Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - Communiste républicain et citoyen) publiée le 27/10/2016

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la fermeture des bureaux de poste ou leur transformation en points de contact en Indre-et-Loire comme sur tout le territoire national. Elle ne peut accepter que cela se fasse au détriment des conditions de travail et de la santé des salariés. Elle constate que l'abus d'utilisation d'intérimaires, non formés, ne peut que participer du mauvais service rendu aux usagers. Elle lui fait part du large mécontentement des maires de toutes les communes rurales comme urbaines. Elle demande que l'État actionnaire et la caisse des dépôts et consignations jouent leur rôle dans le sens de l'intérêt général, dans celui du service public. Elle souhaite que le contrat territorial postal en cours de négociation puisse permettre d'arrêter cette hémorragie et tourne enfin le dos au renforcement des inégalités territoriales et sociales. Elle lui demande d'intervenir pour que cesse la dégradation du service de La Poste.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du numérique et de l'innovation publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

Mme Marie-France Beaufils. En Indre-et-Loire, la liste des bureaux de poste de plein exercice qui disparaissent les uns après les autres est longue. Dans nos villages, il n'en reste plus guère. Aujourd'hui, les villes ne sont plus épargnées : c'est le cas dans quatre quartiers de Tours. Le conseil municipal a voté hier soir, à l'unanimité, un vœu contre ces suppressions.

Les 17 000 points de contact, ce n'est plus La Poste, puisque seuls 9 000 sont en gestion propre. Les employés sont de moins en moins des postiers, car on recourt de plus en plus aux personnes qui travaillent dans les maisons de service au public. Finalement, les fonctionnaires ne représentent plus que 45 % des effectifs.

Les usagers n'acceptent pas ces choix. La mobilisation contre les fermetures est forte. Devant le Sénat, le 8 décembre dernier, plusieurs centaines de manifestants sont venus dire non seulement leur colère, mais aussi leurs propositions. De tels désaccords sont exprimés dans toute la France, comme hier à Tours, à Montlouis ou à Vouvray.

Quant aux salariés, ils sont excédés : 21 000 emplois ont disparu en trois ans, pendant que La Poste recevait près de 1 milliard d'euros de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi !

Une expertise conduite pour le CHSCT du groupe dénonce publiquement « une situation préoccupante du fait de la rapide dégradation de l'état de santé des agents ».

Le conseil d'administration de La Poste a été informé, jeudi dernier, de deux suicides survenus la veille, mais, selon une source interne à l'entreprise, on atteindrait cinquante suicides cette année. Cela nous rappelle la situation – bien triste – de France Télécom dans les années 2008-2009. Le Gouvernement en a-t-il été informé ? Que compte-t-il faire ? Combien de suicides faudra-t-il encore pour que soit prise réellement en considération la vie des postiers ? J'aimerais une réponse claire à ces questions, alors que les salariés n'en ont encore eu aucune !

Les maires et de nombreux élus sont très inquiets, car beaucoup de territoires deviennent des déserts, sans services publics. Le fonds de péréquation de La Poste va être augmenté de 4 millions d'euros par an, mais pour quoi faire ? Pour moderniser et développer des bureaux de poste ? Il ne semble pas que ce soit la démarche engagée, puisqu'il va servir, à hauteur de 35 %, à fermer des bureaux ou à les transférer à des commerces.

Bien sûr, La Poste doit s'adapter, elle doit se moderniser, mais pas en aggravant les conditions de vie des habitants et les conditions de travail de ses salariés. Pour bien répondre à l'intérêt général en améliorant l'activité sur nos territoires, le service public est un véritable choix de société. C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'intervenir pour que cesse enfin cette organisation de la dégradation de La Poste.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Madame la sénatrice, M. Christophe Sirugue m'a chargée de vous répondre en son nom, sans savoir que vous évoqueriez un tableau humain si sombre. C'est pourquoi ma réponse sera certainement sèche et technocratique, mais je crois que Christophe Sirugue souhaitera s'entretenir avec vous plus directement pour évoquer ce grave sujet.

