Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UDI-UC) publiée le 06/07/2017

M. Loïc Hervé attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les difficultés auxquelles sont confrontés des élus locaux de la Haute-Savoie quant à l'accueil des gens du voyage en raison de leur non-respect de la règlementation en vigueur, et alors même que les collectivités ont engagé de lourds investissements pour satisfaire aux obligations posées par la loi.

En effet, appréciée pour sa richesse économique et ses attraits touristiques, ainsi que par la proximité de Genève, la Haute-Savoie est un des départements français les plus prisés tant par les petits groupes de voyageurs que par les organisateurs de grands rassemblements estivaux de caravanes qui sillonnent, de mai à septembre, les routes de France.

Lors de leurs déplacements, ni les aires d'accueil, ni les terrains de grands passages définis dans le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage (SDAGV) ne sont respectés. Il est de plus en plus fréquent que des groupes non annoncés et composés d'un grand nombre caravanes - jusqu'à plus de 100 - investissent, sans autorisation et en toute illégalité, des propriétés publiques ou privées.

Ces campements illicites conduisent, d'une part, à des conditions de vie indécentes pour les voyageurs, et d'autre part, engendrent des troubles à l'ordre public, à la sécurité et à la salubrité publique. Ces difficultés touchent alors toute la population et notamment le tissu économique des territoires concernés.

Il est fréquent que les situations dégénèrent et des altercations très violentes se sont produites entre gens du voyage, riverains, agriculteurs, élus et forces de l'ordre. En raison du comportement inadmissible de ces groupes irrespectueux des lois de la République, les élus haut-savoyards craignent très sérieusement qu'un drame ne se produise si l'État ne prend pas les mesures urgentes et appropriées pour gérer ces situations.

Certes, la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et les lois successives nº 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, complétées par certaines dispositions prises récemment dans le cadre de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, permettent au préfet de procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles en stationnement illicite, mais, par manque de moyens, les forces de l'ordre sont souvent dans l'incapacité d'agir efficacement.

Les réflexions conduites par des associations d'élus et de représentants de gens du voyage montrent qu'il est nécessaire de clarifier et d'actualiser les textes ne répondant plus aux préoccupations actuelles : les gens du voyage veulent un statut proche du droit commun qui préserve leur mode de vie, et les élus souhaitent que les procédures simplifiées d'expulsion puissent être mise en œuvre rapidement et efficacement en cas d'occupation illicite.

Par ailleurs, les difficultés rencontrées avec le mode de vie des gens du voyage doivent trouver aussi une solution avec l'accès facilité au service public de l'éducation des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs.

Toutefois, les dispositifs et aménagements spécifiques prévus par la circulaire n° 2012-142 du 2 octobre 2012 peinent à se mettre en place, ce qui freine l'inclusion de ces élèves en classes ordinaires, qui constitue pourtant la modalité principale de scolarisation recherchée.

C'est pourquoi, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement à faire évoluer la situation actuelle de l'accueil des gens du voyage qui nourrit l'incompréhension des élus et des populations et engendre chez eux de fortes et légitimes attentes.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 26/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 25/07/2017

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne la situation de l'accueil des gens du voyage dans le département de la Haute-Savoie et s'adresse à Mme la ministre auprès de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Madame la ministre, mon interpellation de ce matin s'inscrit au cœur d'une actualité criante dans l'ensemble du territoire départemental, du Chablais à la frontière genevoise, de la vallée de l'Arve aux bords du lac d'Annecy ou dans l'Albanais. J'y associe d'ailleurs bien volontiers mes collègues Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat, présents tous les deux ce matin pour entendre votre réponse.

Sur le terrain, les habitants, les entreprises et les agriculteurs subissent les effets des installations illicites quand les forces de l'ordre et les élus ne sont plus en mesure de maîtriser la situation. Celle-ci révèle notre incapacité collective à agir, elle décrédibilise l'action de l'État et celle de la justice, tout cela alors que ce phénomène prend une ampleur considérable, partout et de manière récurrente.

Les élus locaux ont mis en place, à grands frais, tant en investissement qu'en fonctionnement, des aires d'accueil pour les petits et les grands passages. Même si ces obligations sont issues de la loi et du schéma départemental, ils ont eu besoin d'un grand courage politique pour faire passer de telles décisions – je parle ici en connaissance de cause, comme maire et président d'intercommunalité.

À l'heure où je vous parle, il me semble pertinent de revisiter la loi Besson, de requalifier certaines incriminations pénales et de simplifier les procédures administratives et judiciaires.

Madame la ministre, nous sommes en plein été et la Haute-Savoie connaît une activité touristique importante, l'un des piliers de notre économie dans cette région frontalière et de montagne.

Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre en la matière dans les mois qui viennent ? Quel travail pouvons-nous construire ensemble, en nous fondant sur la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Claude Carle ou sur celle que je vais déposer cette semaine ?

