Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UDI-UC) publiée le 13/05/2016

Question posée en séance publique le 12/05/2016

M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes à quelques minutes du débat sur la motion de censure déposée à l'Assemblée nationale par l'opposition à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi relatif au travail.

La discussion de ce texte place votre gouvernement dans une situation relativement inédite.

Vous avez choisi de recourir à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, article que le Président de la République lui-même a qualifié de « violation des droits du Parlement ». Reconnaissons-le toutefois, c'était l'une de vos prérogatives constitutionnelles, mais vous l'utilisez dans un débat qui vous oppose à votre propre majorité – je devrais dire : dans le procès qu'une partie de votre propre majorité instruit à l'encontre du Gouvernement.

Hier, il s'en est fallu de très peu que cette arme de l'article 49, alinéa 3, ne se retourne contre vous, comme un boomerang, avec l'éventualité d'une motion de censure provenant des rangs de votre majorité, ce qui aurait été assez singulier !

Nous nous souvenons que, lors du précédent quinquennat, le Gouvernement n'avait pas fait usage de cet article. Nous nous souvenons également que vous avez utilisé celui-ci à répétition lors de l'examen du projet de loi Macron. Cette procédure est donc devenue un mode de gestion quelque peu singulier d'une majorité qui n'est pas moins singulière – je devrais peut-être dire : de votre absence de majorité.

En effet, il est évident que le Gouvernement n'a plus de majorité, du moins pour réformer ; la démonstration semble en être faite. Ce constat, monsieur le Premier ministre, nous aurions pu l'établir ensemble dès l'origine.

Je voudrais donc vous poser deux questions…

M. Jean-Louis Carrère. Non, une !

M. Vincent Capo-Canellas. Premièrement, lorsque le projet de loi relatif au travail sera examiné au Sénat, serez-vous ouvert aux initiatives visant à l'enrichir et, surtout, à revenir à ce qu'il devait être à l'origine, c'est-à-dire un texte ambitieux pour l'emploi ?

Deuxièmement, comment voyez-vous la fin de ce quinquennat ? Aurez-vous les moyens de votre politique ou êtes-vous condamné à l'immobilisme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 13/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 12/05/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j'apprécie vos commentaires sur la situation politique et sur la Constitution. Je suis très respectueux de la Constitution, comme du rôle et des prérogatives du Parlement.

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution a dû être utilisé près de quatre-vingt-dix fois depuis 1958.

M. Jean-Pierre Sueur. Quatre-vingt-quatre fois !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il l'a été vingt-huit fois par Michel Rocard, homme respectueux du Parlement, dont j'étais à l'époque l'attaché parlementaire - il m'en est sans doute resté quelque chose... (Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Voilà !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dire que le recours à cette procédure est devenu une façon ordinaire de gouverner est exagéré : la plupart des textes de loi ont été adoptés selon la procédure ordinaire, sauf les deux que vous avez mentionnés, c'est-à-dire la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, défendu par Myriam El Khomri.

J'ai décidé d'engager la responsabilité du Gouvernement, et le conseil des ministres m'y a autorisé, parce que toute une série de votes contraires s'additionnent pour empêcher l'adoption de cette réforme, que la ministre du travail et moi-même, comme l'ensemble des membres du Gouvernement et une grande majorité des parlementaires socialistes, estimons utile pour les entreprises et pour les salariés. Surtout, cette réforme répond à la nécessité de renforcer le dialogue social dans l'entreprise, parce que nous voulons faire confiance aux entrepreneurs comme aux salariés. J'espère d'ailleurs que le Sénat nous rejoindra sur ce point. Pour nous, ce texte est une vraie révolution, car il crée de nouveaux droits pour les salariés, notamment avec le compte personnel d'activité, et s'attaque aussi à la fraude au détachement, parmi d'autres sujets.

Vous aurez bien sûr l'occasion de débattre de toutes ces questions au Sénat et la ministre sera ouverte aux propositions de la Haute Assemblée sur tous les points,...

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous en prenons note !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ... à condition que soit respecté l'équilibre que j'ai évoqué, favorable aux entreprises comme aux salariés.

M. François Grosdidier. On en reparlera !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut continuer à réformer jusqu'au bout, surtout au moment où nous constatons les premiers effets d'un retour de la croissance - nous la souhaiterions certes plus élevée -, soutenue par la consommation de nos concitoyens et la reprise des investissements, avec des créations d'emploi, une baisse du chômage, même si je reste très prudent sur les chiffres.

Je vous réaffirme donc ma volonté de continuer à réformer et ma très grande sérénité. Les débats en cours sont intéressants et permettent toutes les clarifications, à gauche, mais aussi à droite, au moment où les différents candidats aux primaires présentent leurs propositions. Tous ces éléments méritent d'être portés devant les Français.

Le projet que je défends, fait de progrès, de volonté de compromis et de rassemblement autour des valeurs de la République, est aussi celui du Gouvernement et du Président de la République. Ce projet, nous le mènerons jusqu'au bout ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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