Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - Socialiste et républicain) publiée le 13/07/2017

M. Philippe Madrelle attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les difficultés rencontrées à la suite de l'épisode de gel des 25 et 26 avril 2017 par les viticulteurs, en particulier ceux qui nombreux maintiennent de petites exploitations. Les premières estimations des effets de cet épisode désastreux sont en cours mais sur le terrain les viticulteurs constatent déjà les dégâts irréversibles subis par leurs vignes, et pour certains la récolte sera très insuffisante, tandis que pour d'autres tout espoir de récolte est perdu. Comme il a été rappelé le 22 juin 2017 (Journal officiel des questions du Sénat, p. 2024) en réponse à la question écrite n° 25824 du 11 mai 2017, les pertes de récoltes dans le domaine viticole sont assurables. À ce titre, elles ne relèvent pas immédiatement du régime de calamités agricoles et l'État encourage le développement d'une assurance récolte. Pourtant, nombre de ces exploitants, sur ces petits domaines viticoles, n'ont pu, car la dépense ne leur était pas possible pour des raisons très simplement économiques, prendre les assurances qui leur permettraient aujourd'hui de couvrir les pertes liées à ces nuits de gel du mois d'avril. Le secteur viticole a besoin de ces petites exploitations, terres de diversité et d'innovation et source de dynamisme de ce monde rural trop souvent oublié. Il faut les aider à dépasser cette épreuve par la solidarité nationale afin qu'ils puissent continuer à faire vivre leur exploitation, leurs familles et notre ruralité, dans les années qui viennent et préparer les récoltes à venir. Il lui demande quelles mesures exceptionnelles il compte prendre pour soutenir ces exploitations en difficulté et pourtant indispensables à l'équilibre du secteur viticole et du monde rural.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 26/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 25/07/2017

M. Philippe Madrelle. Au lendemain des épisodes catastrophiques de gel des nuits des 27 et 28 avril derniers, qui ont frappé l'ensemble des appellations du vignoble bordelais – plus de 100 000 hectares en Gironde ont été touchés –, ainsi que d'autres régions viticoles du pays, les services de l'État, la région, le département, les chambres d'agriculture, les organisations professionnelles agricoles et viticoles se sont mobilisés afin d'accompagner au mieux les agriculteurs et les viticulteurs sur l'ensemble du territoire régional.

Au-delà des conséquences économiques et sociales auxquelles cette mobilisation générale a tenté d'apporter des réponses, il a été admis que cet épisode de gel a montré l'absolue nécessité d'un développement de la couverture assurantielle pour les viticulteurs.

Devant la multiplication des aléas climatiques, les viticulteurs, mais également tous les autres agriculteurs, doivent intégrer la gestion des risques dans la conduite de leur exploitation : le gel et la grêle sont des risques assurables non négligeables devant être intégrés de façon prioritaire dans la réflexion économique sur le développement des entreprises viticoles.

Si les systèmes d'assurance proposés ne correspondent pas forcément aux attentes des viticulteurs, en particulier à celles des propriétaires de petites exploitations, ils restent le meilleur rempart face à une telle catastrophe économique.

En Gironde, seuls 20 % des viticulteurs sont assurés et peuvent le faire : cette très faible proportion traduit les imperfections, les insuffisances et, surtout, le coût exorbitant du système assurantiel actuel. Les tarifs très élevés, conjugués à un taux de franchise de 25 %, n'autorisent pas les petits propriétaires à se protéger contre les risques. Comme le souligne Bernard Artigue, président de la chambre d'agriculture de la Gironde, « il est primordial de remettre sur la table tous les éléments pour améliorer le système d'assurance d'ici à la prochaine campagne et de le rendre plus attractif ».

Monsieur le ministre, je me dois d'être le porte-parole à cette tribune de trop nombreux viticulteurs de la Gironde qui doivent faire face à une situation préoccupante en multipliant les efforts pour maintenir l'activité de leur exploitation et contribuer ainsi à la survie de nos territoires ruraux. Vous reconnaîtrez que, pour ces viticulteurs, les tarifs prohibitifs de l'assurance représentent un frein à la souscription. Seule la solidarité nationale est en mesure de redonner espoir à toute une profession !

À la suite de cet épisode catastrophique, quelle réponse pensez-vous pouvoir apporter à ces viticulteurs en grande souffrance ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je voudrais tout d'abord rendre hommage au secteur viticole français, qui porte l'image de notre pays à travers le monde.

Durant le mois d'avril 2017, la France a connu deux épisodes de gel qui ont affecté un grand nombre de régions et différents types de productions.

Plusieurs dispositifs peuvent déjà être mobilisés dans les différentes filières : recours à l'activité partielle pour les salariés, dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti si les pertes sont avérées, demande de report du paiement des cotisations sociales auprès des caisses.

Par ailleurs, afin de prendre en compte le caractère spécifique de la viticulture, le dispositif de prise en charge partielle par l'État à hauteur d'un tiers des frais de restructuration des prêts professionnels vient d'être élargi aux viticulteurs et prolongé jusqu'au 31 décembre 2017.

Les viticulteurs ont également accès au dispositif de prise en charge du coût de la garantie bancaire octroyée pour les prêts de restructuration de l'endettement bancaire ou de renforcement du fonds de roulement, qui est également prolongé jusqu'au 31 décembre 2017.

Si les pertes de récolte ne sont pas éligibles au régime d'indemnisation des calamités agricoles, les pertes de fonds consécutives à une taille sévère ou à la mortalité des jeunes ceps peuvent malgré tout être indemnisées.

Les préfets réuniront prochainement les comités départementaux d'expertise pour que ces derniers rendent leur avis sur le caractère de calamité agricole des dommages. Si le caractère exceptionnel des variations de température est confirmé, je reconnaîtrai rapidement le caractère de calamité agricole.

En outre, des mesures de gestion de crise complémentaires destinées au secteur viticole sont également développées pour conforter la résilience des exploitations. Il en est ainsi de la possibilité, pour les viticulteurs affectés par des sinistres climatiques, d'acheter dans certaines conditions des vendanges à d'autres producteurs afin de compléter leur récolte.

Sur le plan plus général de l'équilibre des marchés, le secteur viticole et celui des spiritueux sont de formidables moteurs pour faire rentrer des devises dans l'économie française. L'un et l'autre assurent une part très importante de l'excédent commercial français. L'état des lieux de notre agriculture qui a été dressé jeudi 20 juillet, lors du lancement des états généraux de l'alimentation, l'a démontré. Il faut néanmoins souligner que les importations françaises de vin sont en augmentation. C'est notamment le cas pour les vins espagnols, et cela déstabilise parfois nos marchés.

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Stéphane Travert, ministre. Je rencontrerai, à l'issue de cette séance au Sénat, la ministre espagnole de l'agriculture lors d'un « comité mixte franco-espagnol ». Cet espace de concertation nous permettra, je le souhaite, de construire des positions communes pour préserver nos marchés et le fruit du travail de nos viticulteurs.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Vous avez rappelé tous les dispositifs pouvant être mobilisés pour faire face aux difficultés économiques. J'insiste néanmoins : il est urgent de revoir le fonctionnement de l'assurance récolte si l'on veut éviter de nouveaux drames dans le secteur viticole.

Aujourd'hui, le dispositif n'est pas abouti, puisque seulement 1 600 viticulteurs sur 8 000 sont couverts. Il convient donc, par des mesures simples, d'inciter les vignerons à souscrire massivement ces assurances. C'est la voie dans laquelle le Gouvernement doit s'engager !

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