Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 28/09/2017

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les difficultés rencontrées par les services publics de l'eau pour recouvrer les impayés des factures d'eau, à la suite des modifications législatives introduites par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

Ce faisant, il lui rappelle les termes de la question écrite n° 25943 publiée au Journal officiel du Sénat le 15 juin 2017 (p. 1980) qui, n'ayant pas obtenu de réponse, est devenue caduque du fait du changement de législature.

L'article 19 de cette loi et le décret d'application publié le 27 février 2014 (décret n° 2014-274) ont interdit les coupures d'eau toute l'année pour l'ensemble des résidences principales quelles que soient les ressources du ménage. Cette disposition était autrefois limitée aux familles en difficulté bénéficiant ou ayant bénéficié du fonds de solidarité pour le logement (FSL).

Ainsi, en cas d'impayés de la part d'un usager, les fournisseurs d'eau ne disposent pas d'outils juridiques efficaces afin de recouvrer les sommes dues. S'il existe bien des procédures de recouvrement forcé, celles-ci constituent un instrument onéreux et donc peu adapté au regard du montant moyen des factures en jeu. Cette incapacité à pénaliser les mauvais payeurs tend à augmenter le nombre de factures impayées y compris de la part de personnes en capacité de les régler. Elle conduit à faire supporter des montants d'impayés de plus en plus importants par les usagers acquittant leurs factures et à limiter les investissements nécessaires aux renouvellements du réseau.

Cette situation est non seulement regrettable mais également peu cohérente avec le dispositif existant en matière d'accès à l'électricité puisqu'en ce domaine une modulation de la puissance est possible.

Aussi, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour y remédier.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 05/07/2018

Le droit français reconnaît le droit à l'eau à travers l'article L. 210-1 du code de l'environnement : «L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». L'article 19 de la loi nº 2013-312 du 15 mars 2013, en modifiant l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, a interdit les coupures d'eau pour impayés à toute époque de l'année pour l'ensemble des résidences principales, sans condition de ressources, alors que cette interdiction était jusque là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Ces dispositions ont été confirmées par le Conseil Constitutionnel le 29 mai 2015, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. Pour autant, l'interdiction de coupure d'eau n'emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l'abonné. Certains gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement et autorités organisatrices, confrontés à un risque d'augmentation des impayés, s'interrogent sur la possibilité de procéder à des réductions de débit lorsque l'abonné ne s'acquitte pas de sa facture. En l'état actuel des textes, et comme l'ont confirmé les jurisprudences rendues par la cour d'appel de Limoges le 15 septembre 2016, le tribunal d'instance de Lens le 13 juin 2017 et le tribunal de grande instance de Nanterre le 17 août 2017, la réduction de débit d'eau n'est pas non plus autorisée. Le ministère de la transition écologique et solidaire est conscient des difficultés que ce cadre législatif peut engendrer pour la gestion des services publics d'eau potable. Ce nouvel état de droit pourrait encourager des comportements non-citoyens et induire des impacts financiers importants, non seulement pour les services en raison de difficultés de recouvrement des paiements, mais également pour les usagers qui pourraient voir leur facture augmenter afin de compenser les pertes de recettes qui en découlent. Le recours aux aides (FSL, aides directes des collectivités…) et l'accompagnement des foyers dans les démarches permettant d'en bénéficier constitue une voie préventive d'amélioration du recouvrement des factures. Par ailleurs, le Gouvernement a commandé une expertise sur la formation du prix de l'eau et inscrit sa politique dans le sens de la durabilité des services publics d'eau et d'assainissement et du respect des droits fondamentaux d'accès à l'eau et à l'assainissement. Cette expertise rendue en 2017 met notamment en évidence que la mensualisation constitue, d'après les retours d'expérience, un moyen efficace de réduction des impayés et doit donc être encouragée. Parallèlement à la poursuite du suivi des impacts de ces modifications législatives sur le taux d'impayés, une expérimentation pour une tarification sociale de l'eau, prévue par la loi Brottes, est en cours. Une cinquantaine de collectivités testent des modalités originales de soutien aux personnes ayant des difficultés de paiement de leurs factures d'eau. Leurs retours d'expérience pourraient permettre, dans les prochaines années, de proposer d'autres voies de prévention des impayés de facture d'eau.

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