Question de Mme DOINEAU Élisabeth (Mayenne - UDI-UC) publiée le 08/07/2016

Question posée en séance publique le 07/07/2016

Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, désormais, lors de toute manifestation, la présence de « casseurs », de hordes de « casseurs », devrais-je dire, est devenue systématique.

Si le terme même de « casseurs » est vague, en revanche leurs actions sont déterminées et extrêmement organisées.

Ces individus, le visage dissimulé par un masque, un casque, un bonnet, un foulard, habillés le plus souvent de noir, insultent les forces de l'ordre, détruisent le mobilier urbain, cassent les vitrines des magasins, brûlent des voitures, s'attaquent aux institutions, dernièrement à l'hôpital Necker, ce qui a particulièrement et justement ému l'opinion. Bref, c'est un concentré de violences…

Ma question est toute simple, monsieur le garde des sceaux : quelques-uns de ces « casseurs » ayant été arrêtés, pouvez-vous nous dire, au-delà d'un simple profil, qui se cache derrière ces masques, qui sont ces individus, ces insurgés, ces manifestants violents ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, le terme « casseurs » n'existe pas en droit pénal. J'aurais donc du mal à répondre avec précision à votre question. Ce que je peux vous dire, c'est ce qu'a été la réponse judiciaire à la suite des interpellations intervenues depuis le début des manifestations qui se sont déroulées sur le territoire national.

Pour être précis, il y a eu 896 gardes à vue de personnes interpellées pour des actions violentes commises en marge des manifestations, 520 de ces mesures de garde à vue ayant été prononcées pour des faits de violence contre les forces de l'ordre, 188 au titre de la qualification pénale d'attroupement armé et 89 pour dégradations.

Qui sont ces individus ? Je l'ai dit, il est extrêmement difficile de répondre à cette question. Je peux simplement vous indiquer que, parmi les personnes placées en garde à vue à Paris, 72 % d'entre elles n'avaient jamais été condamnées et étaient même complètement inconnues des services judiciaires.

Concernant les peines prononcées, 32 personnes ont fait l'objet d'une peine d'emprisonnement ferme, total ou partiel, 69 ont été condamnées à des peines d'emprisonnement assorties d'un sursis - un sursis simple dans 36 cas et un sursis avec mise à l'épreuve dans 23 autres -, 8 ont fait l'objet de peines d'amende, 10 de peines de substitution et 49 mineurs ont fait l'objet de sanctions éducatives.

Madame la sénatrice, voilà les réponses que je peux vous apporter. Je suis désolé de ne pouvoir répondre précisément à votre question, mais, je le répète, le droit pénal ignore ce qu'est un « casseur » ; il ne connaît que des infractions parfaitement définies. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.

Mme Élisabeth Doineau. Ces chiffres, monsieur le garde des sceaux, laissent place à toutes les spéculations, notamment de la part des médias. On entend parler de groupes politisés, de syndicalistes, de militants anti-système, de révolutionnaires, d'anarchistes, de libertaires, de zadistes, jeunes ou moins jeunes, étudiants, lycéens, chômeurs ou non, étrangers ou pas.

Rien n'est pire que de telles spéculations : laisser la place aux doutes, c'est laisser la place aux peurs. Il est alors difficile d'agir en termes de prévention, de réparation et même de punition, en dépit de ce que vous avez dit.

Sans aller à l'encontre des principes de l'État de droit, des mesures doivent être prises pour arrêter et condamner ces « casseurs », dont l'identification est indispensable !

Je constate, monsieur le garde des sceaux, que votre parti n'ose plus organiser ses universités d'été à Nantes, par crainte de débordements. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mais dans quel pays vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)

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