Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - Écologiste) publiée le 23/03/2016

Question posée en séance publique le 22/03/2016

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Le 18 mars dernier, l'Union européenne a conclu avec la Turquie ce que d'aucuns qualifient d'« accord de la honte ».

Cet accord, dont l'applicabilité est douteuse, bafoue les principes essentiels de la convention de Genève et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour sa part, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, a d'ores et déjà refusé d'y participer. Pour un Syrien refoulé de Grèce, un autre, resté dans un camp de réfugiés en Turquie et accepté officiellement en Europe, y entrera grâce à un corridor humanitaire.

En fait, l'Union européenne sous-traite sa crise migratoire à la Turquie, qui devient ainsi un « État sûr », alors que ce pays n'applique que très partiellement la convention de Genève et ne dispose pas de système de protection des réfugiés, ces derniers n'ayant aucune garantie de ne pas être refoulés vers un pays de persécution.

L'Union européenne accepte, en outre, de traiter avec un pays piétinant quotidiennement les droits humains et la liberté d'expression – le tout contre 6 milliards d'euros et une reprise des pourparlers pour son entrée dans l'Union européenne, entre autres ! Cette usine à gaz n'aurait qu'un but : en finir avec la « souffrance humaine ». Quel cynisme !

Comment la France s'est-elle prêtée à ce jeu, sachant que c'était, en fait, signer la fin de l'utopie européenne et réduire l'Europe à une simple machine bureaucratique et économique toute disposée à abdiquer la solidarité sous la pression du populisme et de la xénophobie ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 23/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 22/03/2016

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je veux vous assurer que le dispositif qui a été agréé entre l'Union européenne et la Turquie lors du Conseil européen du 18 mars dernier est évidemment en tout point conforme au droit international en matière de droit d'asile et au droit de l'Union européenne. Nous y avons veillé !

Ce dispositif vise à sauver des vies et à lutter contre le trafic d'êtres humains qui provoque des centaines de morts en Méditerranée et dans la mer Égée.

Concrètement, les migrants irréguliers arrivés en Grèce, qui ne font pas de demande d'asile ou qui ne sont pas en besoin de protection internationale, feront l'objet d'une réadmission en Turquie dans le cadre de l'accord de réadmission entre la Grèce et ce pays.

Pour ce qui concerne les demandes d'asile qui seraient introduites en Grèce, elles feront bien sûr l'objet d'un traitement individuel et elles ouvriront droit à un recours individuel. En aucun cas, il n'y aura d'expulsions collectives - c'est clairement rappelé dans le texte de la déclaration entre l'Union européenne et la Turquie.

Les règles européennes du droit d'asile permettent, dans des conditions précisément définies, de déclarer une demande d'asile irrecevable, c'est-à-dire de l'écarter, sans en examiner la substance.

Dans le cas de la Turquie, il existe sur le plan juridique deux possibilités qui découlent du statut du pays de premier asile ou de pays tiers sûr. Pour que ces conditions soient remplies, il faut notamment que la Grèce modifie sa législation pour intégrer ce concept de pays de premier asile ou de pays tiers sûr. Il faut aussi que la Turquie prenne les mesures que vous avez évoquées pour que le niveau de protection octroyée aux ressortissants des pays autres que la Syrie soit équivalent à celui qui est prévu par la convention de Genève.

Le respect du droit international et du droit de l'Union européenne était pour la France une condition de cet accord. Nous y avons veillé, et je veux vous redire ici que la France accueillera 30 000 réfugiés dans le cadre des accords de relocalisation ou de réadmission.

Nous tenons à ce que tous les États membres respectent leurs engagements en la matière, car il vaut mieux que les réfugiés syriens soient accueillis en Europe, ou d'ailleurs dans d'autres pays,...

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. ... dans le cadre d'une procédure légale, plutôt que d'être dans les mains des passeurs et de risquer leur vie en Méditerranée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous me dire pourquoi l'OFPRA a décidé de ne pas participer à cet accord, considérant que les principes de ce dernier allaient à l'encontre de ses convictions concernant le droit d'asile ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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