Par ailleurs, au moment où la Haute-Savoie connaît une situation aussi critique, quels moyens pourraient être alloués par le ministère de l'intérieur pour y remédier ? (MM. Cyril Pellevat et Jean-Claude Carle applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, cher Loïc Hervé, vous m'alertez sur la situation problématique des occupations illicites de terrains par les gens du voyage en Haute-Savoie, cet été. L'installation d'un certain nombre de groupes au comportement irrespectueux sur des terrains agricoles ou sur des zones industrielles, situés parfois à proximité des zones d'habitation, suscite évidemment des tensions avec la population. Ce sort n'est évidemment pas réservé à la Haute-Savoie, mais je suis en l'occurrence interrogée par un élu de ce département.

Ces installations illicites entretiennent la confusion, voire l'amalgame, entre ces groupes et la majorité des gens du voyage, qui s'installent sur les aires d'accueil dédiées et ne provoquent pas de troubles. Bien sûr, quand les gens du voyage respectent la loi, il faut également les respecter et leur permettre de s'installer sur les aires d'accueil. Ainsi, au mois de juin, le préfet a été obligé de réquisitionner des engins du service départemental d'incendie et de secours, le SDIS, pour permettre l'accès à une aire dédiée, bloquée par le maire et des agriculteurs. Ce n'est pas normal et, évidemment, nous soutiendrons les préfets lorsque certains essaieront de faire ainsi obstacle à l'accès à des aires dédiées.

Dans le même temps, il faut pouvoir effectivement lutter contre les occupations illicites. En Haute-Savoie, les demandes d'expulsion à la suite d'une occupation illicite ont augmenté de 50 % depuis un an. Les outils juridiques disponibles doivent être utilisés au maximum, et je demande aux préfets d'agir en ce sens : vous pouvez compter sur moi. Je vous rappelle toutefois que l'évacuation des occupants illicites est conditionnée, pour la commune demandeuse, au fait d'avoir satisfait à ses obligations au titre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage – c'est tout à fait le cas en Haute-Savoie, mais je le précise pour le cas général.

Quant à notre cadre juridique, dont vous demandez l'adaptation au mode de vie des gens du voyage, je dois rappeler qu'il a beaucoup évolué. La loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a ainsi abrogé tout titre de circulation, un progrès demandé depuis longtemps, et a prévu une adaptation des obligations des collectivités locales pour tenir compte de la sédentarisation de certains groupes. Nous sommes en train de prendre les décrets d'application de cette loi. Nous en tirerons ensuite toutes les conséquences et apprécierons s'il faut modifier à nouveau, comme vous le demandiez, le cadre légal.

J'aurai le plaisir, monsieur le sénateur, de vous recevoir jeudi, ainsi que vos collègues Cyril Pellevat et Jean-Claude Carle, ici présents, de même que d'autres élus de Haute-Savoie puisqu'une demande forte émane de votre département. Avec ces représentants, y compris le président de la chambre d'agriculture et le président de l'association des maires de Haute-Savoie, nous verrons s'il y a lieu d'envisager de légiférer à terme sur ce problème que vous évoquez pour la Haute-Savoie, mais qui existe dans d'autres départements.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Nous savons que vous connaissez bien, madame la ministre, ce dossier des gens du voyage, grâce au travail que vous avez accompli au cours de votre carrière politique, notamment à l'Association des maires de France. Je vous remercie de votre écoute.

Nous avons besoin d'être mieux compris et nous avons besoin d'action. Nous savons que nous pouvons compter sur vous pour que les choses aillent plus vite. Tel est le souhait de la délégation d'élus locaux et d'agriculteurs que nous accompagnerons, en tant que parlementaires, au ministère de l'intérieur, où vous la recevrez jeudi prochain : aller plus vite pour trouver des solutions concrètes. Nous attendons beaucoup de cette rencontre, qui nous permettra de faire un point sur la situation, que vous connaissez déjà parfaitement, et d'envisager les solutions qui devront être apportées cette année.

Toutefois, soyons bien clairs, si les objectifs du schéma départemental sont atteints dans l'essentiel du territoire de la Haute-Savoie, jamais notre département ne pourra accueillir tous les groupes de voyageurs qui voudraient s'y installer. Il y a donc une incompatibilité entre la volonté des groupes qui viennent s'installer et nos capacités d'accueil, quand bien même elles seraient conformes à la loi. Il faut donc une réponse collective ferme et des évolutions législatives. Je sais que vous saurez accueillir avec bienveillance les propositions qui vous seront faites par Jean-Claude Carle, Cyril Pellevat et moi-même en ce domaine.

Pour la fin de l'année, il nous faut des moyens, mais vous avez pris un engagement en la matière, madame la ministre, et je vous en remercie. (MM. Cyril Pellevat et Jean-Claude Carle applaudissent.)

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