Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - Socialiste et républicain) publiée le 18/11/2016

Question posée en séance publique le 17/11/2016

M. Bernard Cazeau. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, s'il fallait un symbole pour montrer à quel point le président turc s'est engagé sur le chemin de l'autocratie, le chantage au référendum sur le processus d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, brandi lundi dernier, en est une triste réalité.

Si l'on dresse la liste des décisions et des lois adoptées ainsi que des transformations accomplies depuis la tentative de coup d'État militaire du 15 juillet dernier, il y a manifestement de quoi s'inquiéter…

En effet, au nom de la lutte nécessaire contre les putschistes, plus de 100 000 fonctionnaires ont été limogés, 109 organes de presse ont été fermés, avec confiscation de leurs biens, et 4 200 associations de même que 500 entreprises ont été placées sous tutelle.

Parallèlement, dans le cadre de l'état d'urgence, le gouvernement turc a accentué sa campagne d'arrestations massives de tous ceux qui appartiennent à la confrérie güleniste, tandis que la levée de l'immunité parlementaire de 148 députés a permis l'arrestation de dix d'entre eux, dont les deux coprésidents du parti HDP, pro-kurde, le 4 novembre dernier.

Au total, plus de 45 000 personnes ont été ainsi interpelées, et il est question de rétablir la peine de mort…

Le quotidien turc Hürriyet résumait bien l'ambiance dans le pays en titrant récemment : « La Turquie a peur ».

Certes, monsieur le ministre, nous comprenons les réalités de la diplomatie vis-à-vis d'un pays membre du Conseil de l'Europe et de l'OTAN, dont les échanges avec la France sont loin d'être négligeables, et qui a signé avec l'Union européenne, le 18 mars dernier, un accord sur la crise des migrants.


M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !


M. Bernard Cazeau. Mais pouvons-nous, pour autant, nous résigner à laisser ce pays ami remettre en cause les principes de la démocratie et de l'État de droit ? Quelle est, aujourd'hui, la position de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 18/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2016

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Cazeau, la situation en Turquie continue de susciter une vive inquiétude, en France – vous venez, avec des mots forts, de l'exprimer –, mais aussi au sein de l'Union européenne, comme j'ai pu le constater lundi lors de la réunion du conseil Affaires étrangères.

Les arrestations se multiplient, la liberté d'expression est entravée, le fonctionnement de la démocratie est mis à mal.

Toutefois, l'arrêt du dialogue n'est pas la solution. Il faut maintenir les contacts et poursuivre les échanges pour faire comprendre à la Turquie qu'elle n'a rien à gagner à l'isolement et qu'elle n'a pas intérêt à couper les ponts avec l'Europe et ses valeurs.

Ce dialogue doit être franc, transparent et sincère. Telle est la position unanime des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne.

Il faut aussi rappeler que la Turquie est la cible du terrorisme, qu'il vienne de Daech ou du PKK, et qu'elle a été victime d'une tentative de coup d'État le 15 juillet dernier. Elle a donc le droit de se défendre, mais en adoptant des mesures proportionnées et respectueuses de l'État de droit.

Le respect de l'État de droit, des valeurs et des principes auxquels elle a librement adhéré n'est pas négociable. Ce doit être la réponse des démocraties au terrorisme.

Nous n'allons donc pas rompre avec la Turquie, qui est aussi membre de l'OTAN, mais nous sommes lucides sur la situation.

Nous allons continuer à être clairs sur nos principes et à rappeler aux autorités turques que l'appartenance au Conseil de l'Europe a un sens, qu'elle implique le respect de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et donc le non-rétablissement de la peine de mort. Je me suis entretenu cette semaine avec le secrétaire général du Conseil de l'Europe qui partage ces préoccupations.

Voilà, en toute clarté, monsieur le sénateur, la position de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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