Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - Socialiste et républicain) publiée le 13/07/2017

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les cancers de l'amiante.
Les cancers de l'amiante sont des maladies graves et d'ici à 2025, ce sont 100 000 personnes qui risquent de décéder du fait de leur exposition à l'amiante.
Ceux qui, par une négligence coupable, n'auront pas permis d'éviter ce drame doivent être jugés et condamnés. Or, aujourd'hui dans une vingtaine de dossiers déposés avec le soutien de l'association nationale de défense des victimes de l'amiante, les conclusions de l'instruction en juin 2017 ouvrent la voie vers un non-lieu et donc vers l'absence de procès.
Les juges estiment qu'il est impossible de dater le moment de la commission de la faute et donc d'en imputer une responsabilité. Cette décision est particulièrement grave pour les victimes de l'amiante, qui sont en droit d'attendre à la fois réparation et transparence absolue sur les négligences constatées.
Les industriels qui ont sciemment prolongé l'utilisation d'un matériau qu'ils savaient mortel, ceux qui ont laissé faire et les lobbyistes du comité permanent de l'amiante qui ont milité contre l'interdiction, doivent être jugés.
Il est arrivé que des décisions et des orientations délibérées aient été prises par des décideurs économiques en pleine conscience des dégâts humains et environnementaux qu'elles impliquaient. En conséquence, ces crimes industriels doivent être impérativement instruits et jugés en tenant compte de la gravité des fautes commises.
Toutes les leçons de cette catastrophe doivent être tirées afin que nos enfants et nos petits-enfants ne connaissent jamais plus de telles tragédies.
Car, au-delà de la question de l'amiante, cela pourrait signifier que pour d'autres produits employés actuellement dans l'industrie, et par exemple pour les pesticides, les mêmes décisions juridiques pourraient être rendues dans vingt ou trente ans.
Notre démocratie traversant une période de grande fragilité, les prises de position sur un sujet aussi sensible sont attendues avec impatience et espérance.
Partant du principe que les pollueurs de l'amiante, comme les pollueurs de tout autre produit dangereux, devraient être les payeurs, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce sujet sensible de santé publique.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 26/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 25/07/2017

M. Yannick Vaugrenard. Les cancers de l'amiante sont des maladies graves et, d'ici à 2025, 100 000 personnes risquent de décéder pour avoir été exposées à l'amiante.

Ceux qui, par une négligence coupable, n'auront pas permis d'éviter ce drame doivent être jugés et condamnés. Or, aujourd'hui, pour une vingtaine de dossiers déposés avec le soutien de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, les conclusions récentes de l'instruction ouvrent la voie vers un non-lieu, et donc vers une absence de procès. Les juges estiment qu'il est impossible de dater le moment de la commission de la faute, et donc d'imputer celle-ci à quiconque.

Cette décision est particulièrement grave pour les victimes de l'amiante, qui sont en droit d'attendre réparation mais aussi transparence absolue sur les négligences constatées. Les industriels qui ont sciemment prolongé l'utilisation d'un matériau qu'ils savaient mortel, ceux qui ont laissé faire et les lobbyistes du comité permanent amiante, qui ont milité contre l'interdiction, doivent être jugés. Il est arrivé que des décisions et des orientations aient été prises par des décideurs économiques en pleine conscience des dégâts humains et environnementaux qu'elles impliquaient. En conséquence, ces crimes industriels doivent être impérativement instruits et jugés en tenant compte de la gravité des fautes commises.

Toutes les leçons de cette catastrophe doivent être tirées afin que nos enfants et nos petits-enfants ne connaissent jamais plus de telles tragédies.

Car, au-delà de la question de l'amiante, cela pourrait signifier que pour d'autres produits que l'on emploie aujourd'hui dans l'industrie, ou encore pour les pesticides, par exemple, nous serions susceptibles d'avoir les mêmes décisions juridiques dans vingt ou trente ans. Ce n'est pas possible !

Madame la ministre, notre démocratie, vous le savez, traverse une période de grande fragilité. C'est pourquoi les prises de position sur un sujet aussi sensible sont attendues avec impatience et une forme d'espérance.

