Question de Mme JOURDA Gisèle (Aude - Socialiste et républicain) publiée le 27/10/2016

Mme Gisèle Jourda interroge Mme la ministre de la culture et de la communication sur la publication à venir d'un arrêté interministériel sur l'élargissement de l'attribution de la carte professionnelle de guide-conférencier.

Cet arrêté prévoit en effet l'élargissement de l'attribution de la carte professionnelle à tout titulaire d'une licence ou autre diplôme de niveau II justifiant au minimum d'une expérience professionnelle d'un an cumulé au cours des dix dernières années dans la médiation orale des patrimoines, ainsi qu'à tous ceux ayant une attestation, un diplôme ou titre conférant le grade de master justifiant au minimum d'une expérience professionnelle de six mois cumulés au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines.

Ces dispositions neutralisent les effets de l'article 109 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Cet article garantissait la qualité des visites dans les musées et monuments historiques de France par le recours obligatoire à un guide-conférencier diplômé. L'importance de la qualification des professionnels était alors une priorité.

Une telle ouverture risque également de créer une réelle distorsion de concurrence entre guides-conférenciers qui doivent déjà faire face à une baisse de l'activité touristique en France.

Elle lui demande ainsi quelles sont ses intentions concernant les exigences de qualification des guides-conférenciers.

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Réponse du Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

Mme Gisèle Jourda. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à être intervenus pour défendre les guides-conférenciers, une profession qui lutte au quotidien face à la baisse de l'activité touristique et à une concurrence impitoyable. Ainsi avions-nous saisi l'occasion de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine pour déposer des amendements ayant tous un objectif similaire : garantir aux guides-conférenciers le droit d'être les seuls à exercer leur métier.

Le Gouvernement nous ayant entendus, il a fait adopter un amendement, perfectionné au cours de la navette parlementaire, visant à affirmer dans la loi que les visites guidées dans les musées de France et les monuments historiques ne seraient assurées que par des personnes qualifiées, titulaires d'une carte professionnelle de guide-conférencier. Mieux encore, les opérateurs économiques amenés à commercialiser ce type de prestations devaient avoir recours à des personnes qualifiées, titulaires de la carte professionnelle.

Mais cela, c'était avant la réunion interministérielle au cours de laquelle a été présenté aux syndicats un projet d'arrêté pour janvier 2017 révisant les conditions d'obtention de la carte de guide-conférencier. Alors que nous nous sommes battus pour protéger les guides-conférenciers de la concurrence extérieure, c'est désormais de l'intérieur que vient le péril ! Cet arrêté prévoit en effet l'élargissement de l'attribution de la carte professionnelle à tout titulaire d'un diplôme conférant le grade de master, ayant validé trois unités d'enseignement ou justifiant au minimum d'une expérience professionnelle d'un an cumulé au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines.

Quel gâchis ! Quel dommage ! Ce nivellement par le bas provoquera l'affaiblissement, voire la disqualification de cette profession qualifiée.

Ma question est donc la suivante : quelles garanties pouvez-vous apporter aux guides-conférenciers que la volonté affichée par la Direction générale des entreprises d'ouvrir cette profession ne se traduira pas par sa disparition ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, qui, n'ayant pu être présente ce matin, m'a chargée de vous répondre.

Le projet d'arrêté visant à élargir l'accès à la carte de guide-conférencier a provoqué de nombreuses inquiétudes chez les professionnels du secteur lors de sa première présentation au mois de septembre dernier. Il a fait l'objet de différents échanges entre le ministère de la culture et de la communication, le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'enseignement supérieur. Le projet d'arrêté a, depuis lors, été substantiellement amélioré.

Le premier projet d'arrêté avait inquiété les professionnels, car il ouvrait l'accès à la carte à l'ensemble des diplômés de licence justifiant d'une expérience professionnelle d'un an cumulé au cours des dix années précédentes dans la médiation orale des patrimoines. Cette ouverture était trop large et comportait un risque pour la qualité des visites proposées.

Le nouveau projet d'arrêté a supprimé cette disposition et a remonté le niveau minimum de qualification pour cette troisième voie d'accès à la carte de guide-conférencier. Celle-ci sera ouverte aux titulaires d'un diplôme conférant le grade de master, et non de licence, et justifiant d'une expérience d'un an cumulé au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines. En outre, la notion de « médiation orale des patrimoines » est désormais explicitée, puisqu'elle est définie en référence aux compétences exigées pour les guides-conférenciers en annexe du même arrêté.

Le projet d'arrêté a été présenté aux organisations professionnelles le 7 novembre. Elles ont constaté que le texte avait été amélioré. Afin de répondre aux attentes des professionnels et de s'assurer que les candidats à la carte professionnelle par cette troisième voie seront traités avec équité sur l'ensemble du territoire, une circulaire et des outils de cadrage seront élaborés avec la Direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances. Cette troisième voie sera explicitée et l'expérience professionnelle requise dans la médiation orale des patrimoines sera précisée.

Ce projet d'arrêté garantit donc la qualification des guides-conférenciers, tout en ouvrant une voie à des personnes dotées à la fois d'une solide formation initiale et d'une expérience professionnelle avérée. Il s'inscrit également dans le cadre de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dont l'article 109 a clarifié le cadre du recours aux guides-conférenciers, garants de la qualité et de l'intelligibilité des visites.

Dans ces conditions, cette nouvelle voie d'accès ne constituera aucunement une menace pour les formations qualifiantes de guide-conférencier existantes. Elle permettra de revivifier les territoires en manque de guides-conférenciers et de diversifier les thèmes de visites dans toute la France.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. Je prends acte des évolutions qui ont fait suite aux inquiétudes exprimées par les guides-conférenciers, une profession à laquelle nous tenons.

Néanmoins, cette troisième voie doit être regardée avec vigilance, car, eu égard aux difficultés qui pèsent sur elles, certaines collectivités territoriales qui comptent dans leur patrimoine des monuments historiques importants pourraient être tentées par la facilité. Il ne faudrait pas que cette troisième voie permette une concurrence déloyale. Ces jeunes ont suivi des études d'un haut niveau dans les filières historiques, culturelles ou architecturales et n'ont pour débouché exclusif que les visites guidées. Or, je le répète, ils ne doivent pas être concurrencés par des jeunes dont le bagage scientifique ne serait pas à la hauteur des monuments visités.

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