. Le recours au marché à bons de commande est particulièrement adapté en cas d'incertitude sur le rythme ou l'étendue du besoin à satisfaire. Lors du renouvellement du marché, le pouvoir adjudicateur peut définir, dans les documents de la consultation, des spécifications techniques permettant d'assurer l'homogénéité des équipements. Celles-ci doivent alors être indiquées de manière suffisamment précise et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à la liberté d'accès aux marchés publics ou de rompre l'égalité entre les candidats (CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe, n°  362532). Les offres ne répondant pas à ces indications sont déclarées irrégulières. Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur peut, eu égard à l'objet du marché de mobilier urbain, inclure un critère d'homogénéité esthétique (CE, 28 avril 2006, commune de Toulouse, n°  280197). La mise en œuvre d'un tel critère ne doit pas laisser une liberté de choix discrétionnaire au pouvoir adjudicateur (CJCE,  20 septembre 1988, Beentjes BV c/ État des Pays-Bas, aff. C-31/87). Ainsi, les candidats doivent être en mesure d'identifier les qualités qui seront appréciées et, d'une manière générale, l'ensemble des éléments qui seront utilisés pour juger l'offre (Point 15.1.1.2. du guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics). En outre, un tel critère devrait être affecté d'une pondération limitée.

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