Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UDI-UC) publiée le 28/05/2015

Mme Nathalie Goulet appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur une délégation de la République autoproclamée du Nagorno-Karabakh qui vient d'effectuer une visite parfois qualifiée d'officielle dans la Drôme, visite soldée - qui plus est - par la conclusion de chartes de jumelage avec des villes de ce département, sous la houlette de l'ambassadeur d'Arménie en France.

Cette situation est simplement inacceptable, puisqu'elle s'apparente à une reconnaissance de fait d'une occupation territoriale reconnue comme illégale par l'ensemble de la communauté internationale, y compris l'Arménie.

Alors que chacun dénonce légitimement l'occupation illégale de la Crimée par les Russes, il est invraisemblable que des collectivités puissent contrevenir, de la sorte, à la politique officielle de la France.

La France ne reconnaît pas la République du Haut-Karabakh, pas plus d'ailleurs que l'Arménie, ce territoire étant illégalement occupé depuis 1991 et cette occupation ayant donné lieu à de multiples résolutions internationales.

Elle lui demande donc les raisons de la tolérance de telles initiatives alors que la France est en charge d'un processus de paix entre les deux pays comme co-président du groupe de Minsk.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 08/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais quelque peu dépayser les questions orales. Parmi les conflits gelés du Caucase, celui qui oppose l'Arménie et l'Azerbaïdjan concerne deux pays avec lesquels - je ne vous apprends rien, monsieur le président - nous entretenons des liens d'amitié. Ce conflit porte sur le territoire contesté du Haut-Karabakh.

Or, au mois de mai dernier, le« président » de la république fantoche du Haut-Karabakh s'est rendu en visite « officielle » en France et a signé des « chartes d'amitié »avec un département, la Drôme, et plusieurs communes.

Bien évidemment, cette république n'est reconnue par aucun État, pas même par l'Arménie. La France, quant à elle, joue un rôle diplomatique important dans ce conflit gelé : elle copréside le groupe de Minsk, qui cherche depuis des années une solution. Or la signature de ces chartes est en contradiction, non seulement avec la position prise par la France, mais encore avec le droit international.

En effet, elles tendent à avaliser une occupation. Imaginez seulement que, demain, le président autoproclamé de la Crimée, de l'Abkhazie ou de l'Ossétie du Sud vienne signer une telle charte d'amitié avec une ville française ! Cette affaire constitue un très mauvais signal.

Le président du groupe d'amitié France-Caucase, notre collègue André Reichardt, a écrit à Mme Lebranchu et à M. Fabius afin que les préfets soient informés de la conduite à tenir, dans le cadre d'un recours hiérarchique ou du contrôle de légalité. En effet, s'il est absolument normal de conclure des chartes d'amitiés avec l'Arménie, tel n'est pas le cas pour un territoire occupé et non reconnu en droit international.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous poserai donc la question suivante : quelle est la position du Gouvernement face à cette situation proprement illégale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.Madame la sénatrice, M. Laurent Fabius m'a demandé de répondre à sa place à votre question de la manière la plus précise qui soit. Vous avez en effet raison d'insister sur la complexité tant juridique que politique - nous sommes à la lisière de ces domaines - de la situation que vous évoquez.

Comme vous l'avez rappelé, quatre collectivités territoriales françaises ont signé des « chartes d'amitié » avec des collectivités du Haut-Karabakh, un territoire majoritairement peuplé d'Arméniens qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan. Elles ont été signées à l'occasion de la visite en France, du 18 au 20 mai dernier, de M. Bako Sahakian, soi-disant président de la« république du Haut-Karabakh ».

Comme vous l'indiquez, la France, coprésidente du groupe de Minsk en charge de la médiation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur ce conflit, n'a jamais reconnu le Haut-Karabakh comme entité indépendante, non plus que comme partie du territoire de la République d'Arménie. Nous ne reconnaissons pas l'indépendance du Haut-Karabakh et nous n'entretenons pas de contacts bilatéraux avec les autorités de fait de ce territoire.

Le Gouvernement regrette par conséquent l'initiative prise par ces collectivités territoriales. La signature de ces« chartes d'amitié » est d'ailleurs illégale au regard des dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. En effet, elle était clairement contraire aux engagements internationaux de la France, qui n'a pas reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh.

Le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, a donc écrit au ministre de l'intérieur pour attirer son attention sur ce problème. Les deux ministres ont adressé, en fin de semaine dernière, une circulaire conjointe aux préfets pour leur rappeler les règles en vigueur.

Vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, que cette situation pourrait malheureusement se reproduire - sait-on jamais ? - concernant des collectivités situées dans d'autres parties du globe, comme la Crimée.

Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères et du développement international a d'ores et déjà adressé un courrier aux préfets de la région Rhône-Alpes et des départements de la Drôme, de l'Isère et du Val-d'Oise pour les saisir de cette question.

Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que la France, en tant que coprésidente du groupe de Minsk, reste entièrement mobilisée pour la recherche d'une solution pacifique au conflit du Haut-Karabakh. Je veux insister, pour conclure, sur le fait que notre relation amicale et profonde avec l'Arménie n'altère et n'altérera en rien la position française traditionnelle d'impartialité au sein du groupe de Minsk.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse vraiment précise. Dans quelques mois, comme vous le savez, se tiendront à Paris les assises de la coopération décentralisée avec l'Azerbaïdjan. Ce pays fait beaucoup parler de lui, mais c'est un pays en mutation. Il faut absolument élargir nos coopérations avec l'Azerbaïdjan : c'est un moyen important pour faciliter l'évolution de ce pays vers plus de démocratie. Vous n'ignorez pas que le Caucase est une terre difficile.

Vous avez indiqué tout à l'heure que le Haut-Karabakh était majoritairement peuplé d'Arméniens. Cela est devenu vrai, bien évidemment, dans les années 1990, à la suite du conflit armé.

Nous avons absolument intérêt à conserver notre neutralité. Je vous remercie d'avoir insisté sur le fait que notre amitié avec l'Arménie ne nuisait pas à notre neutralité au sein du groupe de Minsk.

Quoi qu'il en soit, cette réponse devrait à mes yeux apaiser une situation qui était devenue délicate. Rappelons-nous que, passé l'Oural, il est difficile de comprendre l'organisation territoriale de la France dans toute sa complexité, pas seulement pour ce qui concerne les territoires ruraux.

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