Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - SOCR) publiée le 16/11/2017

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les leçons à tirer de la récente publication, par un consortium international de journalistes, des enquêtes et documents dits « Paradise Papers ».

Ces « Paradise Papers » nous prouvent qu'au-delà de la fraude fiscale existe un système légal d'évitement fiscal. Selon l'économiste Gabriel Zucman, ces montages complexes sont à l'origine d'une perte brute de 120 milliards d'euros pour l'Union européenne et de 20 milliards pour la France.
 
Le déficit public s'élevant à 69 milliards d'euros en 2016, 20 milliards d'euros représentent ainsi près de 29 % de ce déficit sur un an. Sur un P.I.B. à prix courants de 2 228,9 milliards, cet évitement représente 0,89 %.
 
Le recours aux « joint ventures » entre sociétés de droits différents, les options de choix de lieux de fiscalisation autres que ceux des lieux de sièges sociaux, la possibilité d'option de droit fiscal applicable, la création de société dites de coquille vide, les droits spécifiques de « patent box » qui défiscalisent les revenus sur les brevets et autres pratiques, loin d'être des outils économiques de production, sont autant de moyens, qui sembleraient légaux, de contourner le droit fiscal des États et de l'Union européenne (UE) et, ainsi, de ne plus participer aux solidarités nationales et européennes.
 
Ce contournement constitue une véritable spoliation des États et de l'Union, mais surtout des peuples, des citoyens et des autres entreprises qui se conforment au droit en vigueur et à leur contribution à la chose commune. Nul ne peut tolérer que perdurent de telles injustices qui, de surcroît, pénalisent l'immense majorité des personnes morales et physiques qui ne peuvent faire appel à ces montages complexes et subissent un affaiblissement des interventions publiques et de nos systèmes de protection sociales.

Aussi elle lui demande si la France va demander à la Commission européenne de diligenter des enquêtes très précises, pour vérifier que les montages décrits dans les « Paradise Papers » ne comportent aucune faille permettant d'arguer de leur irrégularité au regard du droit de l'UE ou des États membres, et que des sanctions soient alors appliquées.

Elle l'interroge sur les initiatives que compte prendre l'administration fiscale pour évaluer les éventuelles spoliations que notre pays aurait à subir et les démarches que le Gouvernement compte entreprendre pour défendre les intérêts français.

De plus, s'agissant des personnalités et entreprises françaises qui pourraient être engagées dans cet évitement fiscal dénoncé, elle lui demande s'il ne convient pas de saisir immédiatement la justice pour que les investigations nécessaires puissent être assurées de la plus grande impartialité, en levant de fait le « verrou de Bercy » dans ces affaires, désormais sur la place publique et qui, à juste titre, révoltent nos concitoyens.

Enfin, elle lui demande quelle sera la position de la France lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2017, pour contribuer à la lutte contre l'appauvrissement de l'Union européenne et le véritable « cheval de Troie » fiscal que constitue le comportement outrageusement complaisant d'États membres tels les Pays-Bas, l'Irlande ou Malte.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 31/05/2018

Les révélations des « Paradise Papers » mettent en relief le rôle essentiel joué par les structures « offshore » dans les stratégies d'évitement fiscal. À cet égard, le Conseil de l'Union européenne (UE) a adopté une liste commune d'États et de territoires non coopératifs sur le plan fiscal. Contrairement à la liste de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui ne visait que les États défaillants en matière de transparence fiscale, la liste européenne concerne également les États ayant des pratiques fiscales déloyales. Sont notamment visés les États à fiscalité faible ou nulle qui favorisent la création de structures « offshore ». La plupart des pays concernés ont pris l'engagement d'amender leurs pratiques et législations avant le 31 décembre 2018, faute de quoi ils figureront sur la liste en plus de ceux qui ne sont toujours pas engagés à effectuer les progrès exigés. Pour donner à l'action de l'UE sa pleine effectivité, le Gouvernement propose d'élargir la liste française prévue à l'article 238-0 A du code général des impôts, fondée sur l'absence de coopération avec notre administration, aux États et territoires figurant sur la liste de l'UE. Cette proposition sera soumise au Parlement à l'occasion de l'examen du projet de loi de lutte contre la fraude, dont elle constitue l'article 11. En outre, il est essentiel de dissuader et de sanctionner les montages optimisants et potentiellement abusifs qui encouragent l'évasion fiscale. La Commission européenne a présenté le 21 juin 2017 une proposition de directive modifiant la directive 2011/16/UE pour instituer une déclaration obligatoire et l'échange automatique et obligatoire d'informations sur les montages transfrontières, dite « DAC 6 ». Cette proposition a fait l'objet d'un accord politique du Conseil le 13 mars 2018. Ces récentes avancées, qui s'ajoutent aux progrès déjà obtenus en matière de transparence ou de lutte contre l'optimisation depuis cinq ans, témoignent de la forte implication de la France et de l'action concrète de l'Union européenne. Par ailleurs, il est inexact d'affirmer que l'impunité fiscale resterait la norme ou que le Gouvernement ne s'attaque pas aux plus gros fraudeurs, alors que l'administration fiscale lutte avec une détermination sans faille contre la fraude fiscale en collaboration étroite avec le ministère de la Justice. Sans préjuger des conclusions de la mission d'information parlementaire sur le « verrou de Bercy », il est rappelé que depuis 2013 le dispositif de lutte contre la fraude fiscale a fait l'objet d'un durcissement sans précédent et que la circulaire commune du 22 mai 2014 a permis de renforcer la collaboration entre les ministères de la justice et des finances, comme l'a précédemment illustré l'affaire des « Panama papers » où, dès la publication des informations, le parquet national financier et l'administration fiscale ont échangé des informations et coordonné leur action pour exploiter ces documents.

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