Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 16/07/2015

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la situation très difficile à laquelle doivent faire face les opérateurs des travaux publics et, notamment, les canalisateurs.
Depuis un an et demi maintenant, ceux-ci ont constaté sur l'ensemble du territoire national une baisse d'activité d'une ampleur inédite. Ainsi, selon les métiers et les régions, on constate des diminutions de 5 à 70 % de l'activité en valeur. En Rhône-Alpes, après une baisse de 8 % sur douze mois à fin 2013, le chiffre d'affaires des canalisateurs a décru de 29 % à la fin de l'année 2014. Sur les six premiers mois de 2015, la diminution est déjà de plus de 17 %. En Haute-Savoie, elle est de 25 % fin 2014 et de près de 14 % au premier semestre 2015.
Il convient de rappeler que la clientèle des travaux publics est très largement publique. C'est encore plus vrai pour les canalisateurs, avec plus de 93 % de l'activité émanant de donneurs d'ordre publics.
Or, ceux-ci, et surtout les communes et les intercommunalités, ont massivement freiné les appels à projets. En Haute-Savoie par exemple, si l'on compare en valeur le premier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015, les projets lancés par les communes ont diminué de 20 %, ceux des intercommunalités ont baissé de 10 %. Quant à ceux de la région, ils ont dévissé de 69 %.
Cette chute de l'activité est directement liée aux réformes territoriales, qui placent les communes, intercommunalités, départements et régions dans une grande incertitude, notamment en termes de compétences et de finances, mais également à la baisse des dotations de l'État et à la montée en puissance du mécanisme du fonds de péréquation, ces deux mesures grevant fortement les budgets - et donc les capacités d'investissement - des collectivités. Or, celles-ci sont à l'origine de plus des deux tiers de l'investissement public.
Des projets annulés, reportés sine die, ou revus à la baisse, c'est d'autant moins d'activité pour les entreprises, ce qui se traduit par des licenciements.
Parallèlement, en France, chaque année, 20 % de l'eau traitée est perdue du fait des fuites sur les réseaux, soit 1,3 milliard de m3, ou encore 432 000 piscines olympiques.
En outre, 800 millions d'euros sont investis chaque année dans le renouvellement des canalisations, au lieu des 2 milliards d'euros nécessaires pour assurer un remplacement accompli sur la durée de vie des équipements (trente à quatre-vingts ans). Ainsi, à ce rythme, il faudra cent soixante-dix ans pour renouveler l'ensemble des canalisations.
En revanche, de 2011 à 2014, les taxes dont les consommateurs doivent s'acquitter sur l'eau du robinet ont augmenté de 14,5 %, le prix moyen augmentant, lui, de 0,8 %.
Il souhaiterait donc qu'il lui indique les décisions que le Gouvernement serait disposé à prendre afin de lever les incertitudes pesant sur les collectivités, ce qui permettrait de relancer l'investissement, la commande publique, et de restaurer ainsi l'activité des entreprises et les recrutements.

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Transmise au Ministère de la décentralisation et de la fonction publique


Réponse du Ministère de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur la situation très difficile à laquelle doivent faire face les opérateurs des travaux publics, en particulier les canalisateurs. Depuis un an et demi maintenant, ceux-ci ont constaté sur l'ensemble du territoire national une baisse d'activité d'une ampleur inédite. Ainsi, selon les métiers et les régions, on constate des diminutions de 5 % à 70 % de l'activité en valeur !

Dans la région Rhône-Alpes, après une baisse de 8 % sur douze mois à la fin de 2013, le chiffre d'affaires des canalisateurs a décru de 29 % à la fin de l'année 2014 ! Sur les six premiers mois de 2015, la diminution est déjà de plus de 17 %. Dans mon département, elle est de 25 % à la fin de 2014 et de près de 14 % au premier semestre de cette année !

Je me dois ici de rappeler que la clientèle de ces entreprises est très largement publique. C'est encore plus vrai pour les canalisateurs, dont plus de 93 % de l'activité émane des donneurs d'ordres publics.

Or ceux-ci, en particulier les communes et les intercommunalités, ont massivement freiné les appels à projets. En Haute-Savoie, par exemple, si l'on compare en valeur le premier trimestre de 2014 et le premier trimestre de 2015, les projets lancés par les communes ont diminué de 20 % ; ceux des intercommunalités ont baissé de 10 % ; quant à ceux de la région, ils ont « dévissé » de 69 % !

Cette chute de l'activité est directement liée aux réformes territoriales, source d'une grande incertitude pour les collectivités, notamment en termes de compétences et de finances, mais également à la baisse des dotations de l'État et à la montée en puissance du mécanisme du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. Ces deux dernières mesures grèvent fortement les budgets des collectivités territoriales, et donc leurs capacités d'investissement. Or ces collectivités sont à l'origine de plus des deux tiers de l'investissement public.

Des projets annulés, reportés sine die ou revus à la baisse représentent autant d'activité en moins pour les entreprises, et donc, malheureusement, des licenciements.

Parallèlement, dans notre pays, 20 % de l'eau traitée est perdue chaque année du fait des fuites des réseaux, soit 1,3 milliard de mètres cubes, ou encore l'équivalent de la capacité de 432 000 piscines olympiques ! Chaque année, 800 millions d'euros sont investis dans le renouvellement des canalisations, au lieu des deux milliards d'euros nécessaires pour assurer un remplacement. À ce rythme, il faudrait 170 ans pour renouveler l'ensemble des canalisations, ce qui est extrêmement long !

