Question de Mme GÉNISSON Catherine (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 04/06/2015

Mme Catherine Génisson attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les problèmes soulevés par certains arbitrages du plan d'économie des hôpitaux contenus dans le projet de loi n° 406 (Sénat 2014-2015) relatif à la santé.
Le redressement de la France dans la justice se concrétise par l'application de réformes importantes, afin de pérenniser notre modèle social, de stabiliser les comptes publics, ainsi que de permettre une meilleure adaptation de notre système socio-économique aux réalités et aux enjeux de l'économie mondialisée.
Dans les politiques de santé publique, ce projet de loi doit transformer le quotidien de millions de Français, changer le rapport des Français à leur santé, leur apporter les moyens de se prémunir et de se protéger, par l'engagement d'une action d'envergure de rétablissement des comptes sociaux, ainsi que l'amélioration de notre système de santé public et la qualité de l'offre de soins.
En revanche, les efforts financiers demandés aux structures hospitalières du Nord-Pas-de-Calais apparaissent trop importants, compte tenu des réalités sociales et sanitaires de notre territoire régional, avec notamment une espérance de vie plus basse de plus de trois ans que la moyenne « hexagonale », un taux de mortalité suite à un accident vasculaire cérébral de dix points supérieur à la moyenne nationale, ou une mortalité par voies aérodigestives supérieures de 70 % plus élevée que sur l'ensemble du territoire.
Alors même que les indicateurs de santé, qui sont parmi les plus mauvais de France, exigeraient une véritable politique de péréquation des moyens pour répondre avec efficacité à ces problématiques, les efforts financiers demandés sont parmi les plus importants, tant en termes de réduction de lits que de blocage de la masse salariale.
Au-delà des inquiétudes émises par une majorité des professionnels de santé du Nord-Pas-de-Calais et d'élus locaux concernant les différences entres les moyens nécessaires et les moyens disponibles, accentuées par les nouveaux efforts présentés, la limitation de la croissance de la masse salariale à 1,5 % risque d'avoir des conséquences négatives sur l'emploi, avec des répercussions possibles sur la garantie de l'accès aux soins et de la qualité des soins sur notre territoire.
Investie sur les questions de santé publique et particulièrement concernant les problématiques spécifiques d'une région fortement touchée comme le Nord-Pas-de-Calais, elle exprime ici sa solidarité avec les professionnels de santé, ainsi que toutes celles et tous ceux qui s'inquiètent légitimement des conséquences négatives, voire dangereuses pour nos concitoyens, de ces restrictions imposées aux établissements hospitaliers du Nord-Pas-de-Calais.
Aussi souhaite-t-elle savoir quelles sont les intentions du ministère concernant l'amendement de ce projet, afin de répondre aux spécificités socio-sanitaires importantes de ce territoire.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 08/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015

Mme Catherine Génisson. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les problématiques liées à la mise en œuvre, récemment annoncée, d'un plan triennal d'économies au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, au sein des établissements publics de santé.

J'en suis consciente, une évolution structurelle des services de santé est nécessaire. À cet égard, il convient d'allier la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé. En outre, ces efforts doivent être équitablement répartis entre les régions et les établissements, quel que soit leur statut.

Or les efforts financiers demandés aux hôpitaux du Nord-Pas-de-Calais paraissent excessifs au regard des réalités sociales et sanitaires de ce territoire : espérance de vie inférieure de trois ans à la moyenne nationale, taux de mortalité à la suite d'accidents vasculaires cérébraux supérieur de dix points à la moyenne nationale, mortalité résultant des pathologies des voies aérodigestives supérieures de 70 % à la moyenne nationale... Je pourrais, malheureusement, poursuivre cette liste.

Au regard de ces indicateurs, qui appellent une véritable politique de péréquation, les efforts financiers demandés sont inappropriés, qu'il s'agisse de la réduction du nombre de lits ou du blocage de la masse salariale, dont la progression doit être limitée à 1,5 %.

L'offre hospitalière de la région Nord-Pas-de-Calais reste fragile : que ce soit au niveau de ses ressources médicales - elle est parmi les dernières pour la densité de médecins spécialistes - ou au titre de l'offre de soins, elle n'est pas en surcapacité. Cependant, elle concourt activement à l'évolution des prises en charge. Le virage ambulatoire est bien engagé : en la matière, notre région est la troisième de France. L'hospitalisation de jour présente un taux de 58,2 %, pour une moyenne nationale de 57 %.

