Question de M. MARC François (Finistère - Socialiste et républicain) publiée le 12/05/2016

M. François Marc attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur une demande d'expérimentation, en Bretagne, d'une extension du zonage dit « Pinel » aux villes moyennes.

Entré en vigueur en septembre 2014, le dispositif « Pinel » a pour objectif de stimuler la construction de logement neufs dans les zones dites tendues, là où la demande locative est supérieure à l'offre. Le dispositif facilite l'investissement des contribuables français dans l'immobilier locatif neuf.

Pour ce faire, les mesures d'aide fiscale et financière en faveur de l'investissement immobilier sont territorialisées et modulées en fonction de la tension du marché de l'habitat, selon un zonage du territoire bien déterminé.

S'il est tout à fait préconisé de circonscrire le dispositif « Pinel » aux zones tendues, un certain nombre de villes moyennes se considèrent cependant comme handicapées par ce zonage dont l'effet est de bloquer le lancement de programmes, du fait d'une commercialisation trop faible.

En l'état actuel des choses, les communes éligibles au dispositif « Pinel » sont géographiquement concentrées dans le même secteur et peu de villes moyennes bretonnes peuvent, en définitive, y prétendre. Dans ce contexte, les élus de ces collectivités recherchent des solutions alternatives, permettant d'attirer de nouveaux investisseurs et de relancer, ainsi, ces opérations, sources d'emplois et d'attractivité pour le territoire.

Pour les responsables politiques, le maintien et la reconquête de la vitalité des villes moyennes et de leurs centres restent des préoccupations fortes, d'autant plus que le maillage très présent de villes moyennes est bien spécifique en Bretagne.

Il lui demande si une expérimentation pourrait être envisagée dans cette région, expérimentation limitée dans le temps et avec un périmètre bien ciblé.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 01/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 30/06/2016

M. François Marc. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur un sujet qui se révèle préoccupant en Bretagne, à savoir l'effet des zonages d'urbanisation et, en particulier, du dispositif dit Pinel, mis en place au mois de septembre 2014, sur les dynamiques territoriales.

L'objectif de ce dispositif est de stimuler, par des incitations fiscales, la construction de logements neufs là où la demande locative est supérieure à l'offre, c'est-à-dire dans les zones dites tendues.

Pour le moment, les zones concernées par le dispositif sont géographiquement concentrées, du fait du caractère très sélectif des critères, et peu de villes moyennes peuvent en définitive y prétendre.

En raison du zonage en vigueur dans le cadre du dispositif Pinel, les investisseurs tendent malheureusement à délaisser les villes moyennes dans leurs choix de placement immobilier. Cela affecte le bouclage financier d'un certain nombre d'opérations immobilières prévues dans ces villes, où le besoin de construction d'habitat neuf est pourtant avéré.

Je souhaite par conséquent interroger le Gouvernement sur les possibilités de mise en place d'une extension du dispositif Pinel aux villes moyennes, en Bretagne, dans le cadre d'une expérimentation régionale. Celle-ci serait circonscrite au cœur de ces villes moyennes et serait de courte durée.

La Bretagne ne dispose pas de mégalopoles et de zones tendues susceptibles d'attirer les investisseurs. En revanche, il y existe un réseau de villes moyennes relativement nombreuses qui connaissent bel et bien, aujourd'hui, une situation de tension relative s'agissant de l'habitat, et où une expérimentation de ce genre serait à même de démontrer, ou non, la pertinence d'une application du dispositif à cette échelle.

Bien entendu, s'il était mis en œuvre, ce dispositif expérimental devrait prendre en compte spécifiquement les opérations sur lesquelles l'établissement public foncier a eu l'occasion d'intervenir.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur François Marc, je vous demande de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable, qui est ce matin à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté.

Vous l'interrogez sur la possibilité d'expérimenter en Bretagne, peut-être, plus spécifiquement, dans le Finistère, une extension du zonage Pinel aux villes moyennes.

Le dispositif Pinel a pour finalité le développement de l'investissement locatif des particuliers dans l'immobilier ; il s'agit d'ailleurs d'un élément essentiel de la relance actuelle du secteur. Ce dispositif est le fruit d'un calibrage précis, qui permet de renforcer le secteur intermédiaire dans les zones tendues, c'est-à-dire les zones A, A bis et B1.

La dérogation que vous proposez reviendrait à ouvrir le dispositif aux communes classées en zone C.

Mme la ministre tient tout d'abord à rappeler que le zonage actuel a bénéficié d'une révision récente, publiée en 2014, qui a permis de lier très finement la cohérence du dispositif avec les dynamiques territoriales et la demande de logement. Le zonage mis en œuvre depuis cette date a vocation à garantir l'efficacité et la bonne adaptation de cette mesure fiscale.

