Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOC-A) publiée le 04/06/2015

M. Maurice Antiste attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la question cruciale des délais de paiement.

Le non respect des délais de paiement est un véritable fléau pour les entreprises, qu'elles soient grandes, moyenne ou petites, voire même individuelle ou artisanale. La survie d'une entreprise se joue parfois à peu de chose : un trou de trésorerie causé par un règlement de factures tardif et la structure peut être contrainte de cesser son activité ; ou alors cela peut conduire à l'impossibilité pour une entreprise d'investir comme elle le pourrait ou le voudrait

Il reconnaît qu'il existe déjà d'un arsenal de mesures législatives et réglementaires sur le sujet. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a modifié les règles relatives aux pénalités de retard pour les rendre davantage dissuasives et elles ne peuvent désormais être inférieures à trois fois le taux d'intérêt légal (soit 1,95 % en 2010) sachant qu'il s'agit là d'un minimum et que les entreprises qui le souhaitent peuvent appliquer des taux supérieurs. Dans l'absolu, ces pénalités sont applicables dès le dépassement du délai contractuel de paiement et comme elles sont dues de plein droit, il incombe donc théoriquement au client de les calculer... ce qui est rarement le cas, pour ne pas dire jamais.
À cette disposition s'est ajoutée depuis le 1er janvier 2013 une indemnité forfaitaire de recouvrement dont l'objectif est d'éviter au créancier de supporter tous frais imprévus supplémentaires : cette indemnité est de 40 € par facture non payée à l'échéance.

Plus récemment, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation prévoit également des amendes dissuasives pour les entreprises n'ayant pas honoré ces factures dans les temps : 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, montants pouvant être doublés si cela se reproduit en deux ans.

Sauf que depuis 2009, il n'y a pas véritablement eu d'amélioration du comportement des maîtres d'œuvre en matière de délais de paiement puisqu'un tiers des entreprises restent touchées par ces retards. Selon une étude du groupe Altares, les paiements effectués sans retard représentaient 32 % des échanges, les paiements avec des retards de quinze à trente jours représentaient 25,7 % des échanges, quand le nombres moyen de jours de retard était de 11,9 au dernier semestre 2014.

Par ailleurs, les entreprises ne semblent pas faire usage des recours prévus par la loi. Selon l'enquête annuelle de l'association française des crédits managers et conseils (AFDCC) publiée en avril 2015, presque une entreprise sur deux ne réclame jamais les pénalités de retard, et près de 70 % déclarent ne pas encaisser l'indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement (par facture de retard) ; ce sont même 79 % des structures de plus de 50 salariés qui ne l'appliquent pas, selon un récent baromètre du cabinet Arc-Ifop. La peur pour les entreprises de perdre des parts de marché explique sans doute cette réticence.

C'est pourquoi il souhaiterait savoir quelles solutions sont envisagées pour s'attaquer avec détermination à ce problème.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 13/04/2017

