Question de Mme DES ESGAULX Marie-Hélène (Gironde - Les Républicains) publiée le 24/11/2016

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur la pratique de l'immobilier en temps partagé. La multipropriété est basée sur un contrat spécifique d'acquisition donnant droit à la jouissance d'un logement dans une résidence de vacances pour une durée limitée à une période donnée de l'année. Le fonctionnement des sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé est régi par la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986, à laquelle la loi n° 2009-888 de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009 a apporté des modifications significatives destinées à améliorer la situation des associés. Ce système, sous prétexte d'offrir ce que les promoteurs appellent un patrimoine de vacances, enferme les personnes concernées dans un système dont ils ne peuvent ensuite que très difficilement sortir. Les litiges liés à la multipropriété sont innombrables et connus de tous. Des charges supplémentaires imposées à l'acquéreur à l'impossibilité de revendre son bien, les trop nombreuses victimes du temps partagé témoignent de l'aspect pernicieux du système. À titre d'exemple, on peut citer le cas d'une affaire dans les Landes (SCAIJTP mises en liquidation par majorité de l'investisseur/gérant), des charges exorbitantes sont demandées depuis 9 ans, charges qui sont équivalentes à ce jour, au montant des acquisitions des particuliers, à savoir un doublement du coût d'achat sans avoir l'accès et la jouissance aux biens immobiliers ! Le total supporté est de 3 700 000 € de spoliation et préjudice représentant le droit de jouissance payé et perdu, la facturation de la maintenance des parties communes est de 220 000 € par an pour 18 logements. L'Association des propriétaires acquéreurs de parts en jouissance Boucaniers 1&2 (P.A.P.J. Boucanier 1&2) avance plusieurs pistes de réflexion afin de remédier à cette situation en requalifiant, par exemple, l'objet social des sociétés d'attribution immobilière en jouissance à temps partagé (SCAIJTP) au moyen d'une modification de l'article L. 212-1 du code de la construction et d'habitation qui prenne en compte les éléments suivants : La société d'attribution immobilière en jouissance à temps partagé est propriétaire d'un bien immobilier fini et assure la gérance de ce bien avec l'objectif de pérenniser son objet social ; l'objet social de la société d'attribution immobilière en jouissance à temps partagé ne peut être altéré par un vote de majorité en assemblée générale des actionnaires ; les propriétaires fonciers de la société d'attribution immobilière sont garants de l'objet social ; la société d'attribution immobilière en jouissance à temps partage doit constituer un fonds de roulement à hauteur de 25 % des parts de la société, afin de garantir la pérennité de l'ouvrage et de l'objet social.

Dans ce contexte, elle la remercie de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement entend s'attaquer à une réforme de la loi susmentionnée de manière à ne plus pénaliser outre mesure les nombreuses familles qui ont souhaité investir dans ce dispositif et par ailleurs limiter les contentieux qui surviennent très fréquemment.

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Erratum : JO du 19/01/2017 p.213

Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/03/2017

La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a apporté de nombreuses modifications à la loi du 6 janvier 1986, relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. Ces modifications ont pour finalité d'équilibrer le fonctionnement des sociétés d'attribution et de prévenir la plupart des abus anciennement constatés. Ainsi, en vue d'équilibrer la gestion de ces sociétés, l'article 18 de la loi du 6 janvier 1986 a été modifié afin de renforcer les pouvoirs du conseil de surveillance et d'accroître le contrôle exercé par les associés. Le conseil de surveillance peut désormais prendre connaissance et copie de toute pièce se rapportant à la gestion de la société. Ses membres sont maintenant élus pour une durée maximale de trois ans renouvelables, nonobstant toute disposition contraire des statuts, et le conseil doit rendre compte annuellement de l'exécution de sa mission à l'assemblée générale. Par ailleurs, l'article 13 de la loi du 6 janvier 1986 a été modifié afin que soit reproduite, dans les convocations à l'assemblée générale, la mention selon laquelle tout associé peut obtenir la communication des comptes sociaux et de certaines informations nominatives sur les autres associés. Afin de renforcer les droits des associés lorsque l'immeuble objet du droit de jouissance est inclus dans une copropriété, l'article 17 de la même loi dispose à présent que les sociétés de temps partagé sont représentées à l'assemblée du syndicat par toute personne désignée par l'assemblée générale nonobstant toute disposition contraire des statuts. La personne désignée doit par ailleurs rendre compte des décisions prises par le syndicat des copropriétaires lors de l'assemblée générale postérieure. Enfin, les conditions de retrait des associés ont été assouplies par l'article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986, qui prévoit le retrait de droit lorsque les parts sociales ont été transmises par succession depuis moins de deux ans à compter de la demande. En outre, la liste des justes motifs de retrait a été élargie. Le juge peut désormais autoriser le retrait notamment lorsque l'associé est bénéficiaire des minima sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance. L'hypothèse de manœuvres frauduleuses engagées par le propriétaire de l'immeuble afin d'augmenter indûment le montant des charges est une situation dont il est aujourd'hui difficile d'évaluer la fréquence. En toute hypothèse, prévoir un transfert de propriété de l'immeuble au profit de la société d'attribution une fois la construction achevée reviendrait à en exproprier le propriétaire. Afin de respecter le statut constitutionnel du droit de propriété, une telle mesure devrait être justifiée par un objectif d'intérêt général, et être conditionnée par le versement d'une juste et préalable indemnité à la charge de la société. Par ailleurs, la création d'un fonds de roulement ne paraît pas constituer un moyen de protection efficace contre l'accroissement des charges, dès lors que ce fonds devrait être alimenté par les associés eux-mêmes. Il convient en outre de rappeler que la création d'un fonds de travaux est déjà obligatoire dans les conditions prévues par l'article 17-1 de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis lorsque les conditions d'application de ce texte sont réunies. Il apparaît à ce stade nécessaire d'évaluer les effets attendus des modifications du droit positif issues de la loi ALUR avant d'envisager de réformer à nouveau le statut des sociétés civiles d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. D'éventuels agissements frauduleux sont en outre susceptibles d'être réprimés sur le fondement de l'article L. 313-1 du code pénal si les éléments constitutifs du délit d'escroquerie sont constitués.

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