En revanche, de 2011 à 2014, les taxes dont les consommateurs doivent s'acquitter sur l'eau du robinet ont augmenté de 14,5 %, le prix moyen augmentant, lui, de 0,8 %.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous m'indiquiez quelles décisions le Gouvernement serait disposé à prendre afin de lever les incertitudes pesant sur les collectivités locales, ce qui permettrait de relancer l'investissement, la commande publique, et ainsi de restaurer l'activité des entreprises, les recrutements, conformément à l'esprit de la loi Macron.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, je sais que vous connaissez bien ces sujets !

Monsieur le sénateur, le soutien à l'investissement est l'un des soucis du Gouvernement, pour employer les mots du vocabulaire habituel. En effet, les chiffres que vous avez indiqués sont justes : l'investissement a baissé. Ce phénomène s'observe toujours dans la période qui suit les élections municipales, avec la réécriture des plans pluriannuels d'investissement, mais cette période est derrière nous. Se pose également la question des conditions générales qui incitent les élus à investir.

Je tiens à attirer votre attention sur deux points.

Tout d'abord, il ne faut jamais oublier que les budgets consacrés à l'eau et à l'assainissement sont des budgets annexes. Par conséquent, ils ne peuvent être financés au moyen du budget principal et leurs dépenses et recettes doivent être équilibrées en fonction de la redevance demandée à l'usager, c'est-à-dire du prix, avec différentes atténuations que vous connaissez bien, monsieur le sénateur.

Par conséquent, la baisse des dotations n'a pas une incidence directe aussi forte sur les budgets consacrés à l'eau et à l'assainissement que sur l'ensemble de l'investissement. En revanche, si les services de l'eau et de l'assainissement voient leur existence justifiée par la nécessité de traquer les fuites d'eau potable ou les désordres liés à l'assainissement, leur activité est aussi liée aux travaux d'infrastructures routières. De ce point de vue, le ralentissement du rythme des travaux sur les réseaux d'eau et d'assainissement ne dépend pas uniquement du niveau des budgets qui leur sont affectés, il est également lié à la nécessité de remettre en état les infrastructures routières lorsque l'on veut rénover les canalisations.

Il s'agit donc de faire face aux problèmes tels qu'ils se posent en consentant un effort accru d'investissement. À cette fin, nous avons augmenté la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de 180 millions d'euros et la dotation de solidarité rurale, la DSR, de 117 millions d'euros.

S'agissant du FPIC, la question est posée depuis 2010 et nous avons discuté largement avec Gilles Carrez, qui suit ce dossier depuis l'origine. Je proposerai sans doute, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, de ralentir la progression de ce fonds, même si ce n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde.

J'ajoute que l'octroi de 1 milliard d'euros supplémentaire aux collectivités locales en faveur de l'accueil des populations, c'est-à-dire du logement et de tout ce qui va avec, leur permettra de disposer d'un peu plus de crédits d'investissement.

Enfin, outre ces grandes priorités, il faut continuer d'augmenter la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, puisque ce sont ces territoires qui devront effectuer le plus de travaux. Il faut également réfléchir, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, à une meilleure prise en compte de la TVA, de l'amortissement des équipements et du FCTVA ouvert au patrimoine des collectivités locales. Si nous réussissons à avancer dans tous ces domaines, les investissements dans l'eau et l'assainissement pourront repartir, de même que l'investissement global.

En conclusion, j'insisterai sur un point. Il faut indiquer aux entrepreneurs que, parallèlement à l'effort d'économie de 50 milliards d'euros que nous avons engagé, la décision d'accorder un allègement de charges extrêmement important aux entreprises - 6 % de la masse salariale brute - pour leur permettre de retrouver des marges, a eu pour « effet miroir » une baisse des dotations des collectivités locales. Nos entrepreneurs ont bénéficié d'une aide pour restaurer leur compétitivité, à laquelle s'ajoutera, dans trois mois, une nouvelle baisse du taux des cotisations des allocations familiales pour les entreprises. Il faut donc prendre en compte l'ensemble de ces données lorsque vous discutez avec les chefs d'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je remercie Mme la ministre des précisions qu'elle a bien voulu m'apporter. Je note sa volonté de soutenir l'investissement, même si ses réponses ne me satisfont pas totalement. Je crains également qu'elles ne rassurent pas totalement les entreprises qui sont, pour bon nombre, tributaires des donneurs d'ordres publics.

Chacun connaît aujourd'hui les difficultés financières rencontrées par les collectivités locales et par l'État, notamment cette dette de 2 000 milliards d'euros. Cependant, sur ce total, madame la ministre, 1 800 milliards d'euros sont imputables à l'État et 200 milliards d'euros seulement - si j'ose dire ! - aux collectivités territoriales. J'insiste sur le fait que ces deux dettes ne sont pas de même nature : la dette de l'État est une dette de « voilure », de structure, de fonctionnement, alors que la dette des collectivités territoriales est une dette d'investissement. Il serait par ailleurs dangereux d'hypothéquer la relance par l'investissement des collectivités territoriales.

Je note avec satisfaction, madame la ministre, que vous avez exprimé la volonté de revoir le fonctionnement du FPIC. Je le dis d'autant plus facilement que ce fonds a été mis en place non pas par vous, mais par le gouvernement précédent. Force est de constater que, aujourd'hui, la contribution à ce fonds atteint des niveaux extrêmement importants pour certaines communes.

Je donnerai un seul exemple : la communauté de communes de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc devra payer 3 millions d'euros au titre du FPIC cette année. Il faut développer la solidarité, certes, mais pas au point de décourager celles et ceux qui investissent et entreprennent, sauf à voir le chômage augmenter à nouveau, ce que personne ne souhaite !

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