Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - Socialiste et républicain) publiée le 03/08/2017

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la précarité et l'absence de réglementation claire dans le droit du travail concernant les coursiers autoentrepreneurs travaillant pour des start-up de livraison.
Le modèle social totalement nouveau qui s'est créé avec l'essor de ces plateformes impose une réflexion nouvelle pour faire face à certaines « zones grises juridiques », comme les types de contrats, les nombreuses obligations imposées par les plateformes à leurs salariés (rémunération non négociable, plages horaires contraintes...), et la nécessité de renforcer leur protection et leur pouvoir de négociation.
Plusieurs pistes sont ainsi suggérées : la mise en place d'assurances pour les coursiers, une réelle liberté pour s'organiser en syndicat, un recours au compte personnel d'activité, entré en vigueur en 2017, qui pourrait être abondé par les plateformes en points retraite, formation et pénibilité, pour renforcer la protection sociale des salariés, enfin la promotion des coopératives d'activité et d'emploi dans ce secteur, qui permettent de donner un cadre juridique et un statut d'entrepreneur salarié en CDI aux coursiers, bien plus protecteur que leur statut actuel et qui leur permettrait de percevoir leurs rémunérations dans le cas où la plate-forme ferait faillite.
Elle lui demande donc son opinion sur ces suggestions et dans quelle mesure il serait possible de les mettre en œuvre.


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Réponse du Ministère du travail publiée le 02/08/2018

Les livreurs à vélo travaillant par le biais des plateformes numériques sont, dans la plupart des cas, des travailleurs indépendants. À ce titre, les livreurs sont libres de travailler ou de ne pas travailler pour la plateforme concernée et de fixer librement leurs horaires et leur secteur géographique de travail. Étant indépendants, ils ne sont liés par aucune clause d'exclusivité et peuvent à ce titre travailler pour plusieurs plateformes numériques s'ils le souhaitent. La fixation de la rémunération de manière unilatérale par les plateformes ne constitue pas un indice de relation salariale, comme l'a relevée la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 20 avril 2017. Dans les cas où ces travailleurs se trouveraient de fait dans une situation de subordination juridique, le juge peut requalifier leur contrat en contrat de travail. Ils se verraient dès lors accorder toutes les protections liées au statut de salarié si dans les faits, leur situation relève effectivement du salariat. Toutefois, bien qu'étant indépendants, ces travailleurs peuvent bénéficier de protections actuellement accordées par le code du travail. Ainsi le titre IV du livre III de la Septième partie du code du travail instaure une responsabilité sociale des plateformes. Celles-ci doivent notamment prendre en charge les frais liés à l'assurance accident du travail souscrite par le travailleur indépendant dès lors que les plateformes déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et en fixe son prix et qu'un certain montant de chiffre d'affaire est réalisé avec la plateforme. Le code du travail prévoit également pour les travailleurs des plateformes un droit d'action collective et la constitution d'organisations syndicales. Le modèle économique des plateformes est un modèle créateur d'emploi et de valeur ajoutée. Il convient cependant de l'accompagner par le droit sur le plan social, afin de protéger les droits des travailleurs et de faciliter l'établissement de relations de confiance entre les travailleurs et la plateforme. C'est pourquoi le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement en cours de d'examen parlementaire, prévoit d'aller plus loin dans la sécurisation de la relation de travail entre le travailleur et la plateforme. Son article 40 A, dans sa rédaction issue de la nouvelle lecture de l'Assemblée Nationale, propose ainsi de permettre aux plateformes d'établir une charte, pour déterminer les conditions et modalités d'exercice de sa responsabilité sociale. Cette charte sera élaborée en tenant compte des contraintes et spécificités de leur modèle économique. Cette charte contient également les garanties applicables en cas de rupture de relations contractuelles entre la plateforme et les travailleurs, afin d'encourager la mise en place par la plateforme de bonnes pratiques en la matière (information du travailleur, motivation de la décision de déconnexion, éventuelles voies de recours ouvertes). Elle sera annexée aux contrats de prestation de services des travailleurs indépendants afin de la rendre opposable aux parties. Afin de sécuriser la relation entre les plateformes et les travailleurs indépendants et permettre le développement de la responsabilité sociale des plateformes, il est prévu que cette charte et les éléments qu'elle contient ne constituent pas des indices de requalification de la relation contractuelle en relation de travail salarié. Par ailleurs, l'article 40 A du projet de loi prévoit que les travailleurs indépendants travaillant sur une plateforme versent la contribution formation professionnelle, bénéficient d'une possibilité de remboursement des frais relatifs à la validation des acquis de l'expérience. De surcroît, en fonction d'un chiffre d'affaires fixé par décret, ils bénéficieront d'un abondement du compte personnel de formation, dans les mêmes conditions qu'un salarié à temps plein. Un décret viendra définir les conditions dans lesquelles l'autorité administrative se prononce sur toute demande adressée par la plateforme, relative au respect des dispositions du code du travail sur la réglementation les concernant. Enfin, le projet de loi susmentionné prévoit en son article 28 la création d'une allocation des travailleurs indépendants (ATI), qui sera versée aux travailleurs indépendants en cas de privation involontaire d'emploi. Le Gouvernement entend ainsi offrir aux indépendants un « filet de sécurité », consistant en une allocation forfaitaire de 800 euros par mois, pendant six mois au plus. Afin de limiter le phénomène d'aléa moral, le bénéfice de l'allocation – servie par Pôle Emploi – sera assez strictement encadré : 1) par des conditions d'accès (durée minimale d'activité de deux ans, revenu minimal d'activité de 10 000 euros par an, conditions de ressources) ; 2) par un fait générateur de la perte d'emploi strictement extérieur à la volonté de l'indépendant (liquidation ou redressement judiciaire). Les travailleurs des plateformes seront éligibles en cas de cessation d'activité à l'ATI dans les mêmes conditions que tous les travailleurs indépendants.

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