Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 26/10/2017

M. François Grosdidier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le climat de défiance qui peut exister entre les policiers et certains magistrats comme l'illustre le dernier exemple de la crise entre l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) et le parquet ainsi que des magistrats de la juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS). Il apparaît que des gradés de la police nationale sont inquiétés pour avoir utilisé des informateurs afin de confondre un réseau criminel d'importation de stupéfiants en France. Dans une lettre ouverte, les policiers de l'OCRTIS dénoncent ce « climat délétère » et reprochent à certains magistrats de « décortiquer tous les dossiers initiés par l'OCRTIS » et de « remettre en cause les constructions procédurales pourtant avalisées par les magistrats des autres tribunaux ». Ils expliquent que « des magistrats, dans des instructions uniquement menées à charge, ont décidé de remettre en cause une pratique éprouvée depuis des années par les enquêteurs ». Ils estiment que « cette tourmente judiciaire pourrait toucher à terme d'autres services chargés de la lutte contre les stupéfiants ». Il lui demande s'il existe une doctrine de politique pénale en la matière, de nature à sécuriser juridiquement les policiers qui risquent tous les jours leur sécurité physique pour lutter contre ces trafics. À défaut, il lui demande si elle compte l'établir et la communiquer aux parquets.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/07/2018

Afin de répondre aux enjeux majeurs de la lutte contre le trafic international de stupéfiants dont les acteurs se caractérisent par une professionnalisation toujours croissante, une capacité d'adaptation constante et une importante assise financière, les moyens d'action à disposition des magistrats et enquêteurs ont été renforcés de manière constante. Depuis la loi n°  2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le législateur a, par l'inscription du trafic de stupéfiants au sein de l'article 706-73 du code de procédure pénale, clairement marqué sa volonté de lutter contre l'une des principales infractions investie par les réseaux criminels, spécifiquement les plus organisés et structurés. Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), créées par la loi précitée, constituent désormais des acteurs judiciaires incontournables de la lutte contre ces trafics, dans leur dimension nationale comme internationale. La moitié des quelques 3000 affaires traitées par les JIRS depuis leur création se rapportent de fait à ce contentieux. L'efficacité de la lutte contre cette criminalité organisée impose par ailleurs que les enquêteurs puissent recourir à des techniques d'investigations dérogatoires dans le respect des exigences du code de procédure pénale. Afin de répondre à des exigences d'opérationnalité accrues, la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale est venue permettre le recours à de nouvelles techniques spéciales d'enquêtes tout en élargissant et consolidant les moyens existants : extension des possibilités de perquisitions domiciliaires nocturnes, introduction d'un régime juridique spécifique pour le recueil de données techniques de connexion par le biais de l'IMSI-catcher, etc… Les conditions du recueil du renseignement humain ont également fait l'objet de l'attention du législateur par la mise en place d'un dispositif de protection des témoins participant, par leurs déclarations, à l'avancée des investigations. Sauf exception, leur identité n'apparaitra dans aucun acte de la procédure ni à l'audience. La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a en outre récemment complété le dispositif de protection des collaborateurs de justice en permettant le recours au huis clos ou à un dispositif technique ayant pour finalité la protection de l'identité d'emprunt d'un repenti à l'audience. Par ailleurs, plusieurs dispositions du code de procédure pénale permettent aujourd'hui d'assurer la sécurité des enquêteurs par la possibilité du recours à l'anonymat dans les procès-verbaux qu'ils dressent ou dans le cadre des déclarations qu'ils peuvent être amenés à faire lors d'une audience. Ils sont alors identifiés par un numéro d'immatriculation administrative. Dans le prolongement de ces évolutions législatives et afin de répondre au constat partagé par l'ensemble des acteurs de la lutte contre la criminalité organisée – magistrats et enquêteurs – de la nécessité de clarifier et consolider les fondements textuels encadrant le recours à certains dispositifs, un groupe de travail interministériel consacré aux livraisons surveillées et aux informateurs a été installé par Mme la ministre de la justice le 9 novembre 2017. Associant dans une même enceinte magistrats et représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes, ce groupe de travail, né d'une volonté commune du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur, a pour objectif de redéfinir de manière très précise les modalités d'action possibles, tout en veillant à ce que soit constamment assurées sécurité juridique des procédures et sécurité juridique des enquêteurs.

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