Le Gouvernement est attentif au bon accomplissement par La Poste de sa contribution essentielle à la mission d'aménagement du territoire. Aussi, dans le cadre de la préparation du nouveau contrat de présence postale, l'État s'est-il attaché à favoriser des solutions équilibrées pour assurer le maillage territorial le plus dense possible et le plus adapté aux besoins des populations et des territoires. Il l'a fait en prenant en considération la réalité d'aujourd'hui : une concurrence très forte de la part d'autres acteurs économiques, une baisse drastique du volume du courrier – longtemps le cœur de métier de La Poste – et de la fréquentation des guichets, qui a par exemple diminué de 6 % en 2015. Le numérique a naturellement joué un rôle, mais il faut aussi prendre acte du changement des habitudes de consommation de nos concitoyens. Il l'a également fait avec un souci permanent de concertation et de dialogue entre les différents partenaires.

S'inscrivant dans la continuité des trois précédents contrats, le projet en préparation continue à donner la priorité aux actions en faveur des points de contact considérés comme les plus fragiles. Il vise aussi à faciliter la transformation du réseau pour mieux l'adapter aux habitudes de vie et aux attentes des habitants.

En matière de financement, l'État a décidé de consentir un effort accru en faveur de la présence postale dans les territoires. Le Gouvernement a ainsi décidé une augmentation du montant du Fonds postal national de péréquation territoriale de 12 millions d'euros pour pérenniser la participation de l'État au financement des maisons de service au public en bureaux de poste. Ce fonds sera donc abondé à hauteur de 174 millions d'euros par an, soit 522 millions d'euros sur les trois ans du nouveau contrat, contre 510 millions d'euros alloués dans le précédent.

Sur le plan local, les évolutions des points de contact de La Poste dans les départements sont examinées en prenant en compte l'avis de la commission départementale de présence postale territoriale et après un diagnostic partagé avec les municipalités concernées.

Dans le département de l'Indre-et-Loire, La Poste a maintenu un maillage dense de 220 points de contact, dont 97 bureaux de poste, 86 agences postales et 37 relais poste chez des commerçants, pour une population de 600 000 habitants, ce qui permet à 98,9 % de la population du département de se trouver à moins de cinq kilomètres et moins de vingt minutes d'un point de contact. Au quotidien, si l'on voit que le bureau de poste s'éloigne, ces chiffres peuvent éventuellement choquer, mais, lorsqu'on regarde les choix opérés dans d'autres pays européens, on réalise que, sur le territoire français, cette densité du maillage territorial demeure importante.

En ce qui concerne la mission de service universel du courrier, La Poste continue à assurer une qualité de service de haut niveau, reconnue par nos concitoyens. L'entreprise a ainsi atteint, en 2015, quatorze des quinze objectifs de qualité qui lui ont été fixés par l'État et qui sont suivis et contrôlés par le gendarme du secteur, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Un comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise entre l'État et La Poste a eu lieu le 30 novembre dernier. Christophe Sirugue y a rappelé aux participants l'importance que l'État attache à la poursuite d'un dialogue social de qualité dans l'entreprise ; il a aussi salué la décision de La Poste d'ouvrir des négociations sur les métiers et les conditions de travail des facteurs.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Comme je l'ai récemment dit au président de La Poste, si la qualité du service de distribution du courrier se dégrade, c'est évidemment en raison de l'allongement du temps de parcours des postiers, qui vise à répondre au manque d'effectifs.

On nous dit que le volume de courrier diminue. On nous dit aussi que la fréquentation des guichets est en baisse, mais sans préciser que cette baisse est aussi provoquée par la multiplication du nombre d'automates.

On doit donc raisonner non pas activité par activité, mais globalement.

Quoi qu'il en soit, les habitants sont très mobilisés, en particulier dans les secteurs les plus modestes et en zone rurale, où il n'existe plus d'autre activité qui puisse répondre aux besoins de la population.

Enfin, j'insiste sur la dégradation de l'état de santé des personnels, qui me soucie fortement. J'ai fait le parallèle avec France Télécom, car je veux lancer une alerte. Si le nombre des cinquante suicides est atteint en 2016 – c'est une situation que nous avons précédemment connue –, il est important que l'État, qui assure tout de même la tutelle du grand service public qu'est La Poste, soit très attentif à ce qui est en train de se passer.

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