Partant du principe que les pollueurs par l'amiante, comme les pollueurs par tout autre produit dangereux, devraient être les payeurs, je souhaite savoir, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet sensible de santé publique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'interpeller sur cette question de santé publique. Vous le savez, l'amélioration de la prévention est la priorité de ma feuille de route.

Vous interrogez le Gouvernent sur les cancers liés à l'amiante. Comme vous le rappelez, la justice a été saisie, et il ne m'appartient pas de commenter ses décisions.

Il est très important d'indemniser les victimes pour le préjudice qu'elles ont subi. C'est la raison pour laquelle le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, a été créé voilà plus de quinze ans. La branche accidents du travail-maladies professionnelles indemnise les maladies liées à l'amiante à hauteur de près de 2 milliards d'euros par an.

Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique, puisque l'exposition aux fibres d'amiante est aujourd'hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail, hors accidents du travail. Chaque année, entre 4 000 et 5 000 nouveaux cas de maladies liées à l'amiante sont détectés, dont environ 1 000 cancers. Il s'agit d'une maladie à déclaration obligatoire, qui fait l'objet d'un suivi très particulier par l'Agence nationale de santé publique. Ce suivi a été récemment réorganisé, notamment pour permettre une surveillance exhaustive des mésothéliomes, afin de pouvoir réagir à cette « épidémie » de pathologies liées à l'amiante, d'affiner notre connaissance de l'évolution de ces maladies et d'améliorer la recherche.

Depuis l'interdiction de l'usage de l'amiante, de nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont été adoptées pour protéger le mieux possible les travailleurs.

La mise en œuvre du plan interministériel sur l'amiante témoigne de la mobilisation des gouvernements successifs sur ce sujet. Elle favorise des actions concertées entre les administrations impliquées. Les travaux s'organisent autour de cinq axes : renforcer et adapter l'information des professionnels ; améliorer et accélérer la professionnalisation ; faciliter et accompagner la mise en œuvre de la réglementation liée à l'amiante ; soutenir et promouvoir les démarches de recherche et de développement sur l'amiante ; se doter d'outils de connaissance, de suivi et d'évaluation.

Depuis peu, un site interministériel dédié à l'amiante est accessible sur le portail du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Il est également possible de consulter le bilan de la mise en œuvre des actions de ce plan interministériel sur ce portail.

Votre question, monsieur le sénateur, va bien au-delà : comment prévenir de nouveaux scandales liés à l'exposition à d'autres produits toxiques ?

S'agissant des produits phytopharmaceutiques, les règles d'évaluation des risques et de mise sur le marché sont définies dans un cadre réglementaire européen. Il convient de vérifier que la liste des produits à risque est régulièrement mise à jour en fonction des progrès des connaissances. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, a été mobilisée à ce propos très récemment par le ministre de la transition écologique et solidaire et par moi-même.

Je tiens à vous assurer que l'État prendra toutes ses responsabilités et édictera les mesures nécessaires pour éliminer progressivement l'utilisation des pesticides dans l'environnement. Sachez également que, dans ma stratégie nationale de santé, qui vise à promouvoir la prévention, les questions de santé liées à l'environnement seront prioritaires. Je travaille sur ces questions en lien étroit avec le ministre de la transition écologique et solidaire. Vous connaîtrez le détail de cette stratégie nationale de santé d'ici à la fin de l'année.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse très complète et de l'attention que vous avez portée à ma question.

Vous avez abordé le présent et l'avenir ; je comprends et apprécie votre volonté d'éviter que de tels drames ne se reproduisent, mais il y a aussi un passé, qui a été source de tristesse et, parfois, de détresse, humaine et financière. J'entends bien que vous ne pouvez pas commenter les décisions de justice, mais, lorsqu'il y a injustice, l'État doit jouer complètement son rôle. Il n'est pas normal que les pollueurs de la santé ne soient pas les payeurs des conséquences d'actes dont ils connaissaient d'avance la portée. La justice, parce que ces actes ne sont pas datés, considère qu'elle n'a pas à intervenir. Il faut revoir cela, afin que nous puissions dire demain à nos enfants et petits-enfants : « Plus jamais ça ! ».

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