À cet égard, le Gouvernement craint que la mise en place de cette expérimentation ne revienne à introduire une rupture d'égalité devant l'impôt. Mme la ministre attire ainsi votre attention, monsieur le sénateur, sur le cas de particuliers ayant investi dans un dispositif Scellier en zone B2, et qui doivent aujourd'hui faire face à de véritables difficultés financières, dues à l'absence de locataires. Le bénéfice fiscal devient nul et la revente souvent impossible.

En outre, élargir l'accès à ces produits d'investissement locatif pourrait entraîner, dans des communes à faible tension locative, une déstabilisation du marché du logement. Certains dispositifs d'investissement locatif, dans le passé, ont ainsi été à l'origine de processus inflationnistes importants. Il paraît donc primordial de prévenir ces situations en maintenant un zonage adapté aux marchés locaux de l'habitat.

Le Gouvernement précise également que, en Bretagne, la zone C recouvre plus d'un habitant sur deux et plus de 80 % des communes. Ces chiffres matérialisent l'enjeu budgétaire d'une éventuelle ouverture, même maîtrisée, du dispositif fiscal en question. L'enjeu est d'autant plus important qu'une dérogation accordée aux territoires situés en zone C, mais non à ceux qui sont situés en zone B semble peu crédible ; or ces derniers concernent, pour leur part, un habitant sur trois.

Enfin, le Gouvernement s'interroge sur l'opportunité de lancer une telle expérimentation. En effet, les niveaux de loyers pratiqués dans beaucoup de villes moyennes bretonnes ne justifient pas d'actionner un levier d'incitation fiscale.

L'instauration d'un tel dispositif ne permettrait d'ailleurs pas non plus de répondre à une préoccupation qui se trouve plus souvent relayée par les élus de votre territoire, monsieur le sénateur, à savoir la vacance du bâti ancien. Sur le sujet des centres dégradés, le Gouvernement travaille avec les parlementaires et les élus de Bretagne. Cette collaboration tend à montrer que la solution se trouve plutôt dans les dispositifs d'aide à la réhabilitation ou d'accession à la propriété. Autrement dit, il est préférable, pour répondre de manière adaptée aux besoins localisés et aux demandes émergentes, de mettre en œuvre d'autres types de dispositifs, notamment par le biais d'Action logement.

Vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que les efforts du Gouvernement se porteront plutôt sur ces politiques en faveur des zones détendues. C'est déjà en ce sens qu'il agit par le programme de revitalisation des centres-bourgs ou par le PTZ, le prêt à taux zéro, dans l'ancien avec travaux. L'ouverture du dispositif Pinel à de nouveaux territoires ne semble pas susceptible de contribuer de manière satisfaisante à répondre aux spécificités de l'aménagement de votre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces éléments de réponse. J'ai bien noté que le Gouvernement poursuivait sa réflexion, tout en étant plutôt peu réceptif à l'argumentation développée en faveur de cette expérimentation.

Une réforme territoriale a été examinée longuement, ces dernières années, au Sénat, et la notion d'expérimentation régionale y a fait l'objet de discussions nombreuses. Un grand nombre d'entre nous ont fini par la trouver attrayante ! Je répondrai donc, à ceux qui m'opposent l'argument de la rupture d'égalité devant l'impôt, que si nous nous nous refusons à expérimenter la mise en place de certains dispositifs dans certaines régions, il nous faudra beaucoup plus de temps pour répondre aux préoccupations et aux besoins des territoires.

C'est dans un tel esprit que cette expérimentation est demandée en Bretagne ; elle est souhaitée par la région, et le président du conseil régional s'est lui-même manifesté en ce sens par écrit, me semble-t-il, auprès des services compétents de l'État. Il est bien convenu que le dispositif ne concernerait que les secteurs en tension des villes moyennes.

En Bretagne, sur le secteur côtier et dans certaines villes moyennes bien connues, nous rencontrons en effet, aujourd'hui, un vrai problème. C'est à ce problème que nous cherchons à apporter une réponse appropriée, en facilitant les opérations immobilières et la construction de logements, ce dans le cadre d'une action qui se ferait en lien avec l'intervention de l'établissement public foncier - la Bretagne a été l'une des premières régions, peut-être même la première, à créer un établissement public foncier régional.

Il s'agit bien de mener une politique coordonnée, surveillée, contrôlée, afin d'éviter les abus, comme c'est le souhait du Gouvernement. Je souhaite donc que, à l'avenir, ce dernier puisse poursuivre sa réflexion sur cette question en examinant sous un angle plus favorable la réponse que je propose.

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