De surcroît, le Nord-Pas-de-Calais a fortement développé l'hospitalisation à domicile, avec un ratio de 17 pour 100 000 habitants, contre un objectif national de 12 à 15 pour 100 000 habitants.

Par ailleurs - ce n'est pas le moindre des sujets -, dans notre région, les gels et économies dont font l'objet, cette année, les dotations annuelles de financement des soins non soumis à la tarification à l'activité, à savoir les soins de suite et de réadaptation, représentent plus de 11,27 % du total des économies exigées en France dans ce domaine. Cette part est largement supérieure au poids global de la région.

Madame la secrétaire d'État, je ne méconnais pas les importants efforts d'investissement dont notre territoire régional a bénéficié. Toutefois, solidaire des inquiétudes exprimées par une majorité des professionnels de santé et des élus des collectivités territoriales, je souhaite connaître vos propositions pour rétablir une péréquation si attendue et nécessaire, et qui, je le rappelle, a existé entre 1997 et 2002.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la mise en œuvre du plan d'économies et sur ses effets sur les établissements de santé, en particulier dans la région Nord-Pas-de-Calais. Comme vous le savez, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a eu l'occasion de se rendre à plusieurs reprises dans cette région et d'y mesurer les enjeux de santé publique. J'y suis moi-même particulièrement attentive.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui sera très prochainement examiné par votre assemblée, a pour objectif de s'attaquer à la racine des inégalités, en renforçant la prévention et en recentrant l'organisation des soins autour de la médecine de proximité. L'objectif est de transformer le quotidien de millions de nos concitoyens et de changer le rapport des Français à leur santé.

Nous devons atteindre cet objectif tout en respectant un cadre budgétaire contraint : c'est une réalité avec laquelle il nous faut composer. C'est pourquoi la ministre a engagé un certain nombre de réformes structurelles, qui doivent nous permettre de rendre soutenable un ralentissement du taux de progression de l'ONDAM. Il s'agit bien, en effet, de maîtriser l'évolution de la dépense : en 2015, des crédits supplémentaires seront consacrés à l'hôpital à hauteur de 1,5 milliard d'euros.

Ces réformes, vous les connaissez : il s'agit du virage ambulatoire, de l'amélioration de la relation ville-hôpital, de la pertinence des actes et des prescriptions et, enfin, d'une meilleure organisation territoriale.

Sur ce dernier point, les groupements hospitaliers de territoire nous amèneront à mieux structurer la réponse proposée à nos concitoyens.

Ces évolutions et ces réformes permettront de concilier l'objectif de redressement des comptes et l'amélioration de la prise en charge, pour les hôpitaux du Nord-Pas-de-Calais, comme pour l'ensemble des hôpitaux du pays. Je note, par ailleurs, que la situation financière des hôpitaux de votre région est plutôt satisfaisante, madame la sénatrice.

Ces objectifs sont ambitieux, mais ils sont à l'image des engagements de l'État pour la région. En témoignent les investissements récemment autorisés, comme le projet de reconstruction du bâtiment de cardiopneumologie du CHRU de Lille, financé à hauteur de 40 millions d'euros apportés par le niveau national, ou la reconstruction de la maternité de Roubaix. En témoigne également la mise en œuvre d'une politique de péréquation progressive favorable à la région Nord-Pas-de-Calais pour l'attribution des crédits du fonds d'intervention régional.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je remercie madame la secrétaire d'État de sa réponse. Je connais l'attachement de notre ministre de la santé à la région Nord-Pas-de-Calais.

Comme vous l'avez relevé, madame la secrétaire d'État, les hôpitaux de la région se conduisent bien et jouissent d'une situation financière et budgétaire satisfaisante. Pourtant, malgré l'investissement du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais pour soutenir la lutte contre les cancers, les indicateurs sanitaires de notre région restent dramatiques. Je le dis sans que l'on puisse me reprocher de tomber dans le misérabilisme, parce que nous sommes des battants !

La péréquation est vitale pour nous : notre région est en retard selon les indicateurs sanitaires. Nous ne pouvons supporter des mesures qui iraient à l'encontre de ce processus, et qui nous pénaliseraient plus que les autres régions. J'ai à l'esprit, en particulier, la situation en matière de soins de suite et de rééducation.

Nous suivrons ce dossier avec beaucoup d'attention, et je fonde beaucoup d'espoirs dans le débat qui se tiendra à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

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