Question de M. de RAINCOURT Henri (Yonne - Les Républicains-R) publiée le 17/03/2016

M. Henri de Raincourt attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la généralisation des moyens dématérialisés de déclaration et de paiement des impôts.

En effet, à partir du 1er janvier 2016, deux nouvelles contraintes s'appliquent, notamment, au contribuable : d'une part, la déclaration de revenus en ligne lorsque son revenu fiscal de référence de 2014 est supérieur à 40 000 € ; d'autre part, le télérèglement en ligne ou par prélèvement dès que la somme à payer dépasse le seuil de 10 000 €.

Ces nouvelles dispositions sont mal supportées par les contribuables français. Et s'agissant spécifiquement du télérèglement, la seule alternative du prélèvement automatique pose un véritable problème au regard de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui fait du principe de « consentement à l'impôt » un droit fiscal fondamental.

Cette situation est d'autant plus « vexatoire », que le contribuable français subit un niveau de prélèvement particulièrement important, comme le rappelait l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en décembre 2015, en plaçant la France à la deuxième place des pays où la pression fiscale est la plus forte.

Aussi souhaiterait-il connaître les intentions du Gouvernement pour évaluer les difficultés rencontrées par le contribuable, les moyens mis à sa disposition pour les surmonter et, le cas échéant, les mesures transitoires qu'il entend prendre pour ne pas le pénaliser davantage en cas de retard où d'incapacité.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Henri de Raincourt. La question de l'impôt sur le revenu est toujours d'une grande actualité, et nous aurons certainement l'occasion d'en reparler lors de la discussion du projet de loi de finances, avec l'instauration du prélèvement à la source.

Mais ce n'est pas ce sujet qui m'occupe aujourd'hui, madame la secrétaire d'État. Ma question portera plutôt sur deux nouvelles mesures, instaurées le 1er janvier 2016 : d'une part, la déclaration de revenus en ligne lorsque le revenu fiscal de référence de 2014, pour le foyer, est supérieur à 40 000 euros ; d'autre part, le télérèglement en ligne ou par prélèvement dès que la somme à payer dépasse le seuil de 10 000 euros.

Je passe sur la méthode, quelque peu discutable, qui s'attache une fois encore au niveau de revenu de nos concitoyens, alors même que l'utilisation des moyens numériques, reconnaissons-le, relève beaucoup plus d'une question générationnelle. Certains contribuables ont évidemment beaucoup de difficultés à s'adapter à ces nouvelles mesures et, pour d'autres, cette adaptation est même totalement impossible.

Bien entendu, on évoque les économies engendrées et le côté pratique de la mesure.

Les témoignages sont assez nombreux, me semble-t-il – mais sans doute de nombreux collègues pourraient également en faire état –, pour nous convaincre que nombre de nos concitoyens s'accommodent très mal de ce dispositif.

Quant à l'économie réalisée, il serait très intéressant de pouvoir disposer de données chiffrées relativement précises, si tant est que nous ayons aujourd'hui le recul suffisant.

Quoi qu'il en soit, et de façon plus générale, j'aimerais connaître les intentions du Gouvernement quant à l'évaluation des difficultés rencontrées par les contribuables concernés, aux moyens mis à disposition pour les surmonter et, le cas échéant, aux mesures transitoires qui seront prises pour ne pas pénaliser davantage ces contribuables en cas de retard ou d'incapacité. Je rappelle, en effet, qu'il y a des amendes à la clef.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. L'obligation de déclaration en ligne des revenus, codifiée à l'article 1649 quater B quinquies du code général des impôts, prévoit une mise en œuvre progressive – de 2016 à 2019 – de cette obligation, en fonction du montant du revenu fiscal de référence : 40 000 euros en 2016, puis 28 000 euros en 2017 et 15 000 euros en 2018. En 2019, tous les contribuables y seront assujettis.

L'article que j'ai évoqué fixe néanmoins que cette obligation concerne les seuls contribuables dont la résidence principale est équipée d'un accès à internet. En outre, ceux qui estiment ne pas être en capacité de déposer en ligne peuvent utiliser une déclaration papier.

Conscient des difficultés que peuvent rencontrer certains contribuables face à cette évolution, le Gouvernement a proposé des aménagements afin de les accompagner.

Ainsi, la mise en place de l'obligation est progressive. De plus, la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, a lancé au cours de cette première année de généralisation de nombreuses actions de communication au niveau local et national. Les personnes qui ne savaient pas utiliser un ordinateur ont pu trouver de l'aide auprès des centres des finances publiques pour remplir leur déclaration de revenus en ligne. (M. Henri de Raincourt sourit.)

Par ailleurs, afin de prendre en compte les particularités de certaines catégories d'usagers peu familiers de l'utilisation de l'internet, par exemple les personnes âgées, il était indiqué, sur le formulaire papier de leur déclaration de revenus, qu'ils pouvaient continuer d'utiliser ce formulaire s'ils estimaient ne pas être en mesure de déclarer en ligne, bien que disposant d'un accès à l'internet à leur domicile.

S'agissant de l'abaissement du seuil de paiement dématérialisé obligatoire, il ne soulève pas de difficultés, sous l'angle de la fracture numérique, pour les personnes n'ayant pas d'accès à internet.

En effet, l'appellation « paiements dématérialisés » regroupe trois modes de paiement : le paiement en ligne, le prélèvement à l'échéance et le prélèvement mensuel.

Si un accès à internet est indispensable pour le paiement en ligne, ce n'est pas le cas du prélèvement mensuel ou à l'échéance.

La gestion des contrats de prélèvement mensuel ou à l'échéance – adhésion, changement de coordonnées bancaires, modulation des prélèvements, etc. – peut effectivement être assurée par courrier ou par téléphone auprès des centres prélèvement service ou des centres des finances publiques.

Pour les usagers disposant d'un accès internet, ces opérations peuvent également être réalisées en ligne.

Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Vous avez rappelé les dispositions progressivement mises en place et les modalités d'ajustement décidées afin de rendre cette mise en place relativement aisée pour les uns et les autres.

Dans ce cadre, une chose demeure réellement choquante : le recours aux amendes. Je connais une personne qui, ayant payé sa TVA par chèque, comme elle le fait depuis vingt ou trente ans, alors qu'elle devait obligatoirement payer par internet, s'est vue infliger une amende de 10 %. Ce n'est pas possible ; il faut être souple !

Quant au fait de se rendre au centre des finances publiques proche de son domicile, cette solution pourrait effectivement recueillir l'accord d'un certain nombre de contribuables. Mais à l'heure actuelle, en particulier dans le département que je représente, la Direction générale des finances publiques ferme les perceptions les unes après les autres !

Je citerai, à cet égard, l'exemple d'une personne âgée tout à fait prête à se rendre au centre des finances publiques pour effectuer sa déclaration ou son paiement, mais qui aurait 22 kilomètres à parcourir pour atteindre ledit centre. De tels déplacements, pour un certain nombre de personnes âgées habitant à la campagne, sont difficiles, voire impossibles à envisager.

Il faudrait donc que le secrétariat d'État au budget fasse un effort et, peut-être, instaure des permanences là où les perceptions ont été fermées, afin de pouvoir accueillir les personnes ayant des difficultés à adopter ces nouveaux modes de paiement et de déclaration, et leur proposer des solutions.

Encore une fois, c'est une question de génération. Il faut donc encourager, et non pénaliser !

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