Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 21/12/2016

Question posée en séance publique le 20/12/2016

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre, à mon tour, et au nom du groupe Les Républicains, je voudrais dire au peuple allemand notre compassion et notre solidarité après ce qui s'est passé. Parce que la France a subi le même drame, avec les mêmes modalités qu'aujourd'hui, nous nous sentons tous un peu berlinois.

À nouveau, la barbarie islamiste a frappé. Ce terrorisme qui vient du fond de la nuit sans âge des violences barbares a de nouveau frappé des pays. La cruauté de ces crimes nous rappelle que cette violence est implacable, et qu'elle a deux formes, mondiale et totale.

Mondiale, puisque, durant le premier semestre de cette année seulement, on a dénombré pas moins de 550 attentats, soit trois par jour, faisant des milliers de victimes sur les cinq continents. Sa forme est aussi totale, parce qu'il y a les deux fronts. Le front extérieur, sur lequel opèrent nos soldats, auxquels je veux rendre hommage, et le front intérieur, sur lequel opèrent toutes les forces de l'ordre, auxquelles je veux aussi rendre hommage.

À chaque fois, ces frappes touchent des symboles de ce que nous sommes. Le président du Sénat et notre collègue Michel Boutant ont évoqué l'exemple allemand des marchés de Noël. Nous avons été touchés dans notre fête nationale, donc dans les valeurs de notre République. Nous avons été touchés aussi dans nos racines spirituelles (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.), avec un prêtre égorgé.

Ce totalitarisme vise ce que nous sommes et nous devons lui répondre.

Monsieur le Premier ministre, nous avons une certitude : quand nous aurons vaincu l'État islamique, tout cela ne s'arrêtera pas. C'est beaucoup plus difficile que cela, et nous partageons la conviction qu'une idéologie vit au-delà d'un territoire.

La France doit être implacable. Au moment où des djihadistes vont revenir de Mossoul et, demain, peut-être de Raqqa, quel dispositif comptez-vous mettre en place pour protéger les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, merci pour vos mots de solidarité à l'égard du peuple allemand dans l'épreuve terrible à laquelle il se trouve confronté, qui fait écho à la tragédie à laquelle notre propre peuple a dû faire face. Je pense, notamment, au tragique attentat de Nice, le jour de notre fête nationale.

Vous avez eu raison de rappeler que toutes nos forces sont mobilisées et que nous avons jeté toute notre énergie dans cette bataille contre le terrorisme. Nous sommes présents à l'extérieur, dans la coalition en Irak et en Syrie, où nous avons frappé le terrorisme avec la détermination de la coalition.

Nous l'avons fait également en dehors de l'Irak et de la Syrie, lorsque les valeurs essentielles auxquelles notre pays est attaché et qui font civilisation ont été mises en cause par des terroristes, avec l'abjection et les exactions que l'on sait.

C'était notamment le cas au Mali, où le Président de la République a décidé de l'intervention de nos militaires.

Je veux leur rendre hommage pour le travail qu'ils accomplissent, pour la parole de la France qu'ils portent à travers leur engagement sur le théâtre des opérations extérieures. À travers l'engagement de nos soldats, c'est la détermination de la France à gagner la guerre contre le terrorisme qui s'exprime, avec une résolution et une fermeté absolues.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c'est le fait que, face à l'islamisme radical, face à la barbarie, face à la volonté de s'en prendre à ce qu'est l'Europe, à ce que sont les peuples d'Europe dans leurs modes de vie, c'est-à-dire la liberté, la fraternité, le plaisir d'être ensemble dans la concorde et la tolérance, il n'y a qu'une réponse, monsieur le président Retailleau, c'est une fermeté absolue.

C'est elle qui nous conduit à fermer des lieux de culte lorsqu'en leur sein est proférée une conception de l'islam orthogonale de ce que sont tous les principes de la République. Nous en avons fermé une vingtaine au cours des derniers mois.

Elle signifie expulser ceux qui, étrangers, portent une parole complètement contraire à toutes les valeurs qui nous rassemblent par-delà ce qui peut nous différencier dans cet hémicycle. Nous avons expulsé en quelques mois 80 personnes qui avaient appelé au terrorisme ou à la haine dans leurs interventions dans des lieux de culte, dans l'espace public ou sur internet.

C'est la fermeture résolue des sites qui provoquent et appellent au terrorisme, ainsi que le travail que nous avons engagé au sein du réseau de sensibilisation à la radicalisation, ou RAN selon son acronyme anglophone, ou avec les opérateurs internet, pour faire en sorte que tous les messages qui peuvent influencer les plus vulnérables de nos compatriotes en les conduisant à commettre des crimes abjects soient immédiatement retirés de la toile. Il s'agit, par un travail de sensibilisation et de développement du contre-discours, de nous armer face à la propagande pernicieuse des terroristes.

C'est ce que nous avons fait également, monsieur le président, en redonnant beaucoup de moyens aux forces de sécurité. Si le Président de la République et mon prédécesseur Manuel Valls ont décidé de créer près de 9 000 emplois dans les forces de sécurité intérieure, dont 2 000 ont été affectés aux services de renseignement, c'est bien parce que nous ressentions la nécessité de réarmer la République face à cette menace terroriste.

Si nous avons décidé d'augmenter de 18 % les moyens d'investissement de ces forces pour qu'elles disposent de véhicules, de moyens numériques, de moyens d'investigation qui leur faisaient défaut, c'est précisément parce que nous sommes conscients de la nécessité de rehausser les moyens de la République face au risque terroriste.

Si nous avons voté un certain nombre de textes, que vous avez soutenus – je pense à la loi sur le renseignement ou à l'état d'urgence –, c'est précisément parce que nous partagions la conscience que la menace terroriste appelait des mesures dans le rassemblement de toutes les forces de la République. La capacité de résilience de la Nation dépend aussi de notre capacité à nous rassembler lorsque l'essentiel est en jeu.

Il faut évoquer aussi le déploiement de toutes ces forces sur le territoire national pour assurer la protection des Français, pour leur permettre de continuer à vivre comme ils ont le plaisir et l'habitude de vivre, parce que la France doit demeurer la France.

Vous évoquiez ce à quoi les terroristes s'en prennent. En France, plus que partout ailleurs, ils s'en prennent à la belle idée de République, avec les valeurs qu'elle porte. Ils s'en prennent, notamment, à la laïcité, c'est-à-dire à la possibilité de croire ou de ne pas croire, et, dès lors que l'on a fait le choix de sa croyance, d'être garanti par la République que l'on pourra l'exercer librement. À ce titre, la contrepartie de la liberté d'exercice de chaque culte suppose que chacun reconnaisse les valeurs de la République comme transcendante de sa croyance et s'engage à ne jamais les remettre en cause, parce qu'alors, ce serait tout l'équilibre républicain qui se trouverait compromis.

C'est cela, la République dans son indivisibilité ; (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.) c'est cela la belle idée de la République ; c'est cela que nous devons porter pour nos concitoyens, afin que ceux qui veulent semer la division en France trouvent face à eux la puissance de l'humanisme, des relations humaines, de la fraternité et de la concorde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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