Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UDI-UC) publiée le 15/12/2016

M. Vincent Capo-Canellas interroge Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'utilisation abusive et le détournement des textes européens en matière de salariés détachés par certaines compagnies aériennes. En effet, alors que les compagnies Vueling et Ryanair ont été récemment condamnées par la justice française pour travail dissimulé pour des faits remontant à quelques années, la Commission européenne, à la suite de plaintes déposées auprès d'elle par les compagnies concernées, a ouvert une procédure contre la France et lui demande de reconnaître les formulaires de détachement (dits E101 et E102) délivrés par l'Espagne et l'Irlande pour les personnels de Vueling et Ryanair, au nom du droit européen.
Ce recours aux règles du détachement de salariés par les compagnies aériennes établies dans d'autres pays de l'Union européenne mais qui opèrent au départ de la France, date d'une quinzaine d'années. Si la pratique du recours à ce statut a d'abord pris la forme d'une prestation de service, elle s'est ensuite transformée en une activité habituelle, stable et continue, et, de fait, contraire au cadre juridique du détachement. En effet, les personnels exerçant en France et prétendument détachés d'Espagne par Vueling et d'Irlande par Ryanair, ne résidaient ni en Espagne ni en Irlande, et ne s'y rendaient pas non plus dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ainsi, les règles du détachement ont été détournées de leur finalité initiale afin de profiter du système social le plus avantageux.
Compte tenu de la situation des entreprises légalement basées en France et du pavillon aérien français, il est nécessaire de renforcer les contrôles par les pouvoirs publics de ces transporteurs low cost pour vérifier l'application des règles sociales françaises et l'absence de recours abusif au détachement de salariés.
Ainsi, dans le cadre de l'action de lutte contre les pratiques de dumping social et de concurrence déloyale, il convient de refuser de voir les formulaires E101 et E102 s'appliquer à ces situations de détachements, qui ont un caractère fictif. Au-delà de cette limitation de la portée juridique des formulaires de détachement afin de permettre aux États membres de les écarter en cas d'abus manifeste, il s'agit également d'obliger les compagnies européennes exerçant une activité permanente en France de verser les cotisations Urssaf et des régimes complémentaires de retraite.
En conséquence, il lui demande quelles actions le Gouvernement compte prendre pour lutter contre ces pratiques de dumping social et de concurrence déloyale courantes dans le secteur aérien, notamment de la part des compagnies low cost.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 22/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017

M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adressait en effet à Mme la ministre, mais je me réjouis que vous y répondiez, monsieur le secrétaire d'État, car elle concerne également les règles sociales et leur harmonisation au sein de l'Union. En outre, ma question portant sur l'utilisation abusive et le détournement des textes européens en matière de salariés détachés par certaines compagnies aériennes, une grande partie de la réponse ne pourra être apportée qu'au niveau communautaire.

Alors que les compagnies Vueling et Ryanair ont été récemment condamnées par la justice française pour travail dissimulé pour des faits remontant à plusieurs années, la Commission européenne, à la suite de plaintes déposées auprès d'elle par les compagnies concernées, a ouvert une procédure contre la France et lui demande de reconnaître les formulaires de détachement, dits E101 et E102, délivrés par l'Espagne et l'Irlande pour les personnels de Vueling et Ryanair, en application du droit européen.

Ce recours aux règles du détachement de salariés par les compagnies aériennes établies dans d'autres pays de l'Union européenne, mais qui opèrent au départ de la France, date d'une quinzaine d'années. Si la pratique du recours à ce statut a d'abord pris la forme d'une prestation de service, elle s'est ensuite transformée en une activité habituelle, stable et continue, et, de fait, contraire au cadre juridique du détachement. En effet, les personnels exerçant en France et prétendument détachés d'Espagne par Vueling et d'Irlande par Ryanair ne résidaient ni en Espagne ni en Irlande, et ne s'y rendaient pas non plus dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ainsi, les règles du détachement ont été détournées de leur finalité initiale afin de profiter du système social le plus avantageux.

Compte tenu de la situation du pavillon aérien français, il serait souhaitable de renforcer les contrôles par les pouvoirs publics de ces transporteurs low cost pour vérifier l'application des règles sociales françaises et l'absence de recours abusif au détachement de salariés.

Il conviendrait également, dans le cadre de l'action de lutte contre les pratiques de dumping social et de concurrence déloyale, de refuser de voir les formulaires E101 et E102 s'appliquer à ces situations de détachement, qui ont un caractère fictif.

Au-delà, il s'agit de s'assurer que les compagnies européennes exerçant une activité permanente en France versent les cotisations à l'URSSAF et aux régimes complémentaires de retraite.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles actions le Gouvernement compte-t-il prendre pour lutter contre ces pratiques de dumping social et de concurrence déloyale courantes dans le secteur aérien, notamment de la part de certaines compagnies low cost ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attentif à la question du recours abusif par certaines compagnies aériennes au détachement des salariés pour exercer une activité pérenne sur le territoire national.

Les autorités françaises ont mis en place un cadre juridique pour assujettir aux mêmes règles toutes les compagnies établies en France, dont les compagnies à bas coûts.

Elles ont instauré la notion de « base d'exploitation », à savoir l'ensemble des locaux et infrastructures à partir desquels une compagnie exerce son activité de façon pérenne, là où les salariés prennent leur service et retournent à la fin de celui-ci. C'est la base d'exploitation qui définit le droit du travail applicable. C'est sur ce fondement que les compagnies Vueling et Ryanair ont été condamnées par la justice française pour travail dissimulé et conduites à verser des dommages et intérêts.

Au niveau européen – et c'est en effet à ce niveau qu'il faut encadrer ces pratiques –, la directive de 2014 relative à l'exécution de la directive de 1996 concernant le détachement des travailleurs a permis de renforcer les modalités de mise en œuvre de cette dernière. Ces conditions ne sont cependant pas assez exigeantes et nous soutenons donc la révision de la directive concernant le détachement elle-même, révision qui sera un élément supplémentaire pour mieux lutter contre les abus et détournements.

En matière de protection sociale, les textes européens en vigueur, adoptés sur l'initiative de la France en 2012, prévoient que chaque personnel navigant est rattaché au système de sécurité sociale de l'État membre dans lequel se trouve sa base d'affectation. Dans le cadre de la révision engagée par la Commission des règlements portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la France proposera des modifications des textes en vigueur précisant les modes d'organisation du travail adoptés par certaines compagnies.

Plus généralement, la portée des formulaires attestant de la législation applicable en cas d'inexactitude, voire de fraude, devrait faire l'objet prochainement de précisions par la Cour de justice de l'Union européenne.

Les autorités françaises soutiendront en outre une évolution des dispositions permettant la remise en cause des formulaires qui attestent d'une décision de législation de sécurité sociale erronée ou obtenue par fraude.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Elle témoigne de l'attention que porte le Gouvernement à ce sujet et rappelle la base juridique des condamnations prononcées à l'encontre des compagnies low cost que j'ai citées.

Je prends acte de la mobilisation du Gouvernement sur le « front » européen, dans le cadre de la négociation sur la révision de la directive concernant le détachement.

J'insiste toutefois sur la nécessité de contrôles nationaux effectifs pour vérifier l'application de ces règles par les compagnies. La mobilisation des services de l'État sera, en la matière, particulièrement utile

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