Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UDI-UC) publiée le 11/12/2015

Question posée en séance publique le 10/12/2015

M. François Zocchetto. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis dimanche soir, on ne parle que du Front national. C'est légitime, mais c'est injuste car, dans ce triste panorama, on oublie qu'un miracle s'est produit : dans toutes les régions, sauf une – la Bretagne, comme par hasard –, des élus de gauche qui se combattent durant toute l'année fusionnent allègrement leurs listes. (MM. Alain Gournac et Jean-Baptiste Lemoyne rient.)

Monsieur le Premier ministre, vous répétez à l'envi que la croissance ne pourra pas revenir sans la confiance.

En avril 2014, vous aviez formulé un constat de bon sens. Vous disiez : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans […]. »

Fin 2015, malheureusement, votre constat est tout aussi fondé. La situation est encore plus calamiteuse, avec un record historique du chômage – 5,4 millions de chômeurs –, avec une France vice-championne du monde des prélèvements obligatoires, avec une croissance en berne.

Vos initiatives existent, c'est vrai, notamment celles qui sont portées par M. Macron. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais elles sont férocement combattues, avec des arguments clairs, je le reconnais, par les élus frondeurs, les élus écologistes et le Front de gauche. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), comme nous venons d'en avoir l'illustration.

M. Jean-Louis Carrère. Allez-y, continuez…

M. François Zocchetto. C'est en effet depuis votre propre camp que vous êtes attaqué.

Ma question est très simple : alors que vous avez donné d'importants pouvoirs économiques aux régions, comment voulez-vous qu'un artisan, un créateur d'entreprise, un entrepreneur de PME vous fasse confiance, quand il y a manifestement une telle duplicité ?

Qui est sincère ? Le Premier ministre, qui prône le réalisme économique, ou le responsable politique que vous êtes, qui s'allie au dernier moment avec ceux qui le combattent ?

Qui croire, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 11/12/2015

Réponse apportée en séance publique le 10/12/2015

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Zocchetto, voilà une question liée, me semble-t-il, à l'actualité politique et aux élections,...

M. Alain Gournac. C'est bien vu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... une question sincère et sans aucune arrière-pensée, j'imagine, dans cet entre-deux-tours (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Je vais essayer de vous répondre le plus directement possible.

M. François Grosdidier. Et sans arrière-pensée non plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Tout d'abord, pour ce qui concerne vos premiers mots sur le Front national : oui, on parle beaucoup du Front national (Trop ! sur les travées du groupe Les Républicains.), et à juste titre, vu les scores qui ont été les siens, pas seulement dans trois régions, mais un peu partout. Cela doit nous amener tous à nous interroger et à porter des réponses à la hauteur des exigences, des colères, des souffrances de nos compatriotes.

Dans ces régions où le Front national peut l'emporter, j'ai pris, nous avons pris, la gauche a pris des positions claires. (Et Masseret ? sur les travées du groupe Les Républicains.)

En général, monsieur Zocchetto - vous et moi, nous pouvons nous retrouver sans peine sur ce sujet -, la politique, surtout dans des moments historiques comme ceux que nous connaissons, exige non pas du « renvoi dos à dos », non pas du « ni-ni », mais de la clarté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je m'honore d'être le Premier ministre, le chef de la majorité qui a dit clairement les choses pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA et le Grand Est, car, dans ces moments-là, les Français ont besoin d'une position claire et nette, et chacun doit ainsi le recevoir.

Vous avez eu raison de dire que dans neuf régions sur les douze régions hexagonales - je n'évoque ni les quatre territoires d'outre-mer, qui sont aussi concernés par les élections régionales, ni la Corse -, le débat est particulièrement ouvert entre l'extrême-droite, la droite et la gauche rassemblée.

Aux électeurs de choisir dimanche prochain, et d'abord d'aller voter. Ici, dans cette enceinte, je veux en effet rappeler combien il est important, combien il est essentiel, que les Français aillent voter dimanche prochain, alors qu'un Français sur deux n'y est pas allé dimanche dernier, même si l'on a constaté un sursaut à l'occasion du premier tour des élections régionales. Il en va, à la fois, de l'avenir du pays, de son image et, bien sûr, de l'avenir des régions.

Puisque vous m'en offrez l'occasion, je le dis : oui, ils doivent aller voter, dans ces régions-là, pour les listes de gauche, pour la gauche qui s'est rassemblée. Il n'y a, de ce point de vue, aucune nouvelle information. Ces vingt et une régions sur vingt-deux étaient, jusqu'à maintenant, animées, gouvernées par la gauche rassemblée, et vous le savez parfaitement.

M. Alain Fouché. Pas avec les Verts !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons été plusieurs à dire combien il était important, puisqu'il s'agissait de la gestion des régions, que ceux qui les avaient gouvernées puissent se retrouver ensemble dès le premier tour.

C'est à l'occasion du second tour que ce rassemblement...

M. Alain Fouché. ... passager !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... s'est fait, dans les meilleures conditions possible. (Sourires sur certaines travées du groupe Les Républicains.) C'est sur la base à la fois d'un bilan et d'un projet que ce rassemblement doit avoir lieu.

De ce point de vue-là, monsieur Zocchetto, je souhaiterais que, dans certaines régions - je pense à Rhône-Alpes ou à l'Île-de-France -, les idées qui sont les vôtres, celles que vous portez, l'idée du centre, l'idée d'un certain humanisme, l'idée du rejet de l'extrême-droite (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), soient davantage relayées. (Mme Chantal Jouanno s'exclame.) Peut-être, à ce moment-là, y aurait-il davantage de clarté dans le pays !

M. Jean-François Husson. La question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'ai été maire pendant douze ans, monsieur Zocchetto, et je suis toujours conseiller municipal d'une même majorité qui comprend des socialistes, des communistes et des Verts. C'est l'histoire !

Jamais, monsieur Zocchetto - et je le dis à d'autres qui se sont exprimés sur ce sujet ou qui ont fait certaines comparaisons, y compris parmi le patronat -, jamais je ne comparerai, au vu de l'histoire de mon pays, au vu de l'histoire de la France, l'histoire du parti communiste, sa place dans notre histoire, et celle de l'extrême-droite. Et je me suis toujours honoré, en tant que maire, de compter des communistes dans ma majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.) Je me suis toujours honoré de pouvoir promouvoir, à condition que les choses soient claires, le rassemblement de toute la gauche et, quand c'est nécessaire, de tous les Républicains. Je n'ai jamais oublié, monsieur Zocchetto, la place des communistes dans la Résistance ou dans le premier gouvernement du général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que du groupe écologiste. -Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) De ce point de vue-là, que les choses soient claires pour chacun !

Ce qui me paraît essentiel, c'est que la ligne du Gouvernement soit affirmée, c'est qu'elle soit claire sur la nécessité de la croissance, de l'emploi, avec nos convictions et mes convictions.

M. Jean-François Husson. La question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que le partenariat entre l'État et les régions se fera sur le développement économique, l'apprentissage, les lycées, l'agriculture, le développement durable, les transports, les mobilités, comme nous l'avons fait dans le cadre des contrats de plan. Et c'est ainsi que nous allons continuer d'agir, fiers d'être de gauche et fiers d'être républicains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. -M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour la réplique.

M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, vous fustigez, comme nous, le Front national. Mais, dans le même temps, vous alimentez son fonds de commerce par ce qui est perçu, même si vous ne partagez pas ce point de vue, comme des arrangements. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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