Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UDI-UC) publiée le 29/05/2015

Question posée en séance publique le 28/05/2015

Concerne le thème : La réforme du collège

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, si le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République mentionne la nécessité de « repenser le collège unique », jamais les modalités précises d'une future réforme n'ont été évoquées lors des débats au Parlement. Aussi les préoccupations demeurent-elles vives et nombreuses parmi les élus, mais aussi parmi les enseignants, que nous avons eu l'occasion d'auditionner hier, et qui nous disent ne pas avoir été consultés. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

L'une de ces préoccupations fondamentales est une inconnue de la réforme, à savoir la question de l'orientation.

L'arrêté prévoit la suppression des options de découverte professionnelle en classe de troisième, tandis que les classes dites « prépa-pro » demeurent, mais sans horaires attribués. À ce jour, le nouveau parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel, qui remplace le parcours de découverte des métiers et des formations, ne bénéficie, lui non plus, d'aucun horaire spécifique et devra donc être organisé sur du temps disciplinaire.

Dès lors, comment permettre aux élèves de choisir leurs études et leur profession ? Y a-t-il là une volonté délibérée de retarder le choix de l'orientation à la seconde et de limiter l'orientation vers les études professionnelles ?

Enfin, le Gouvernement est déjà passé en force sur la réforme des rythmes scolaires. Cette fois, il nous explique que le délai d'ici à la rentrée 2016 permettra de réfléchir aux contenus des formations des enseignants. Soit !

Toutefois, personne ne semble se préoccuper d'un autre aspect très concret de la mise en œuvre de la réforme, à savoir la rédaction et l'achat des nouveaux manuels scolaires. Je ne vois pas comment les collectivités pourront faire face à une dépense inédite par son ampleur alors que toutes subissent déjà le contrecoup de la baisse des dotations de l'État. Il faut savoir que toutes les disciplines, mes chers collègues, dans toutes les classes du primaire et du collège, sont concernées. (M. Claude Kern opine.)

D'où ma question : comment les collectivités ont-elles été associées à la mise en œuvre de la réforme ? Un financement spécifique par l'État de cette dépense est-il prévu ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 29/05/2015

Réponse apportée en séance publique le 28/05/2015

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre.Madame la sénatrice Catherine Morin-Desailly, d'une certaine façon, on pourrait presque nous reprocher d'avoir attendu trop longtemps avant de publier le décret.

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ah non !

 

M. Didier Guillaume. Si !

 

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre.Ce décret résulte de l'adoption d'une loi, la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui a été définitivement adoptée au Parlement il y a vingt-deux mois.

Vous dites, madame la sénatrice, qu'il n'a pas été question de la réforme du collège lors de l'examen au Parlement de cette loi. Je vous invite donc à relire les comptes rendus des débats parlementaires. Je suis prête à répondre aux questions qui vous viennent aujourd'hui, mais je regrette que vous n'ayez pas eu l'occasion de les poser au cours des cinq mois qu'ont duré les débats sur cette loi.

Certains d'entre vous se demandent pourquoi on ne se préoccuperait pas d'abord de l'école primaire avant le collège. Je rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a précisément prévu d'aborder de façon chronologique tous les problèmes que connaît notre système éducatif.

Nous avons donc commencé par l'école primaire, à laquelle nous avons donné la priorité, notamment en mettant enœuvre le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Nous avons également favorisé la préscolarisation des enfants avant trois ans à la maternelle.

Le temps du collège est aujourd'hui venu.

C'est ainsi qu'il faut procéder, notamment pour permettre à tous les enfants d'acquérir le fameux socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu dans la loi pour la refondation de l'école de la République. Celui-ci doit être décliné afin que les enseignements fondamentaux figurent au cœur des programmes repensés, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Par ailleurs, un fonctionnement par cycles de trois ans doit être mis en œuvre afin de permettre de mieux s'assurer de la maîtrise de ces connaissances par les enfants.

J'en viens à votre question sur l'information des élèves en matière d'orientation professionnelle. L'orientation est pour moi un enjeu fondamental. C'est d'ailleurs pour cela que l'un des huit enseignements pratiques interdisciplinaires qui sera mis en œuvre au collège s'intitule« Monde économique et professionnel ». Il permettra aux enfants d'aborder dès la classe de cinquième des sujets qui, jusqu'à présent, n'étaient évoqués qu'à la fin de la troisième(M. Claude Kern s'exclame.), à savoir la construction de l'orientation, la découverte des métiers et de l'apprentissage. Tout le monde se gargarise de l'apprentissage. Or, pour changer notre culture en matière d'apprentissage, il faut peut-être le valoriser plus tôt au collège. C'est ce qui sera fait dans cet enseignement pratique interdisciplinaire. Il permettra par exemple aux élèves de construire, à l'aide de leur professeur, des mini-entreprises, à l'établissement...

 

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

 

Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre.... de s'ouvrir sur son environnement économique et de signer des partenariats avec les entreprises qui l'entourent.(M. Claude Kern s'exclame.)

Je tenais à vous répondre en détail, madame la sénatrice, parce que je pense que le nouveau collège veillera à donner aux élèves les clés de leur avenir professionnel.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)

 

M. Claude Kern. Et les financements ?

 

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

 

Mme Catherine Morin-Desailly. Je regrette, madame la ministre, de ne pas avoir obtenu de réponse sur le réalisme de la refonte de tous les manuels scolaires en même temps, en moins d'une année. Les éditeurs nous disent que ce n'est simplement pas réaliste. Et je ne parle même pas du coût d'une telle refonte.

Il faut bien évidemment changer notre culture sur l'apprentissage, madame la ministre. Mais alors pourquoi est-on revenu il y a un an dans la loi pour la refondation de l'école sur les dispositifs d'initiation aux métiers en alternance, les DIMA, qui favorisaient l'apprentissage ?(Applaudissementssur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

On fait les choses complètement à l'envers, à coups d'aller-retour et d'atermoiements très préjudiciables à la refonte du collège.

Le collège unique, ce n'est pas le collège uniforme.

Nous sommes extrêmement attachés à ce que chaque enfant, à partir du socle commun, trouve son parcours de réussite et puisse se voir offrir une orientation qui corresponde à la fois à ses aptitudes et ses appétences.

De ce point de vue, nous ne voyons pas en quoi l'actuelle réforme, telle qu'elle est proposée, pourra faciliter les choses.

Enfin, dans le texte de loi proprement dit, jamais les mots« réforme des collèges » n'ont été employés.(M. Roger Karoutchi opine.)Quant au rapport annexé, nous nous étions posé beaucoup de questions à l'époque sur le statut de ce document assez verbeux.

 

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

 

Mme Catherine Morin-Desailly. La surprise du Parlement et de la communauté éducative est donc légitime.(Applaudissementssur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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