Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 15/10/2015

M. Cyril Pellevat appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'impuissance de notre système de santé face à la consommation excessive d'alcool. En effet l'étude publiée dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire du mardi 7 juillet 2015 indique que les conséquences de la consommation excessive d'alcool sont parmi les premières causes d'hospitalisation en France. Il rapporte ainsi qu'en 2012, plus de 580 000 hospitalisations dites de courts séjours en médecine-chirurgie-obstétrique ont été induites par l'alcool, soit une augmentation de 11,3 % par rapport aux chiffres de 2006. En psychiatrie, plus de 2,7 millions de journées lui sont dues, pour 10,4 % du total des journées dans les services psychiatriques. Enfin plus de deux millions de journées liées à l'alcoolisation excessive ont été recensées dans les services de soins de suite et de réadaptation, soit 5,6 % de leur activité totale. L'étude révèle qu'entre 12 % et 23 % des patients hospitalisés dans des hôpitaux généraux en France sont concernés par un mésusage de l'alcool et ce chiffre s'élève entre 25 % et 50 % dans les services de psychiatrie. L'alcool est finalement responsable de 49 000 morts par an en France. En plus du bilan humain, son poids financier annuel pour les hôpitaux représente près de 3,6 % de l'ensemble des dépenses hospitalières en 2012 et son coût sanitaire et social annuel est d'autant plus considérable, puisqu'il s'élève à 17,6 milliards d'euros. Les services d'hôpitaux manquent pourtant cruellement de moyens pour la prise en charge de la dépendance à l'alcool, ne pouvant que laisser livrées à elles-mêmes les personnes souffrant de cette addiction ainsi que leurs entourages. Aussi souhaite-t-il connaître les intentions du Gouvernement pour lutter contre ce fléau majeur de notre pays, qui fait de nombreuses victimes chaque année, tant par la prévention que par les moyens de traitement de l'addiction avant qu'elle n'engendre ses conséquences les plus graves.

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Transmise au Ministère des affaires sociales et de la santé


Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 02/03/2017

Le rapport de la Cour des comptes publié en juin 2016, portant sur l'évaluation des politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool, est issu d'un travail comprenant notamment l'audition de l'ensemble des parties prenantes, y compris des représentants du secteur économique et d'experts indépendants. La Cour des comptes constate qu'une consommation d'alcool régulière et non excessive peut comporter des risques. Partant de ces éléments, elle recommande trois mesures principales : l'élaboration d'un programme de lutte contre les consommations nocives d'alcool fondé sur des preuves scientifiques, une meilleure information sur les risques de consommations nocives d'alcool et un renforcement de l'impact des leviers d'action existants. Concernant la consommation en France, la ministre des affaires sociales et de la santé rappelle que si la consommation moyenne d'alcool pur pour une personne de 15 ans et plus est en baisse depuis les années 1960, elle demeure néanmoins l'une des plus élevées d'Europe et du monde. Elle représente environ 25 grammes d'alcool pur par personne par jour, tous les jours de l'année. Près d'un adulte sur deux consomme de l'alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement, mais de façon plus excessive et ponctuelle avec des épisodes d'ivresse. Parmi les 18-25 ans, entre 2005 et 2014, la proportion ayant connu une ivresse dans l'année est passée de 33 % à 46 %. Selon l'enquête ESCAPAD 2014, enquête statistique nationale auprès des adolescents, l'alcool est la première substance psychoactive expérimentée par les collégiens : un collégien sur sept dit avoir déjà connu une ivresse et la part des élèves déclarant avoir déjà été ivres augmente singulièrement au long de la scolarité au collège. Chaque année, l'alcool est impliqué dans 40 % des violences familiales, dans 25 % des faits de maltraitance à enfants et 30 % des viols et agressions sexuelles. L'alcool reste la deuxième cause de mortalité prématurée évitable après le tabac et directement responsable d'environ 49 000 morts par an. Ces données mettent en évidence la nécessité d'une politique volontaire pour la santé de nos concitoyens. Aussi, mes services sont mobilisés autour de cet important enjeu sanitaire et social afin de mieux protéger les plus jeunes ainsi que les femmes enceintes, mais aussi l'ensemble des presque 4 millions de personnes en difficultés avec l'alcool. La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 contient un certain nombre de mesures visant à endiguer le phénomène d'alcoolisation ponctuelle importante et à limiter la consommation d'alcool par les mineurs : interdiction de la vente et de l'offre aux mineurs d'objets incitant directement à la consommation excessive d'alcool (coques de smartphones, t-shirts, etc., faisant l'apologie de l'ivresse) ; interdiction de l'incitation à la consommation excessive d'alcool durant les bizutages ; obligation d'exiger une preuve de la majorité lors de toute vente d'alcool. Le dispositif Alcool info service comprend une ligne téléphonique dédiée aux problèmes d'alcool, ainsi qu'un site internet et un chat. Santé publique France a produit et diffusé, en 2012 et 2013, des campagnes à destination du grand public et des jeunes, des campagnes d'information sur les consultations jeunes consommateurs (CJC) en 2015, et une campagne sur alcool et grossesse en 2016. Des actions de terrain sont notamment menées par les partenaires associatifs soutenus par la direction générale de la santé (DGS) ou par les agences régionales de santé (ARS), en matière de réduction des risques en milieu festif mais également d'amélioration des pratiques professionnelles, de formation et d'intervention de proximité (travail, milieu carcéral, milieu scolaire, etc.). Par ailleurs, la prise en charge a été améliorée. Un outil a été élaboré par la Haute autorité de santé en 2015, pour aider les médecins généralistes au repérage précoce et à l'intervention brève (RPIB) en cas de consommation de cannabis, de tabac et d'alcool. De plus, un dispositif médico-social de 450 structures spécifiques, centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), ainsi qu'un dispositif hospitalier dédié, constitué de consultations en addictologie et d'équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA), assurent la prise en charge de seconde ligne. Ces deux dispositifs ont été étoffés depuis 2012. En outre, les 250 consultations jeunes consommateurs (CJC), mises en place à partir de 2004 ont fait l'objet d'un renforcement et d'une mise en lien avec les autres acteurs depuis 2012. Ils offrent un espace d'accueil, d'écoute, de prise en charge et d'orientation aux jeunes usagers de substances psychoactives, dont l'alcool. En termes de formation, pour l'année 2015, les programmes prioritaires de développement professionnel continu (DPC) comprenaient un volet RPIB. Quelques premiers résultats encourageants sont à noter. L'enquête européenne ESPAD (European School Project on Alcohol and other Drugs), menée en 2015, montre que la consommation d'alcool baisse chez les lycéens français. La proportion de jeunes ayant déjà expérimenté de l'alcool est passée, entre 2011 et 2015, de 92,9 % à 86,6 %. Le pourcentage de ceux ayant consommé de l'alcool plus d'une fois dans le mois est passé de 75,3 % à 63,9 %, enfin le pourcentage de ceux ayant bu de l'alcool plus de 10 fois au cours du dernier mois a diminué de 21,3 % à 14,8 %. Même les phénomènes de « binge drinking » sont mesurés à la baisse : le nombre de jeunes ayant vécu un tel épisode plus de trois fois dans le mois est passé de 22,8 % à 16 %.

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