Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 24/02/2017

Question posée en séance publique le 23/02/2017

M. Philippe Bas. Ma question porte sur la situation du service public de la justice en France au terme de ce quinquennat.

Je voudrais partager l'état des lieux qu'est en train de dresser la commission des lois du Sénat, qui enquête depuis plus de six mois sur la situation de la justice française. Celle-ci est grave. J'évoquerai quelques indicateurs qui sont, hélas ! éloquents : le délai moyen de jugement est passé de sept mois à onze mois pour les tribunaux de grande instance, de treize mois à seize mois et demi pour les conseils de prud'hommes ; la moitié seulement des condamnations reçoivent un commencement de mise à exécution dans l'année qui suit le prononcé. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

La politique pénale est un fiasco ! Vous avez renoncé à créer des places de prison et souhaitez vider les prisons (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) en privilégiant une nouvelle politique, celle de la contrainte pénale. Or la contrainte pénale ne représente que 1 000 décisions par an. En revanche, nos magistrats veulent être sévères : ils ont prononcé 130 000 condamnations en 2016 ; n'est-ce pas là un désaveu cinglant ?

La situation de nos prisons est catastrophique et inhumaine. Vous avez suspendu la loi de 2012, qui prévoyait la création de 10 000 places de prison. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une saturation de nos prisons, qui accueillent 68 000 détenus pour 58 000 places. N'est-il pas temps de dresser le constat d'échec de cette politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)


M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas une question, c'est un meeting !

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 24/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 23/02/2017

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Bas, après ce réquisitoire violent,…

M. Philippe Bas. Ce sont des faits !

M. Charles Revet. C'est la réalité !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … je vais essayer de plaider la cause, qui est bonne, du Gouvernement en matière de justice.

Je voudrais tout d'abord citer à mon tour quelques chiffres.

Pour 2017, le budget de la justice, en fonctionnement et en investissement, est en progression de 4,2 %. C'est une hausse exceptionnelle dans le panorama budgétaire de notre pays.

La justice n'est pas lente uniquement parce que la demande de nos concitoyens s'accroît, notamment par suite de la judiciarisation de la société, mais aussi parce que l'on manque de magistrats. Depuis 2012, 2 282 nouveaux magistrats sont passés par l'École nationale de la magistrature et 5 512 nouveaux fonctionnaires de greffe ont été formés à Dijon.

Depuis cette même année, l'augmentation du budget de la justice s'élève à 14 %. La hausse avait commencé sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle avait été très forte pendant cinq ans et s'était poursuivie durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy – reconnaissons-le –, avant de se prolonger sous François Hollande. Mais il y a une grande différence entre le quinquennat de François Hollande et celui de Nicolas Sarkozy, qui tient à l'indépendance de la justice. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. François Grosdidier. Combien de prisons construites ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Il faut bien sûr que la justice reçoive les moyens de fonctionner, mais il faut aussi qu'elle soit indépendante ! Je donnerai trois illustrations de notre volonté de garantir l'indépendance de la justice.

Premièrement, depuis la loi du 25 juillet 2013, aucune instruction individuelle n'a été adressée aux magistrats : notre législation l'interdit.

Deuxièmement, tous les membres du parquet ont été nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui constitue une rupture avec le quinquennat précédent, hormis l'époque où Michel Mercier était à la Chancellerie.

Enfin, la réforme constitutionnelle que nous avons essayé de faire aboutir pour rendre son indépendance au parquet a été bloquée par l'opposition à l'Assemblée nationale et par la majorité sénatoriale.

M. Roger Karoutchi. Quelle hypocrisie !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Bas, on peut toujours dire que la justice va mal, mais elle est de moins en moins lente et elle va de mieux en mieux en termes de fonctionnement et d'investissement.

M. François Grosdidier. Vous avez arrêté de construire des prisons !

Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas des prisons, mais des écoles !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Surtout, elle est indépendante ; souhaitons qu'elle le demeure dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

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