Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 10/04/2015

Question posée en séance publique le 09/04/2015

M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Il y a dix jours, votre majorité a subi un revers électoral sans précédent (Exclamations.), vous privant en un jour de la présidence de vingt-six conseils départementaux.

Pourtant, votre défaite aurait pu être bien plus lourde encore si votre prédécesseur au ministère de l'intérieur, Manuel Valls, n'avait fait voter un découpage des cantons particulièrement perfide…


M. Michel Berson. Pertinent !


M. Christian Cambon. … visant à atténuer le désaveu massif des Français.

Dans de nombreux départements, des cantons ont ainsi échappé à l'union de la droite et du centre grâce à un maniement des ciseaux particulièrement favorable à la gauche. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)


M. Roland Courteau. Rien à voir avec celui de Pasqua !


M. Christian Cambon. Du reste, ce découpage de dentellière avait soulevé l'indignation des élus, et près de 2 500 recours furent déposés. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.) Fort étonnamment, aucun de ces recours n'a abouti devant le Conseil d'État. Sans doute, la force de nos arguments ne fut pas suffisamment persuasive, et nous en avons pris acte.

Aujourd'hui, néanmoins, au vu des résultats, vos véritables intentions apparaissent plus clairement.


M. Didier Guillaume. Nous avons fait élire 50 % de femmes !


M. Christian Cambon. À cet égard, le cas du Val-de-Marne est édifiant.

Tenu par le parti communiste depuis trente-huit ans, ce département constitue, élection après élection, la monnaie d'échange d'une union de la gauche rafistolée entre les deux tours, ce qui permet aux socialistes de bénéficier de meilleurs reports de voix communistes dans le reste des départements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)

Le découpage en Val-de-Marne fut diabolique.

Ainsi, à Vitry-sur-Seine, fief du parti communiste, pour 45 000 électeurs, il y a deux cantons et quatre conseillers départementaux. À Nogent-sur-Marne – Le Perreux-sur-Marne, fief de la droite, toujours pour 45 000 électeurs, il n'y a qu'un seul canton et deux conseillers départementaux !


Mme Cécile Cukierman. Ce sont les électeurs qui décident ! Ils sont libres !


M. Christian Cambon. Vous nous chantez l'égalité des chances, mais, en termes d'égalité, on fait mieux !

Le résultat du Val-de-Marne reflète ce beau cadeau fait au parti communiste. (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Au soir du second tour, avec 52 % des voix, l'union de la droite et du centre est battue ! Avec 41 % des voix, la gauche l'emporte, avec trois cantons supplémentaires !


Mme Éliane Assassi. Vous êtes mauvais perdant !


M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, dans quel pays perd-on une élection avec 52 % des voix et la gagne-t-on avec 41 % ? Eh bien, c'est en France, dans le Val-de-Marne ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Le Premier ministre, qui n'a cessé de donner des leçons de morale politique, pense-t-il que de tels procédés vont réconcilier les Français avec les urnes ?


Mme Éliane Assassi. Les questions orales, c'est le mardi matin !


M. Christian Cambon. Ma question est simple : monsieur le ministre, lors des prochaines élections, allez-vous encore poursuivre cette manipulation des lois électorales, une manipulation indigne de notre démocratie ?


Mme Éliane Assassi. Et Pasqua, qu'avait-il fait ?


M. Didier Guillaume. Ce n'est pas à la hauteur du Sénat !


M. Christian Cambon. Plutôt que de rester sourd et aveugle au désaveu des électeurs, allez-vous – enfin ! – prendre des mesures courageuses pour redresser notre pays et redonner aux Français l'envie d'aller voter ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/04/2015

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2015

M. Bernard Cazeneuve,ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, s'il était encore besoin de prouver que certains résultats électoraux peuvent faire perdre tout sens de la nuance, votre question vient d'en apporter une démonstration extrêmement brillante.(Rires et applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Permettez-moi tout d'abord de vous livrer quelques éléments de principe, afin de ne pas vous énerver davantage.(Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Si le Gouvernement a été obligé de recréer des cantons, c'est tout simplement parce que vous les aviez tous supprimés. (Mme Catherine Procaccia s'exclame.) Il n'y a pas eu de redécoupage : tous les cantons ont été supprimés lors de la création du conseiller territorial.

M. Yves Daudigny. C'est vrai !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Lorsque nous avons décidé de faire élire les conseillers départementaux, nous avons été obligés de recréer les cantons.

Mme Catherine Procaccia. C'est faux !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Vous expliquez que les choses sont mauvaises avec ce découpage, alors qu'elles étaient fort bonnes par le passé. J'ai donc examiné très méticuleusement la situation de votre département.

J'ai constaté, à cette occasion, qu'il n'y a pas d'écart de plus de 20 % entre les différents cantons au regard de leur population, alors que, dans le précédent découpage, l'écart était de un à trois entre les cantons de Villiers-sur-Marne et de Bonneuil-sur-Marne.

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Quand le rapport entre la population de deux cantons est de un à trois, cela ne choque pas l'opposition, mais il en est autrement quand il n'est que de 20 % !(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) J'ai du mal à comprendre la logique de ce raisonnement.

Enfin, monsieur Cambon, je vous signale que, grâce au mode de scrutin que nous avons proposé, la proportion de femmes, qui n'était que de 13,5 % dans les précédents conseils généraux, s'établit désormais à 50 % dans l'ensemble des conseils départementaux de France.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Ce n'était pas l'objet de ma question !

M. Bernard Cazeneuve,ministre.Peut-être, mais c'est ma réponse.(Rires et exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le sénateur, que le nouveau mode de scrutin permette de réaliser la parité dans tous les départements de France devrait suffire à vous mettre de meilleure humeur !(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Cécile Cukierman. Malheureusement, il n'y a que 10 % de femmes présidentes de conseil départemental !

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