Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UDI-UC) publiée le 11/02/2016

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés posées par l'extension de la durée de la validité de certaines cartes nationales d'identité.

En effet, depuis le 1er janvier 2014, la durée de validité des cartes nationales d'identité délivrées entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013 à des personnes majeures est prorogée de cinq ans, de manière automatique. L'intention est louable. Cette prorogation de la validité n'est pas reportée sur les cartes nationales d'identité concernées et n'est pas officiellement reconnue par de nombreux pays européens, dont l'Espagne. Les ressortissants français rencontrent de sérieuses difficultés pratiques, lors de leurs déplacements au sein des pays européens ne reconnaissant pas cette prorogation de validité, voire dès l'aéroport de départ. Conscientes de ces difficultés pratiques, les autorités françaises ont d'abord fortement conseillé aux ressortissants français concernés de demander l'établissement d'un passeport.

D'une part, le coût d'un passeport est de 86 euros. D'autre part, ce conseil revient à demander à ces personnes de payer pour voyager au sein de l'espace « Schengen », alors même qu'elles disposent d'une carte nationale dont la validité est reconnue par les autorités françaises. Celles-ci ont ensuite mis à la disposition de nos ressortissants concernés des notices explicatives (disponibles en trois langues étrangères) à présenter aux autorités locales. Néanmoins, les difficultés pratiques perdurent.

En outre, une disparité des pratiques entre préfectures a pu être relevée : certaines acceptent d'établir une nouvelle carte d'identité, d'autre refusent, au motif que la carte est toujours valable.

Afin de contourner le refus, de plus en plus de personnes recourent à de fausses déclarations de perte ou de vol de leur document d'identité quand cette mauvaise pratique ne leur est pas conseillée par les agents préfectoraux.

Les réponses apportées à ce jour ne sont pas satisfaisantes, que l'on raisonne pratiquement ou intellectuellement. Si la vie de notre société pose souvent des problèmes complexes pour lesquels il est aisé d'admettre des délais de résolution, la présente question ne semble pas en relever.

Il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre afin de remédier à cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée le 08/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 07/06/2016

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question s'adresse au ministre de l'intérieur et porte sur les difficultés que pose l'extension de la durée de la validité de certaines cartes nationales d'identité. Je le précise d'emblée, je comprends très bien que M. le ministre de l'intérieur n'ait pu se dégager ce matin pour répondre aux différentes questions qui lui étaient posées et je sais que vous nous répondez, monsieur le secrétaire d'État, avec beaucoup d'attention.

Depuis le 1er janvier 2014, la durée de validité des cartes nationales d'identité délivrées entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013 à des personnes majeures est prorogée de cinq ans, de manière automatique. On comprend bien l'objectif pratique de cette mesure.

Toutefois, cette prorogation de la validité n'est pas inscrite sur les cartes nationales d'identité elles-mêmes et, surtout, elle n'est pas officiellement reconnue par certains autres pays européens, notamment par nos voisins espagnols. Les ressortissants français rencontrent ainsi des difficultés pratiques lors de leurs déplacements au sein des pays européens qui ne reconnaissant pas cette prorogation de validité, le problème pouvant même se poser dès l'aéroport de départ.

Les conseils reçus par nos concitoyens ont dans un premier temps consisté à recommander l'établissement d'un passeport ; la réponse est bien sûr évidente : cela entraîne un problème de coût - 86 euros. En outre, cela entraîne aussi, à mon sens, un problème institutionnel car cela revient à dire qu'on ne peut pas se déplacer dans l'espace Schengen avec sa carte d'identité.

Les pouvoirs publics ont ensuite mis à disposition des attestations ou des notices explicatives à présenter aux autorités locales, un procédé sans doute un peu étroit. En outre, il existe maintenant une véritable disparité de pratiques entre préfectures, certaines acceptant d'établir une nouvelle carte d'identité, d'autres non. En pratique, cela conduit in fine nos concitoyens à faire des déclarations fictives de perte ou de vol.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures pratiques, très concrètes, le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour répondre à la préoccupation quotidienne de nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur, le décret du 18 décembre 2013, relatif à la durée de validité et aux conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité, entré en vigueur le 1er janvier 2014, a étendu la durée de validité des cartes nationales d'identité sécurisées de dix à quinze ans.

Cette mesure, annoncée par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique, qui s'est tenu le 17 juillet 2013, vise à alléger les démarches de renouvellement de ce titre pour les usagers et les services de l'État.

Comme vous l'avez dit, cette mesure est également applicable aux titres délivrés à des personnes majeures et en cours de validité au 1er janvier 2014, c'est-à-dire qui ont été délivrés entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013.

Les autorités des pays qui acceptent à leurs frontières une carte nationale d'identité sécurisée ont été informées de la mesure. Les usagers souhaitant se rendre dans ces pays ont aussi, comme vous l'avez rappelé, la possibilité de se munir de leur passeport. Ils peuvent également télécharger un document, traduit en plusieurs langues, attestant de la prolongation de la validité de leur carte nationale d'identité.

Voilà plus d'un an, après que des incidents lui eurent été signalés, le ministère des affaires étrangères et du développement international a engagé les démarches appropriées auprès des États, en nombre limité - trois sur quarante-quatre pays concernés -, qui refusent de reconnaître ces titres comme valables.

En outre, l'annexe de l'accord européen, conclu le 13 décembre 1957, sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe, qui dresse la liste des documents permettant la circulation sur le territoire des pays signataires, est en cours de modification, pour prendre en compte les cartes d'identité prolongées.

À ce jour, la Turquie et Malte ont reconnu officiellement les cartes nationales d'identité prolongées, de même que la Serbie, qui n'est pas signataire de l'accord. Ces démarches diplomatiques ont permis de réduire drastiquement le nombre d'incidents signalés.

Je rappelle, par ailleurs, que la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres pose le principe suivant lequel les citoyens de l'Union peuvent circuler librement sous le couvert d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité, à seule fin de justifier de leur identité.

Le 4 de l'article 5 de cette directive prévoit également que, lorsque le citoyen de l'Union européenne ne dispose pas du document de voyage requis, « l'État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d'obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d'autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement ».

Dans la mesure où un document d'identité périmé peut permettre de circuler librement sur le territoire de l'Union européenne et/ou de l'espace Schengen, dès lors que la qualité de ressortissant de l'Union européenne peut être établie par ce moyen, la simple péremption faciale du titre ne constitue pas une difficulté pour circuler sur le territoire d'un État membre.

Enfin, le secrétaire d'État chargé des transports a procédé à un rappel des règles applicables aux compagnies aériennes.

Une évolution des règles relatives au renouvellement des titres d'identité ne semble donc pas nécessaire.

Les services des ministères de l'intérieur et des affaires étrangères et du développement international restent toutefois particulièrement attentifs à cette question et prendront les mesures appropriées si la situation devait évoluer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Je prends acte de la bonne volonté, dont je ne doutais pas, du Gouvernement sur ce dossier, et répète que la logique est double.

Premièrement, il s'agit d'aller vers une simplification.

Deuxièmement, dans une période où la population, en France comme sur le reste du continent, est assez mal disposée à l'égard des institutions européennes, ce que je regrette très profondément, il est important que nos concitoyens ne soient pas ennuyés par de telles mesures, dont on voit bien, du reste, qu'elles ne trouvent ni de près ni de loin leur origine dans les directives européennes, qui sont par ailleurs de très bonne qualité.

À cet égard, une simplification à l'échelle nationale me paraît de nature à améliorer l'image de l'Union européenne auprès de nos concitoyens.

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