Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 13/07/2017

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les chiffres catastrophiques de l'illettrisme en région Picardie et plus précisément dans l'Aisne, qui vont croissant, d'année en année. Dans ce département, les jeunes en difficulté de lecture représentaient, en 2009, 8,3 %, puis 16 % en 2014, 16,73 % en 2015 et maintenant 17,7 %, à comparer au taux de 10,8% de moyenne nationale. Ces chiffres, qui émanent des tests menés auprès des 16-25 ans lors de la journée défense et citoyenneté, sont inacceptables dans une société où l'instruction est obligatoire. Il apparaît, constat toujours identique depuis plusieurs années, que plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l'éducation est faible. Il avait été annoncé, pour l'académie d'Amiens « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017, qui comprend notamment des actions de formation d'envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l'intention des jeunes ». En cette fin d'année scolaire 2016-2017, force est de constater l'échec patent de notre système scolaire qui laisse sur le bord du chemin tant d'élèves, qui seront des adultes véritablement handicapés de la vie courante et en souffrance permanente. En septembre 2016, le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) a rendu publique une étude, passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives au titre troublant : « Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ». N'est-il pas temps de s'inspirer de nos voisins du Nord de l'Europe, de l'Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d'illettrisme plafonnent à environ 3,5 % de la population : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de 15 élèves maximum, une pédagogie tenant compte des niveaux différents dans la même classe etc..
Il lui demande donc de revoir, dans les plus brefs délais, les méthodes d'apprentissage de la lecture, ainsi que celles relatives au dépistage précoce des enfants en difficulté.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 17/01/2018

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2018

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, il s'agit là, de ma part, d'une question récurrente.

En 2010, puis en 2015, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer le dossier de l'illettrisme dans le département de l'Aisne, dont je suis l'élu. Nous sommes en 2018, et il nous faut revenir sur ce sujet sensible pour essayer d'avoir, à tout le moins, une écoute compréhensive, à défaut d'avoir obtenu des réponses rassurantes depuis toutes ces années ! Mais il paraît que nous sommes entrés dans une nouvelle ère…

Je vous cite, monsieur le ministre : « La première inégalité est celle du langage et du vocabulaire. » Or les chiffres de l'illettrisme en région Hauts-de-France, et plus précisément dans le département de l'Aisne, sont catastrophiques et vont croissant d'année en année.

Dans ce département, le taux de jeunes en difficulté de lecture a crû, passant de 8,3 % en 2009 à 16 % en 2014, avant d'atteindre 16,73 % en 2015 et 17,7 % aujourd'hui : ce taux doit être comparé à la moyenne nationale, qui s'élève à 10,8 %. Ces chiffres émanent des tests menés auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans lors de la journée défense et citoyenneté. Ils sont inacceptables dans une société où l'instruction est obligatoire.

Il apparaît, constat identique depuis plusieurs années, que, plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l'éducation est faible.

Pour l'académie d'Amiens, on avait annoncé « des efforts importants entrepris, traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017 », comprenant notamment « des actions de formation d'envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l'intention des jeunes ».

Le décalage dont souffre la Picardie, et plus particulièrement l'Aisne, par rapport à la situation nationale ne s'est pas estompé en l'espace de quinze ans.

Plus largement, il en est de même pour le niveau des diplômes. En 2013, lors du dernier recensement de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, 37 % de la population des Hauts-de-France ne possédait pas de diplôme, et 39 % de ses habitants étaient titulaires du seul baccalauréat.

En septembre 2016, le Conseil national d'évaluation du système scolaire, le CNESCO, a rendu publique une étude passant au crible vingt ans de politiques publiques éducatives, rapport au titre troublant : Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ?

Dernière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui seront de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d'assumer dignement l'entretien d'une famille.

N'est-il pas temps de nous inspirer de nos voisins du nord de l'Europe, de l'Allemagne, voire de la Corée, dont les taux d'illettrisme plafonnent à environ 3,5 % de la population ? Leurs méthodes sont connues : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, pédagogie tenant compte des différents niveaux dans la même classe, etc.

Monsieur le ministre, je sais qu'après l'élection présidentielle de mai 2017 vous avez aussitôt décidé de dédoubler les classes primaires dans les zones défavorisées, et nous vous en louons.

J'ai bien entendu votre réponse lors de l'examen du budget 2018, pour ce qui concerne la détection et la prévention des élèves atteints de troubles « dys » par une médecine scolaire revalorisée et opérationnelle. Je vous remercie d'ailleurs de nous indiquer l'état de mise en œuvre de cette volonté.

