Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 12/05/2016

M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'occupation de la place de la République par le mouvement « Nuit debout » depuis le 31 mars 2016. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, affirmait la nécessaire préservation des libertés individuelles, notamment le droit de manifester, malgré le contexte d'état d'urgence. Pourtant, les débordements répétés lors de ces rassemblements, avec notamment des dommages financiers importants causés à la ville de Paris et aux commerçants, et les affrontements violents avec les forces de l'ordre appellent à une réponse ferme face à ces dérives. La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence prévoit notamment en son article 8 que les préfets puissent prendre des mesures d'interdiction des réunions représentant un potentiel trouble à l'ordre public. Pourtant, les communiqués de la préfecture de police de Paris diffusés début mai 2016 indiquent seulement une interdiction de tout dispositif sonore sur la place dès 22 heures, et l'interdiction de la vente d'alcool entre les 2 et 3 mai 2016. Ces mesures sont bien en-deçà des attentes, notamment celles des riverains exaspérés par ces violences qui ont parfois pris la forme d'un état de siège face auquel l'État ne se donne pas les moyens d'agir. Le maintien de l'ordre doit rester une priorité absolue en cette période, et un arrêté préfectoral doit être pris dans les plus brefs délais, en vertu de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, pour sanctuariser la place de la République, et interdire formellement tout rassemblement de type « Nuit debout » ou autre. Inquiet de cette situation, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quelles mesures imminentes seront prises par le Gouvernement pour faire respecter les dispositions de l'état d'urgence et le respect de l'ordre public.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 08/12/2016

Le mouvement « Nuit debout » a pris naissance sur la place de la République le 31 mars dernier. Au plus fort du mouvement, ces rassemblements ont réuni jusqu'à 3 500 personnes. Les défaillances constatées dans l'encadrement de ce mouvement, notamment l'absence de service d'ordre en capacité de sécuriser la place et de signaler aux forces de l'ordre la présence éventuelle de perturbateurs, la consommation excessive d'alcool et enfin la présence de casseurs se mêlant à la foule, ont généré de manière répétée des troubles graves à l'ordre public. 125 personnes ont été interpellées dans le cadre de ces débordements intervenant généralement en fin de rassemblement (dont 112 placées en garde à vue, 54 déférées et 12 ont fait l'objet d'une peine d'emprisonnement (cinq ferme, six avec sursis,  une détention provisoire) ) et 12 policiers ont été blessés. Les services de secours présents sur site n'ont pas été appelés à prendre en charge des victimes parmi les manifestants. En outre, des dégâts importants ont été constatés lors de chacun des évènements en marge de ces rassemblements : vingt véhicules dont onze autolib, six véhicules de police,  deux véhicules particuliers,  un véhicule RATP et un bus noctilien, 36 commerces (Banques, agence intérim, hôtels, concession auto, etc.) et 10 mobiliers urbains (PVPP, façade de l'hôpital Rothschild, etc.). Malgré ces incidents intervenant le plus souvent en seconde partie de soirée, et considérant que ces débordements étaient le fruit d'une minorité, le préfet de police n'a pas souhaité interdire ces rassemblements. Il convient de rappeler que le droit de se rassembler sur la voie publique en vue de manifester constitue une liberté fondamentale garantie par l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitutionnellement protégée et dont l'exercice est encadré par les articles L. 211-1 à L. 211-4 du code de la sécurité intérieure (CSI). Pour que l'interdiction d'une manifestation soit fondée, la jurisprudence a posé deux conditions : - La menace pour l'ordre public doit être exceptionnellement grave. Il doit s'agir de réunions qui par la date choisie, le lieu où elles doivent se tenir, la façon dont elles sont organisées, etc. sont de nature à laisser prévoir des incidents et des troubles tels que les services de police seraient dans l'obligation d'intervenir ; - L'interdiction n'est valable que si les forces de maintien de l'ordre ne sont pas suffisantes ou adaptées à la situation, compte tenu du risque, pour assurer l'intervention dans de bonnes conditions. Dès lors, si la poursuite de ces rassemblements pouvait être envisagée, elle ne pouvait se concevoir sans mesures permettant de réduire les risques de troubles à l'ordre public et les nuisances subies par les riverains et enfin, bien sûr avec la capacité de réprimer si nécessaire d'éventuels fauteurs de troubles. Des consignes en matière de sécurité et de respect de la tranquillité publique ont été systématiquement données par le préfet de police lors de ces regroupements afin de prévenir les débordements et les troubles. Plusieurs réunions avec les organisateurs ainsi que de nombreux courriers leur ont régulièrement rappelé leurs obligations et les engagements à respecter. En particulier, il leur revenait de constituer un service d'ordre interne efficace, ayant pour rôle de maintenir le lien avec les services de police, de signaler les individus à risque et de permettre le bon accès des secours au site. De même, les horaires de fin de sonorisation et de démontage des installations fixes tolérés sur la place devaient être scrupuleusement respectés. Afin de concilier le droit de manifester et la nécessité d'assurer la sécurité et l'ordre public, Le préfet de police a pris plusieurs mesures permettant, en complément des dispositions prises par les organisateurs, d'encadrer et de sécuriser ces rassemblements à savoir notamment : - interdiction de détenir ou de transporter tout objet susceptible de constituer une arme ou de servir de projectile ; - interdiction de consommation et de vente d'alcool dans un périmètre comprenant la place de la République ; - limitation dans le temps de ces rassemblements permettant une libération de la place dans le calme et assurant la tranquillité publique des riverains ; - interdiction des cortèges constitués à partir de la place de la République de 19 h à 7 h ; - interdiction du stationnement des véhicules utilitaires légers place de la République et dans la partie comprise entre le boulevard St Martin et le boulevard du Temple ; - interdiction de diffusion de musique et de bruit par tous moyens sonores place de la République entre minuit et 7 h du matin ; - L'autorité judiciaire a, pour ce qui la concerne, prononcé des interdictions de paraître pour des individus clairement identifiés comme meneurs à l'origine des violences urbaines constatées. La mise en œuvre de ces diverses mesures et le contrôle strict de leur application ont permis progressivement d'améliorer les situations, avec une mobilisation exceptionnelle de moyens : plusieurs milliers de policiers ou gendarmes ont été mobilisés aux abords de la place de la République pour assurer la sécurité de ces rassemblements. De manière générale, l'affluence des rassemblements place de la République, comme les incidents, ont nettement diminué au cours du mois de mai 2016 : durant les deux premières semaines du mois de mai, le nombre de participants atteignait régulièrement 500 à 2 000 personnes contre 1 000 à 3 000 en avril dernier. Les dix derniers jours du mois de mai, la mobilisation ne réunissait plus que 100 à 500 personnes.

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