Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 19/03/2015

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'absence de dispositions relatives à la reconstitution de carrière des agents dits reclassés de La Poste et de France Télécom-Orange. Depuis près de vingt ans, ces fonctionnaires sur le grade de reclassement ont subi le blocage de leur carrière. Les décrets n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 et n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ont permis que soit relancée la promotion de ces fonctionnaires, mais sans effet rétroactif. Ainsi, de 1993 à fin 2004 pour les agents de France Télécom et de 1993 à fin 2009 pour les agents de La Poste, ces fonctionnaires ont été privés de revalorisation de carrière. Pourtant, le Conseil d'État a rendu deux arrêts en 2008 dans lesquels il reconnaît le blocage de carrière et la faute de l'État ainsi que des entreprises pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le droit à la promotion de ces fonctionnaires sur le grade de reclassement. Aujourd'hui, les fonctionnaires « reclassés » demandent le rattachement budgétaire et administratif à un ministère de tutelle, une reconstitution de carrière dans leurs corps et grades d'origines depuis 1993, une définition de leurs missions de service public à accomplir, l'application stricte des titres I et II de la fonction publique de l'État, et la réparation des préjudices subis.
C'est pourquoi il lui demande la position du Gouvernement sur ce dossier et souhaite savoir si des évolutions législatives sont envisagées.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 17/12/2015

La loi du 2 juillet 1990 portant organisation du service public de la poste et à France Télécom a prévu que l'ensemble des fonctionnaires de ces entreprises continuent à y exercer leurs fonctions dans le cadre du statut général des fonctionnaires, qu'ils soient fonctionnaires dits reclassés ou fonctionnaires dits reclassifiés. L'ensemble des fonctionnaires de La Poste et de France Télécom, devenu Orange (ceux dits de reclassement comme ceux dits de classification) relèvent de la loi du 2 juillet 1990 et des titres 1 et 2 du statut général des fonctionnaires. En l'absence de recrutement externe dans les corps de reclassement et en raison de l'existence de quotas statutaires, les possibilités de promotions se sont trouvées très réduites au sein des corps de reclassement (tout en étant réalisables vers les corps dits de classification) et cette situation a suscité des actions contentieuses de certains fonctionnaires reclassés, en dépit du fait qu'ils pouvaient poursuivre leur carrière dans les corps dits de classification ou des promotions étaient possibles. Le décret n°  2004-1300 du 26 novembre 2004, relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom, a supprimé les obstacles statutaires qui ne permettaient plus la promotion interne dans les corps de reclassement de France Télécom, suite à l'arrêt du recrutement de fonctionnaires par l'opérateur, à compter du 1er janvier 2002, confirmé par la loi n°  2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. S'agissant de La Poste, suite à une décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008, la promotion dans les corps de fonctionnaires dits « reclassés » de La Poste a été relancée par le décret n°  2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste : celui-ci permet de réaliser des promotions dans l'ensemble des corps dits de « reclassement » de l'opérateur. Les fonctionnaires dits reclassés ont donc pu opter pour une évolution de carrière soit au sein des corps de classification dès 1993, sans perte d'identité statutaire, soit pour une promotion au sein des corps de reclassement depuis 2004 à France Télécom et depuis 2009 à La Poste. Toutefois, la décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008 n'a pas enjoint au Gouvernement de procéder à la reconstitution de carrière des agents pouvant être concernés par le droit à une promotion. La Haute Cour a explicitement précisé, dans une décision du 18 novembre 2011, que l'exécution de sa décision du 11 décembre 2008 n'impliquait pas que les mesures réglementaires nouvelles soient dotées d'un effet rétroactif. Une reconstitution de carrière collective est difficilement concevable car elle conduirait à une promotion automatique, ce que les juridictions administratives excluent, s'attachant à déterminer, au cas par cas, si les requérants avaient fait preuve d'une chance sérieuse de promotion alors même qu'ils auraient rempli les conditions statutaires pour être promus. Le Comité Européen des Droits Sociaux, dans sa décision n°  73-2011 du 12 septembre 2012, a lui-même considéré qu'en ce qui concernait les questions relatives aux droits acquis des différentes catégories d'agents ou un manque de reconstitution de carrière, il appartenait aux fonctionnaires « reclassés » de faire valoir leurs droits à réparation devant les juridictions internes. Par ailleurs, il faut rappeler que la reconstitution de carrière est un acte administratif extrêmement rare qui n'est intervenue dans le passé que pour réparer des préjudices de carrière imputables à des faits de guerre. En outre, une telle mesure risquerait de créer une inégalité de traitement avec les fonctionnaires qui ont accepté la classification mais n'ont pas davantage connu d'évolution de carrière, compte tenu des taux de promotion en vigueur à La Poste et à Orange, s'agissant de promotions au choix. En tout état de cause, la question d'une reconstitution de carrière relève d'une décision éventuelle des Présidents de La Poste et d'Orange qui seuls détiennent les pouvoirs de gestion à l'égard de l'ensemble des fonctionnaires en fonctions dans leurs services. Pour toutes ces raisons, il ne semble pas possible de procéder à une reconstitution de carrière de l'ensemble des fonctionnaires concernés. Il appartient à ceux qui estiment avoir subi un préjudice de faire valoir leurs droits devant les juridictions compétentes, qui déterminent au cas par cas si une indemnisation est justifiée.

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