Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UDI-UC) publiée le 30/04/2015

M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire au sujet de la lenteur avec laquelle est appliquée la loi n° 85-528 du 15 mai 1985, telle que modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation.

Il souligne que c'est une question récurrente que posent de nombreux parlementaires depuis plusieurs années sans que jamais une réelle solution n'y soit apportée. Ainsi, sa dernière correspondance en date du 15 janvier 2015, demandant une entrevue ministérielle sur le sujet, est elle aussi restée lettre morte.

En effet, lorsque cette loi a été votée en 1985, les parlementaires étaient persuadés que tous les actes de décès avaient déjà été établis depuis longtemps et qu'il ne s'agissait plus que d'y ajouter la mention « mort en déportation ». Or, non seulement les actes de décès n'ont pas tous été établis avant cette date mais, en outre, l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), chargé d'établir ces documents, ne se charge plus de leur transcription à la mairie de la dernière adresse connue, pas plus que de leur transcription à la mairie de naissance pour les déportés nés en France. Il s'ensuit des échanges de correspondances entre les familles et les associations qui les soutiennent, l'ONAC et les mairies concernées.

À ce constat, il convient d'ajouter que, sur 73 000 actes de décès déjà publiés au Journal officiel (alors que 155 000 personnes ont disparu dans les camps nazis), un grand nombre des documents établis méritent d'être repris et rectifiés car ils contiennent des erreurs.

Il ne s'agit pas de contester une loi, mais de se donner les moyens humains et financiers de l'appliquer afin de respecter la mémoire des déportés de la Seconde Guerre mondiale.

Il lui demande donc, non pas de lui faire la même réponse formatée qu'habituellement, mais de lui faire part de la manière dont il entend intervenir en faveur d'un règlement rapide de ce dossier que les familles des victimes attendent depuis trop longtemps.

- page 974


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée le 24/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2015

M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur la lenteur avec laquelle est appliquée la loi du 15 mai 1985, modifiée par la loi du 17 mai 2011, sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation, qui prévoit notamment que soit portée en marge de leur acte de décès la mention « mort en déportation ».

Force est de le constater, il s'agit d'une question récurrente que posent de nombreux parlementaires depuis plusieurs années, sans qu'aucune réelle solution y ait jamais été apportée. Ainsi, ma dernière correspondance de janvier 2015 vous demandant une entrevue sur le sujet est, elle aussi, comme les correspondances précédentes, restée lettre morte.

Lorsque cette loi a été votée en 1985, les parlementaires étaient persuadés que tous les actes de décès avaient déjà été établis depuis longtemps et qu'il ne s'agissait plus que d'y ajouter la mention « mort en déportation ». Or non seulement les actes de décès n'ont pas tous été établis avant cette date, mais, en outre, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, chargé d'établir ces documents, ne se charge plus de leur transmission à la mairie de la dernière adresse connue, pas plus que de leur transcription à la mairie de naissance pour les déportés nés en France. Il s'ensuit donc des échanges de lettres entre les familles et les associations qui les soutiennent, l'ONAC et les mairies concernées.

À ce constat, il convient d'ajouter qu'un grand nombre des 73 000 actes de décès déjà publiés au Journal officiel - je rappelle que 155 000 personnes ont disparu dans les camps nazis - doivent être repris et rectifiés, car ils contiennent des erreurs.

Je précise, monsieur le secrétaire d'État, qu'il s'agit non pas de contester une loi, mais de se donner les moyens humains et financiers de l'appliquer, afin de respecter tout simplement la mémoire des déportés de la Seconde Guerre mondiale, ce qui est fondamental.

Je vous demande donc non pas de me donner la même réponse qu'habituellement par écrit, mais de me faire part de la manière dont vous entendez intervenir en faveur d'un règlement rapide de ce dossier, que les familles des victimes attendent depuis trop longtemps.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini,secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Détraigne, je tiens tout d'abord à vous dire que le courrier du mois de janvier que vous évoquez n'a pas été porté à ma connaissance. S'il l'avait été, je me serais fait un plaisir de vous recevoir, comme je suis disposé à le faire pour tous les parlementaires qui le demandent. En revanche, j'ai eu connaissance d'un courrier daté du 1er août 2014 sur le sujet.

Vous m'interrogez sur l'application de la loi instituant la mention « mort en déportation » en marge de l'acte de décès de toute personne décédée à la suite d'un transfert dans une prison ou un camp visé par l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Il s'agit d'une loi exceptionnelle de mémoire, dont l'un des objectifs est de faire connaître aux générations futures la réalité des lieux où sont morts les déportés.

Avant la mise en application de cette loi ne figuraient sur les actes de décès des déportés que les lieux de départ des convois. Le remarquable travail des associations de déportés, notamment celle de M. Serge Klarsfeld, a permis de légiférer en 1985, afin que soient inscrits sur les actes la mention « mort en déportation » ainsi que les lieux de décès de l'ensemble des déportés français. La même mention est aussi prévue pour les personnes décédées lors du transfert dans un camp.

Depuis 2010, l'action menée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a permis l'attribution de cette mention à plus de 17 000 personnes, dont près de 4 000 enfants, victimes des mesures de persécution antisémite, pour lesquels aucun acte de décès n'avait été établi jusqu'alors.

S'agissant des erreurs que vous signalez, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a fait paraître sept arrêtés rectificatifs aux informations publiées auJournal officiel depuis 2010 et a demandé la rectification des actes de décès des personnes concernées aux mairies ayant établi ces actes.

Au total, 76 000 mentions « mort en déportation » ont été délivrées. Néanmoins, beaucoup de travail reste à accomplir. Je pense singulièrement aux victimes du convoi n° 73, parti de Drancy le 15 mai 1944, et qui emmena 878 hommes dans la force de l'âge vers la mort dans les pays baltes. Les familles durent attendre des dizaines d'années avant d'apprendre la destination tragique de ce convoi.

À ce jour, 100 000 dossiers restent à exploiter, et près de 20 000 mentions devraient encore être attribuées. Ce travail, qui est non pas une simple démarche administrative, mais un véritable ouvrage mémoriel, se fait. Les services de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sont mobilisés, mais je ne peux pas cacher qu'il s'agit là d'un travail long et difficile, notamment pour constituer les dossiers.

Pour conclure, monsieur le sénateur, je suis bien entendu prêt à vous recevoir, si vous le souhaitez, pour que nous puissions discuter de tout cela.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, si je comprends et partage votre volonté d'aller au bout de l'action engagée depuis la loi de 1985, je ne peux que constater que les moyens n'y sont pas. Nous avons célébré cette année les soixante-dix ans de la libération des camps, mais je crains que, dans trente ans, c'est-à-dire un siècle après cet événement, nous n'ayons pas encore réalisé la totalité de ces transcriptions que les familles attendent.

Il me paraît vraiment nécessaire de réaliser un effort en termes de moyens : il s'agit en effet de la mémoire de notre pays et d'un hommage mérité que nous devons à celles et à ceux qui sont morts en déportation. N'attendons pas encore trente ans la fin de ces transcriptions !

- page 6611

Page mise à jour le