Question de M. SAVIN Michel (Isère - Les Républicains) publiée le 30/09/2016

Question posée en séance publique le 29/09/2016

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains.


M. Michel Savin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Je souhaite évoquer le désarroi, voire le sentiment d'abandon que ressentent les éleveurs, les bergers et les élus locaux de nos massifs face aux attaques répétées du loup, lesquelles sont de plus en plus nombreuses.

On dénombrait près de 10 000 victimes du loup en 2015. Combien cette année ?

Le nombre de loups en liberté augmente de 20 % chaque année. Nous ne pouvons donc plus dire que c'est une espèce en voie de disparition. De plus, 40 % des attaques se déroulent dorénavant en pleine journée, certaines à proximité des habitations. Ces attaques récurrentes ont lieu en dépit des mesures de protection dont les environnementalistes eux-mêmes reconnaissent les limites. Comme seule réponse, l'État a versé 21 millions d'euros d'indemnisation en 2015.

Dans le même temps, des habitants et des randonneurs ont été victimes d'agressions très graves de chiens dressés pour protéger les troupeaux, ce qui pénalise fortement une autre économie, l'activité touristique.

Cette situation démontre trois choses.

Premièrement, le loup gagne la bataille géographique en avançant sur les terres.

Deuxièmement, le loup gagne la bataille économique, car la détresse des éleveurs est telle qu'ils sont nombreux à vouloir arrêter leur activité.

Troisièmement, le loup est en train de gagner la bataille politique face à l'absence de propositions des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, comptez-vous, avec d'autres pays européens, renégocier la convention de Berne, afin de faire évoluer le classement du loup d'espèce strictement protégée à simplement protégée ?

En attendant, seriez-vous prêt à faire réaliser par un organisme neutre un décompte le plus précis possible du nombre de loups présents sur le territoire national, comme le demandent les associations d'éleveurs et de bergers et les élus locaux, et à autoriser les associations de chasseurs, qui connaissent bien le terrain et qui sont des gens responsables et formés, à assurer la gestion et la régulation en continu des loups ou des meutes qui attaquent les troupeaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 30/09/2016

Réponse apportée en séance publique le 29/09/2016

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Bruno Sido. Un jeune loup ! (Rires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Un jeune loup ? Oh, non ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur, votre question laisse sous-entendre que l'État, c'est-à-dire le ministre de l'agriculture que je suis, n'aurait rien fait au sujet du loup.

M. Michel Savin. Je n'ai pas dit ça !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est ce que vous laissez entendre.

M. Charles Revet. Mais non !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez même dit – certainement parce que nous nous trouvons dans cet hémicycle – que le loup aurait gagné la bataille politique. Il faudrait m'expliquer comment un loup peut gagner une bataille politique. À moins, et ça peut arriver, que des loups se soient cachés sur ces travées… (Sourires.)

Plus sérieusement, en arrivant au ministère, c'est moi qui ai mis en place un plan national de lutte contre les attaques de loups et de prélèvement sur les loups, plan ensuite relayé par Ségolène Royal. Un tel plan n'avait jamais été mis en place !

M. Claude Bérit-Débat. C'est vrai !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce plan comportait des dispositions telles que les tirs de dissuasion, mais aussi la mise en place de tirs de prélèvement, avec l'aide de chasseurs locaux, ciblés sur les loups qui attaquent, ce qui est plus efficace que la traque quinze jours après d'un loup qui ne serait pas nécessairement responsable de cette attaque.

Oui, monsieur le sénateur, nous avons versé des aides ! Mais qu'aurait-il fallu faire ? Ne plus verser d'indemnisations ? Je vous rappelle que, en 2012, à mon arrivée, le ministère de l'agriculture versait 8 millions d'euros au titre des indemnisations. Désormais, cette somme atteint 22 millions d'euros, la population des loups ayant augmenté.

Vous évoquez également la convention de Berne. Mais qui l'a signée – c'était il y a déjà un moment ? En tout cas, ce n'est ni le gouvernement actuel, ni le précédent, ni même celui d'avant. Alors, certes, il faudrait renégocier cette convention, mais encore faut-il trouver une majorité pour le faire !

Vous l'avez oublié, parce qu'il faut bien connaître le dossier, mais il faudrait également renégocier la directive Habitat avant même de parler de la convention de Berne.

M. Marc Daunis. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. J'ajoute que l'on ne pourra pas non plus s'exonérer de la prise en compte du loup dans la biodiversité. Si vous imaginez que le loup va disparaître, parce qu'on aura créé quelques articles ou renégocié la convention de Berne, vous faites erreur.

Aujourd'hui, nous avons engagé un travail important en matière de dissuasion, des actions pour accélérer les opérations de tir et sur le nombre de loups qui peuvent être prélevés, à savoir trente-six loups, ce qui constitue la limite de prélèvement que la convention nous autorise.

En outre, j'ai parlé de la renégociation de la directive Habitat avec le ministre finlandais pas plus tard qu'hier midi. La Finlande connaît également des problèmes avec le loup, à la suite d'attaques contre des troupeaux de rennes. L'Espagne et l'Italie commencent également à bouger. Nous cherchons donc une solution pour renégocier la directive, mais, je le répète, il nous faut des partenaires pour cela.

Monsieur le sénateur, nous poursuivrons le travail engagé sur ce sujet. J'ai moi-même formulé de nouvelles propositions, en particulier sur la question des patous. Aujourd'hui, nous avons un problème avec ces attaques de chiens, mais ce n'est pas moi qui les ai mis en place, ces gros patous qui mordent les petits enfants et les gens qui se promènent en montagne. C'est un vrai problème qui se pose, dans la mesure où l'élevage des patous n'est pas organisé aujourd'hui. Par conséquent, nous éduquerons aussi les patous !

M. le président. Il faut conclure !

Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Il n'y a pas de flou avec le loup !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il n'y a pas de loup. Il y a au contraire une volonté de traiter cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, les agriculteurs, les bergers et les élus locaux qui ont entendu votre réponse ironique et moqueuse apprécieront le ton que vous avez employé… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C'est un scandale d'avoir répondu de cette façon !

Mme Fabienne Keller. Absolument !

M. Michel Savin. Des personnes se trouvent pourtant en détresse et une économie est mise en péril aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)

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