Question de M. BAROIN François (Aube - Les Républicains) publiée le 05/05/2016

M. François Baroin attire l'attention de Mme la ministre de la fonction publique au sujet d'une difficulté rencontrée par les élus locaux concernant la gestion du report de congés du fait de la maladie et des lourdes conséquences financières que cela induit.
En effet, les dispositions issues du droit européen (directive européenne n° 2003-88 du 4 novembre 2003, article 7) sont interprétées dans le sens d'un report automatique et non plus exceptionnel tel qu'expressément visé par le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 (CJCE 20 janvier 2009 C-350/06 et C-520/06 -CE 26 octobre 2012 n° 346648 Liboutry) ;
Par ailleurs, le juge européen pose le principe d'un droit à indemnisation des congés non pris en cas de fin de relation de travail. Il fixe un plancher d'indemnisation à 20 jours annuels par période de référence en laissant une latitude aux États membres pour la gestion du droit à congé supplémentaire (CJUE C/337/10 du 3 mai 2012 Neidel).
Enfin, si le principe d'extinction du droit au report des congés annuels non pris du fait de la maladie pendant plusieurs périodes de référence est reconnu par le juge européen, il conviendrait de clarifier ce qui peut être considéré comme une période suffisante. En effet, une période de 15 mois a été reconnue suffisante par la jurisprudence (CJUE 22 novembre 2011 C-214/10), à l'inverse d'une période de 9 mois (CJUE C/337/10 du 3 mai 2012 Neidel).
Aucune transposition effective de la directive de 2003 n'existe en droit français et la date butoir ayant expiré, tout agent peut s'en prévaloir devant les tribunaux. Seules les circulaires BCRF 1104906C du 22 mars 2011 pour les fonctionnaires de l'État et COTB1117639C du 8 juillet 2011 pour les fonctionnaires territoriaux rappellent le principe du report automatique du congé restant dû au titre de l'année écoulée sans trancher explicitement sur le nombre de jours à reporter et sur les modalités. La notion d'indemnisation est quant à elle inexistante.
Les juges français tranchent en faveur du report intégral des congés non pris. Seuls les jours de fractionnement pourraient être déduits ; par ailleurs, la limite temporelle (15 mois) au report n'est pas toujours prise en compte par les juges français. Enfin, le droit à indemnisation est appliqué sans aucune précision quant aux modalités de calcul à opérer.
Par conséquent, sans base légale expresse et faute de transcription en droit français de la directive européenne, les communes et leurs groupements s'exposent à de nombreux contentieux en la matière.
Au regard de ces éléments, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui indiquer si une clarification de ces dispositions est envisagée et le cas échéant, dans quel sens.

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Réponse du Ministère de la fonction publique publiée le 06/10/2016

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que les dispositions du paragraphe 1 de l'article 7 de la directive n°  2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 (arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009) font obstacle à l'extinction du droit au congé annuel à l'expiration d'une période de référence lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de cette période. Prenant en compte cette jurisprudence et les dispositions de l'article 5 du décret n°  85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, qui ne prévoient le report de congé annuel que sur autorisation exceptionnelle de l'autorité territoriale, la circulaire du ministre de l'intérieur du 8 juillet 2011 précise qu'il appartient à l'autorité territoriale d'accorder automatiquement le report du congé annuel restant dû au titre de l'année écoulée à l'agent qui, du fait d'un congé de maladie, n'a pas pu prendre tout ou partie dudit congé au terme de la période de référence. La CJCE a également jugé que toute période de report doit dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée en considérant qu'une période de report de quinze mois est conforme à la directive européenne du 4 novembre 2003 (arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011). En outre, la CJCE considère qu'un fonctionnaire a droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris en raison du fait qu'il n'a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie (arrêt C- 337/10 du 3 mai 2012). Compte tenu de ces interprétations de la CJCE, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions réglementaires applicables à la fonction publique, qui ne prévoient pas le cas des agents qui ont été dans l'impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison de congé de maladie et ne permettent pas le report de ces congés ou l'indemnisation de ceux-ci en cas de fin de relation de travail, sont incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive précitée (CE n°  346648 du 26 octobre 2012 -CE n°  385818 du 8 janvier 2016). Cette jurisprudence ayant un impact sur les trois versants de la fonction publique, une analyse interministérielle est en cours afin de faire évoluer la réglementation sur le sujet.

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