Les entreprises débitrices sont souvent tentées de recourir prioritairement au crédit interentreprises (délais de paiement que les entreprises s'accordent entre elles dans le cadre de leurs relations commerciales d'achat et de vente), source de financement gratuite, et de différer, parfois à l'excès, le paiement de leur dette. Ces retards de paiement sont préjudiciables à la compétitivité et à la rentabilité des entreprises créancières parce qu'ils leur imposent d'obtenir des financements de court terme auprès de leur banque. Les délais de paiement constituent donc un enjeu important pour le financement des entreprises. Pour favoriser une nouvelle réduction des délais de paiement moyens, le Gouvernement a annoncé le 6 novembre 2012 dans le « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi » et dans le plan « pour le renforcement de la trésorerie des entreprises », sa ferme volonté de lutter contre l'allongement des délais de paiement. L'un des axes principaux de cette politique est le renforcement de l'efficacité de la loi pour réduire les délais de paiement. Selon le rapport de la direction des entreprises de la Banque de France de 2014, les délais clients atteignent 45 jours de chiffres d'affaires pour 2013, et les délais fournisseurs sont à 51 jours d'achats. La différence de trajectoire entre ces deux délais crée un effet de ciseaux défavorable, augmentant le besoin en financement global des entreprises, pour atteindre un solde du crédit interentreprises de 12 jours de chiffres d'affaires en 2013. Dans ce cadre, le ministre chargé de l'économie a fait du contrôle des délais de paiement une mission prioritaire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et a fixé l'objectif d'effectuer au moins 2 500 contrôles en 2015, axé principalement sur le contrôle des grandes entreprises. Pour renforcer l'efficacité de ces contrôles, la loi n°  2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré dans le code de commerce de nouvelles dispositions visant à lutter contre les délais de paiement abusifs. Une nouvelle compétence est ainsi conférée à l'administration, qui lui permet d'enjoindre au professionnel de se conformer à ses obligations ou de cesser tout agissement illicite. L'administration est aussi dotée d'un pouvoir de sanction renforcé pour sanctionner plus strictement les retards de paiement par le prononcé d'amendes administratives, en remplacement des sanctions civiles et pénales auparavant en vigueur. Le dispositif permet aux services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, après constat, par procès-verbal des agents habilités, d'un manquement aux règles relatives aux délais de paiement, de prononcer une amende administrative, dont le montant maximum est de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale. La procédure préalable au prononcé des amendes est contradictoire et permet à l'entreprise concernée de présenter ses observations. Les sanctions prononcées sont soumises au contrôle du juge administratif. Sont ainsi administrativement sanctionnés : - le non-respect des délais de paiement mentionnés aux huitième (délai supplétif), neuvième (délais convenus et délais des factures récapitulatives de droit commun) et onzième (délai applicable au secteur du transport) alinéas du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, et mentionnés à l'article L. 443-1 du code de commerce (secteur agroalimentaire et vitivinicole ; - le non-respect du formalisme prévu à l'alinéa du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, c'est-à-dire le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement (incluses dans les conditions générales de ventes) les mentions relatives aux conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que celui du montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier ; - l'alternance des modes de computation en violation des dispositions du contrat, au détriment des créanciers ; - toute clause ou pratique ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement (délais cachés). L'article 123 de la loi n°  2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a aussi modifié l'article L. 441-6- 1 du code de commerce, introduit dans le code de commerce par la LME, en imposant des obligations de transparence plus strictes aux entreprises et en rendant plus opérationnel le rôle des commissaires aux comptes d'alerte au ministre chargé de l'économie en cas de retards de paiement répétés et significatifs. Le périmètre de contrôle des services de la concurrence, consommation et répression des fraudes a été aussi élargi aux entreprises publiques par l'entrée en vigueur de l'article 198 de la loi n°  2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Les agents du service sont désormais compétents pour contrôler et sanctionner les entreprises publiques dont le délai de paiement maximal est fixé par le décret n°  2013-269 du 29 mars 2013, à 60 jours à compter de la réception de la commande par l'acheteur public. La sanction encourue en cas de non-respect de cette disposition est identique à celle des entreprises privées, soit une amende maximale de 375 000 €. Par ailleurs, selon les données de la direction générale des finances publiques, le délai global de paiement de l'État n'a cessé de diminuer depuis 2012, passant de 31,4 jours en 2012 à 24,5 jours en 2014. Les délais globaux de paiement des collectivités territoriales sont plus hétérogènes, mais sont inférieurs au délai légal de paiement de 30 jours fixé par le décret n°  2013-269 du 29 mars 2013. Enfin, l'article 222 de la même loi a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 9 mois, toute mesure permettant le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, par l'institution d'une obligation d'acceptation des factures émises sous forme dématérialisée de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées. La généralisation de la facture électronique dans les relations inter-entreprises permettra ainsi à terme une réduction importante des frais de gestion des fournisseurs comme des clients, mais aussi une amélioration des délais de paiement.

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