Question de Mme ANDRÉ Michèle (Puy-de-Dôme - Socialiste et républicain) publiée le 27/11/2015

Question posée en séance publique le 26/11/2015

Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Monsieur le ministre, après les terribles événements du 13 novembre dernier, il est de notre devoir de poursuivre la mise en œuvre des mesures destinées à lutter contre le terrorisme, au-delà de celles qui relèvent de l'état d'urgence. Il faut protéger les populations et renforcer nos services de renseignement. Je vous informe que la commission des finances a adopté aux alentours de midi les amendements complétant la mission « Sécurité », adoptée de ce fait à l'unanimité.

Rappelons-nous aussi que l'un des moyens les plus sûrs d'empêcher les terroristes d'agir est de couper leurs sources de financement. Les recettes de Daech, fruits de l'exploitation pétrolière, du rançonnement des populations et du pillage des antiquités, atteindraient 3 milliards de dollars par an. Pour repérer les flux et tarir les sources, une coopération internationale est indispensable, dans laquelle chaque pays doit prendre d'urgence ses responsabilités.

Ainsi, en France, où les liens entre financement du grand banditisme et du terrorisme sont établis, de nombreuses mesures ont déjà été prises ces derniers mois, notamment dans le cadre du plan de lutte contre le financement du terrorisme annoncé en mars dernier.

Parmi ces mesures, qu'il faut aujourd'hui saluer, on peut citer l'abaissement de 3 000 à 1 000 euros du plafond des paiements en espèces, le signalement à TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – de tout dépôt ou retrait d'espèces supérieur à 10 000 euros. Je pourrais citer d'autres exemples, mais le temps me manque. On le voit, la cellule anti-blanchiment TRACFIN est au cœur de ce combat.

Pourtant, l'enjeu est un peu particulier : contrairement à la grande délinquance financière « en col blanc », le financement du terrorisme se caractérise par l'emploi de petites sommes, difficiles à repérer. Il s'agit d'acheter une arme, de louer une voiture, de trouver une cache, etc. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. À cet égard, plusieurs pistes sont évoquées pour permettre à TRACFIN de détecter ces « signaux faibles ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous fournir des éléments sur les mesures nouvelles que le Gouvernement entend mettre en œuvre en ce sens dans les jours qui viennent ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 27/11/2015

Réponse apportée en séance publique le 26/11/2015

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame André, il est un service de renseignement qui est peut-être moins connu que d'autres, et que vous venez d'évoquer : TRACFIN. Ce service a été créé il y a une bonne vingtaine d'années. Chacun le sait dans cet hémicycle, il a pour mission de repérer les mouvements d'argent susceptibles d'être contraires à la probité ou à l'honnêteté, dans quelque domaine que ce soit.

Depuis quelques mois, nous avons demandé à TRACFIN de mobiliser ses forces, son intelligence et ses capacités d'innovation pour lutter contre le financement du terrorisme.

Vous avez insisté avec raison sur les grands mouvements de fonds, qui correspondent, par exemple, aux trafics d'antiquités destinés à financer Daech.

Je me permets d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce point. Le trafic de pétrole organisé par Daech a lieu sur place ; il se cantonne à la région. En revanche, le trafic d'antiquités implique des amateurs éclairés des pays développés. Ceux-ci doivent s'interroger sur l'origine des œuvres d'art qu'ils se procurent et songer aux conséquences de leurs acquisitions : ces dernières financent directement Daech !

Il faut en outre lutter contre divers petits mouvements d'argent. Il s'agit là d'un travail plus difficile, plus contraignant. À cet égard, nous avons décidé d'abaisser de 3 000 à 1 000 euros la somme maximale qui peut être acquittée en argent liquide. En effet, nous le savons, bien des membres de groupuscules terroristes ont recours, pour se financer, à des versements en espèces.

De surcroît, nous avons entrepris de lutter contre un mode de paiement qui n'est peut-être pas connu de tous dans cet hémicycle : les cartes prépayées, qui sont achetées et utilisées anonymement. Ces cartes ont été employées pour la préparation des derniers attentats, qui ont eu les conséquences terribles que vous connaissez.

Vous le constatez, ce secteur doit être réglementé et régulé. Aussi TRACFIN doit-il disposer des moyens dont il a besoin.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Nous avons déjà augmenté les ressources de ce service en 2015, et nous poursuivrons cet effort en 2016 via les moyens supplémentaires qui seront alloués à la sécurité. Je remercie d'ores et déjà le Sénat d'apporter son appui à ce beau et grand service, si utile à la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Mme Françoise Laborde applaudit également.)

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