Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 03/08/2017

M. Mathieu Darnaud attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation des collectivités territoriales, en particulier des communes ou de leurs centres communaux d'action sociale, qui sont amenées à confier la gestion d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPAD) à un opérateur tiers, souvent à statut associatif ou mutualiste. Même lorsqu'ils sont habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, ces établissements accueillent dans une proportion significative, voire majoritaire, des personnes âgées qui assument personnellement le paiement de leurs frais d'hébergement, de sorte que l'opérateur paraît exposé aux aléas du marché.

Dans la grande majorité des cas, le transfert de la gestion de ce type de service public est intervenu, et peut encore intervenir, sans que ne soient mises en œuvre les règles de publicité et de concurrence prévues par le droit européen et transposées en droit français par l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.
Ce type de situation expose les élus et agents publics concernés à l'incrimination prévue par l'article 432-14 du code pénal.

Il lui demande de bien vouloir indiquer en toute clarté si le transfert par une collectivité territoriale ou un établissement public territorial de la gestion d'un EHPAD ou de tout autre type d'établissement ou service social ou médico-social donnant lieu à facturation supportée en tout ou partie par les usagers, doit être considéré comme une délégation de service public, régie par les articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 14/12/2017

Une mise en concurrence selon les règles applicables aux contrats de concession ou aux marchés publics ne constitue pas une obligation procédurale pour le transfert de gestion des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) qui découlerait du droit de l'Union européenne et s'imposerait en dépit de la spécialité des règles nationales. L'autorisation de gestion des ESSMS constitue le mandat nécessaire à la qualification de service d'intérêt économique général (SIEG) lorsqu'elle emporte l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et/ou l'autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux, au regard des obligations qui en découlent pour son titulaire. Le Conseil d'État a confirmé l'existence d'un tel mandat pour des lieux de vie et d'accueil relevant de l'autorisation (CE 30 décembre 2011, Association Faste Sud-Aveyron, 343450, publié). Lorsqu'ils exercent une activité économique au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et comme SIEG, les ESSMS, en application du 2 de l'article 106 du Traité de l'Union européenne (TUE), ne restent soumis aux règles générales de concurrence (articles 101 à 106 du TUE) que « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ». Ni la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, ni l'ordonnance du 29 janvier 2016 prise pour sa transposition en droit interne, n'ont modifié le cadre de cette analyse. Au contraire, l'article 4 de la directive dispose explicitement qu'elle « ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit de l'Union, ce qu'ils entendent par services d'intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d'État et les obligations spécifiques auxquelles ils devraient être soumis ». Il en résulte que les règles relatives aux contrats de concession n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de se substituer implicitement aux dispositions législatives et réglementaires du code de l'action sociale et des familles (CASF) qui régissent les régimes de l'autorisation et de l'habilitation. Le transfert par une collectivité territoriale ou un établissement public territorial de la gestion d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ou de tout autre type d'établissement ou service social ou médico-social (ESSM), quel que soit son mode de financement, constitue une cession d'autorisation au sens de l'article L. 313-1 du CASF et ne peut en aucun cas être considéré comme une délégation de service public. En effet, le premier objet de l'autorisation régie par cet article est de reconnaître à une personne physique ou morale le droit d'assurer la gestion d'un établissement ou service répondant aux caractéristiques définies à l'article L. 312-1 du CASF. L'article L. 313-1-1 du même code mentionne ainsi « les gestionnaires détenteurs des autorisations délivrées en application de l'article L. 313 1 ». De même, l'article L. 313-2 du CASF prévoit que les demandes d'autorisation qui ne sont pas soumises à un appel à projet « sont présentées par la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui en assure ou est susceptible d'en assurer la gestion ». Il convient par ailleurs de rappeler qu'en vertu de l'article L. 315-7 du CASF, dans une rédaction applicable depuis le 1er août 1996, les EHPAD qui relevaient auparavant de communes, comme la plupart des autres catégories d'ESSM, ne peuvent plus relever directement de ces communes, mais doivent être érigés en établissements publics dotés de la personnalité morale ou rattachés à un tel établissement, par exemple un centre communal ou intercommunal d'action sociale. Lorsqu'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ne souhaite plus assurer la gestion d'un ESSM, ou lorsqu'une commune souhaite mettre fin à l'activité d'un de ses établissements publics ayant un tel objet, il doit organiser la cession de son autorisation. La cession d'autorisation est l'acte par lequel le titulaire d'une autorisation sociale ou médico-sociale décide de transférer une activité sociale ou médico-sociale au profit d'un cessionnaire qui en assurera l'exploitation pour la durée de validité restant à courir, et renouvelable dans les conditions de droit commun prévues à l'article L. 313-5 du CASF. L'autorisation ne peut dans ce cadre être cédée à une personne physique ou morale de droit privé ou une personne morale de droit public qu'avec l'accord des autorités compétentes pour la délivrer. Par ailleurs, et sous réserve de l'application de l'article L. 315-7 précité, l'article R. 315-4 du CASF encadre la suppression d'un ESSM public. Il renvoie notamment à la délibération de la collectivité de rattachement les modalités de « transfert des biens affectés au fonctionnement de l'établissement supprimé ainsi que des droits et obligations le concernant soit à la ou aux collectivités territoriales, soit à un établissement de même nature au sens de l'article R. 315 3 », c'est-à-dire poursuivant « des objectifs analogues ou complémentaires en faveur d'une même catégorie de bénéficiaires », indépendamment, là encore, de son statut public ou privé. Il incombe alors aux autorités d'autorisation, dans le cadre d'un contrôle préalable, de s'assurer des capacités techniques et financières ainsi que de la pertinence du projet du cessionnaire (CE, 1ère et 6e sous sections réunies, 13 juillet 2007 n°  294099). Il s'agira en d'autres termes, de vérifier la capacité du cessionnaire à poursuivre l'activité conformément aux conditions posées dans l'autorisation initiale du cédant.

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