Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 06/07/2017

M. Cédric Perrin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les premières conclusions rendues le 21 février 2017 par la mission d'information sénatoriale sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe ».

Le bilan d'étape de cette mission, constituée afin de procéder à une évaluation des dispositifs de prise en charge de la radicalisation violente, s'avère tout particulièrement inquiétant.

La mission a en effet pointé « la hâte avec laquelle ces programmes de déradicalisation avaient été conçus » et « l'effet d'aubaine financière » qui a donné lieu à un « business de la déradicalisation » auprès de plusieurs associations « recherchant des financements publics en période de pénurie budgétaire (…) sans réelle expérience dans ce secteur ».

Face à l'échec de la politique de prise en charge de la radicalisation, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement en matière d'évaluation des dispositifs mis en place par l'État et les perspectives qu'il entend mettre en œuvre, tant en matière de prévention que de prise en charge des personnes détenues radicalisées ou incarcérées pour actes de terrorisme liés aux filières islamistes.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/08/2018

L'actualité de la lutte contre la radicalisation violente, définie comme l'association d'une idéologie extrémiste à une action violente, est aujourd'hui centrée sur sa forme religieuse autour de l'islamisme radical. L'ampleur du phénomène des départs de ressortissants français en Syrie et en Irak, générateur d'une menace terroriste inédite dans notre pays, appelle au-delà des réponses pénales traditionnelles, au développement de politiques de détection et de prévention renouvelées. À cet égard, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) est au sein du ministère de la justice à l'initiative de nombreuses mesures visant à améliorer la prévention de la radicalisation violente. C'est ainsi que par une circulaire du 5 décembre 2014 elle a instauré au sein de chaque juridiction des « magistrats référents pour le suivi des affaires de terrorisme et la prévention de la radicalisation violente ». Point de contact local privilégié du parquet de Paris et de l'autorité préfectorale, ce référent a en effet vocation, au niveau de la juridiction, à centraliser les questions susceptibles d'être en lien avec la problématique de la radicalisation violente afin d'assurer un partage et une circulation de l'information efficients. Au soutien de leur action, une quarantaine d'« assistants spécialisés » a été recrutée afin de soutenir l'action du ministère public dans le domaine de la prévention de la radicalisation. Assurant une mission de veille au sein des juridictions, ces assistants spécialisés sont amenés à recevoir les éléments issus de l'activité des différents services de la juridiction susceptibles de révéler un phénomène de radicalisation afin d'alerter les services compétents et de mettre en place des actions de prévention adaptées. Le ministère de la justice, dans le cadre des orientations du « Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation », a décidé en septembre 2017 la constitution d'un groupe de travail ayant pour mission d'élaborer des propositions de mesures destinées à renforcer le dispositif existant en matière de lutte contre la radicalisation. Ce groupe, dont l'action sera coordonnée par le Secrétariat général, sera composé de membres de la DACG, de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) mais également d'acteurs judiciaires opérationnels membres du parquet de Paris, de l'instruction et de l'application des peines. L'objectif poursuivi est de parvenir à renforcer et à diversifier les modalités de prise en charge des personnes placées sous main de justice présentant un risque terroriste ou une problématique de radicalisation et plus spécifiquement de réfléchir au public susceptible d'être accueilli au sein des « centres de prise en charge individualisée pour des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation, placées sous main de justice ». La direction de l'administration pénitentiaire (DAP) est également un acteur de premier plan dans la lutte contre les phénomènes de radicalisation. La DAP a ainsi mis en œuvre d'importants moyens, dès 2015, tant d'un point de vue budgétaire qu'immobilier, afin d'expérimenter des prises en charge spécifiques des personnes placées sous-main de justice radicalisées, prévenues ou condamnées. Ces actions sont aujourd'hui développées à travers divers dispositifs en cohérence avec le « plan national de prévention de la radicalisation » (PNPR) du 23 février 2018. La première de ces actions consiste à accroître les capacités d'évaluation pluridisciplinaire des détenus radicalisés à travers le développement des « quartiers d'évaluation de la radicalisation » (QER). Quatre QER ont ainsi été ouverts à Osny, Fresnes, Fleury-Mérogis et Vendin. Les équipes pluridisciplinaires de ces QER bénéficient d'une formation spécifique aux enjeux de la radicalisation violente (fait religieux, géopolitique, signaux faibles et forts de radicalisation) et aux outils d'évaluation. À l'issue de sessions d'une durée de 17 semaines, les personnes détenues évaluées peuvent être affectées dans des unités étanches. Enfin, la DAP a renforcé la prise en charge de ces publics en milieu ouvert en développant une prise en charge spécifique qui a pour mission de favoriser le désengagement de la violence extrémiste et la réinsertion sociale des personnes. Le premier dispositif, RIVE, de compétence francilienne, propose un accompagnement pluridisciplinaire, intensif, individualisé et évolutif pour des publics sous main de justice en milieu ouvert poursuivis ou condamnés pour des faits de nature terroristes ou repérés comme radicalisés. Ce dispositif est actuellement en cours d'évaluation, le déploiement de trois nouveaux centres sur ce modèle étant prévu à court terme.

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