Par ailleurs, il était temps de faire un effort vers les bibliothèques dans ces régions où les difficultés de lecture sont grandes. Le projet de loi de finances pour 2018 nous en donné l'occasion, au Sénat,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Antoine Lefèvre. … où une rallonge de 8 millions d'euros a été annoncée.

Je rappelle un dernier chiffre : plus de 15 % de ces élèves sont en décrochage scolaire.

Ce constat alarmant demande des décisions drastiques et des moyens adéquats. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous en donner la teneur.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Lefèvre, je sais à quel point le problème que vous soulevez et le diagnostic que vous dressez sont réels. Je suis totalement mobilisé pour y répondre.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres que vous avez cités : ils sont en effet alarmants. L'académie d'Amiens en général, et en particulier le département dont vous êtes l'élu, sont spécialement touchés par le phénomène de l'illettrisme. Nous devons donc placer ce sujet au cœur de nos priorités.

Comme vous le savez, cette question des savoirs fondamentaux, « lire, écrire, compter et respecter autrui », que chaque enfant doit acquérir à l'école primaire, vaut pour toute la France, particulièrement pour les territoires que l'on peut considérer comme étant en retard à ce titre.

La première des réponses, mais ce n'est pas la seule, est – vous l'avez rappel頖 le dédoublement des classes de cours préparatoire en REP+.

Dans le département de l'Aisne, dès la rentrée 2017, ces nouvelles dispositions en éducation prioritaire ont représenté le dédoublement de 50 classes de CP en REP+, avec des effectifs moyens de 12 élèves par classe. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 supplémentaires en REP+, ainsi que 100 classes de CP en REP, seront concernées.

Ces chiffres montrent l'importance de l'effort engagé : plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'élèves en bénéficieront. Ainsi, on pourra traiter à la racine les problèmes rencontrés.

En parallèle, plusieurs mobilisations sont prévues, dont certaines étaient mentionnées dans votre question.

L'école maternelle va faire l'objet d'une réflexion et de transformations, afin qu'elle soit, plus encore qu'aujourd'hui, l'école de l'épanouissement et de l'apprentissage du langage. Vous le savez, au mois de mars prochain auront lieu des assises de la maternelle, qui seront présidées par Boris Cyrulnik. (M. Antoine Lefèvre acquiesce.) Ces dernières vont nous permettre de prendre, dès la rentrée prochaine, un certain nombre de mesures en faveur de l'école maternelle.

En outre, les évaluations prévues seront des outils au service des progrès des élèves : celle de début de CP permettra notamment de déployer des stratégies personnalisées et adaptées pour chaque élève de CP.

Un ensemble d'outils pédagogiques consacrés à l'apprentissage de la lecture sera bientôt mis à la disposition des enseignants ; un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles sera organisé.

Une action interministérielle, menée notamment avec ma collègue ministre de la culture, sera également mise en œuvre en faveur du livre et de la lecture. Les bibliothèques des écoles, auxquelles vous avez fait référence, doivent bel et bien être renforcées, en partenariat avec les communes concernées.

Vous le savez, l'académie d'Amiens est particulièrement mobilisée sur ces questions. Je m'y suis déjà rendu à plusieurs reprises depuis ma prise de fonctions, avec une priorité clairement affichée, à savoir l'acquisition des savoirs fondamentaux et la prise en charge de la maîtrise de la langue. Cela s'est traduit par l'instauration de modules de formation continue des enseignants. J'ai d'ailleurs tenu à assurer moi-même l'introduction d'un de ces modules.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons également mis en place le réseau des observatoires locaux de la lecture, ou ROLL, mené par Alain Bentolila, qui regroupe 590 enseignants et dont les premiers résultats sont extrêmement encourageants.

Je citerai enfin l'expérimentation de la Machine à Lire.

Le temps me manque pour vous exposer toutes les actions entreprises en la matière, mais je puis vous assurer de toute mon attention en faveur du département de l'Aisne et de l'académie d'Amiens.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je suis heureux que cette question, posée l'an dernier, vous ait permis de présenter ces différents dispositifs.

Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales, où l'enjeu existe également. (M. le ministre le concède.)

Enfin, il importe d'œuvrer à l'attractivité de certaines académies et à la mobilité entre ces dernières. Je relève que, à Amiens, à peine 10 % des enseignants sont agrégés.

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