Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - RDSE) publiée le 21/12/2016

Question posée en séance publique le 20/12/2016

M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, après vos paroles, mes propos vous sembleront peut-être un peu légers. Néanmoins, à y regarder de près, tout se tient.

Il y a quelques jours, M. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, s'est invité dans la campagne présidentielle pour rappeler aux candidats que « l'accélération de la croissance française ne pouvait venir d'une relance budgétaire, et que ce serait bercer les électeurs d'illusions que de le laisser croire ».

Ma question est la suivante : selon vous, entre-t-il dans les missions du gouverneur de la Banque de France, autorité en principe indépendante, de monter sur les tréteaux électoraux ? Est-il normal qu'il définisse, en lieu et place des électeurs, les programmes économiques qui seraient bons pour la France et ceux qui ne le seraient pas ? (Applaudissements sur quelques travées du RDSE et sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, on peut toujours porter une appréciation sur de tels sujets. Toutefois, le goût du débat, de la confrontation des points de vue, et l'opportunité que donne toujours la parole d'une autorité éminente pour justifier une réponse qui doit avoir une précision absolue doivent l'emporter sur toute autre considération.

Vous évoquez les propos qu'a tenus le gouverneur de la Banque de France. À ce sujet, permettez-moi de rappeler quelques éléments simples.

Tout d'abord, en vertu de l'article 20 de la Constitution, c'est le Gouvernement qui conduit la politique de la Nation. En conséquence, c'est lui qui définit les politiques budgétaire et économique.

Bien entendu, nous agissons dans un cadre européen, dont nous tenons grand compte et qui nous lie à nos partenaires. Ce cadre permet de renforcer les atouts du marché intérieur soient renforcés. Toutefois, il n'annihile pas toute liberté, pour un gouvernement, de déterminer le chemin qu'il souhaite pour l'économie de son pays et de fixer les objectifs qu'il entend voir prévaloir en matière de croissance.

Notre politique est très claire. Son premier but est que l'assainissement des comptes puisse se poursuivre. Voilà maintenant plusieurs années que notre pays connaît une diminution de son déficit budgétaire. Cette baisse fait l'objet de discussions, au sein de la Haute Assemblée, lors des débats budgétaires.

La majorité sénatoriale, et c'est son rôle – je ne le conteste pas –, estime que la réduction des déficits n'est pas assez rapide au regard des objectifs que nous devrions nous assigner. De notre côté, nous rappelons que les déficits baissent de manière incontestable. Ils reculent à un rythme que nous déterminons nous-mêmes, de sorte que l'assainissement des comptes ne remette pas en cause les objectifs de croissance.

À cet égard, quels sont les résultats ? Le déficit budgétaire s'élevait à un peu plus de 5 % : pour 2017, nous l'avons réduit à un peu moins de 3 %. Le déficit du régime général de la sécurité sociale est passé de 17 milliards d'euros à environ 400 millions d'euros.

Mme Pascale Gruny. Et le Fonds de solidarité vieillesse ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Parallèlement, le taux de croissance a progressivement repris un peu de vigueur,…

Mme Catherine Troendlé. Bref, tout va bien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … même si nous devons encore conforter les atouts de notre économie.

Nous avons fait des efforts considérables en faveur des entreprises ; leur taux de marge a gagné deux points ; le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, a permis 40 milliards d'euros d'efforts pour le rétablissement de la compétitivité des entreprises ; l'investissement industriel augmente de 3,4 % et affiche ainsi une progression trois fois plus forte qu'il y a trois ans ; dans le secteur industriel, 240 000 emplois ont été créés au cours des dix-huit derniers mois. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Nous avons l'intention de poursuivre ces efforts pour que l'économie de notre pays continue à se redresser.

Monsieur le sénateur, voilà qui devrait être de nature à rassurer…

M. François Grosdidier. Mais bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … tous ceux dont vous venez d'évoquer la pensée noble et élevée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le Premier ministre, c'est donc le Gouvernement qui mène la politique économique de la France. Me voilà rassuré ! Mais là n'était pas ma question… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. En tout cas, c'était ma réponse ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Pierre-Yves Collombat. Certes ! Mais on observe de plus en plus souvent que des autorités nommées, dépourvues de toute légitimité démocratique, s'arrogent le droit de dire aux représentants du peuple, voire au peuple lui-même, ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Les propos que j'ai cités précédemment se résument ainsi : « Mesdames les électrices, messieurs les électeurs, surtout, ne croyez pas que l'on puisse faire une autre politique que la politique de restrictions menée depuis des années. »

Mme Annie David. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. Or, pour paraphraser Clemenceau, j'estime que l'économie est une chose trop grave pour être confiée à des financiers ! (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du RDSE, sur quelques travées du groupe écologiste et sur les travées du groupe CRC.)

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