Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 25/01/2018

M. Roger Karoutchi attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la multiplication des agressions que subissent les personnels pénitentiaires.
Ces dernières années, le nombre d'agressions de surveillants pénitenciers s'est accrue dangereusement. Beaucoup de ces personnels s'estiment aujourd'hui en danger sur leur lieu de travail et dénoncent le manque de sécurité dans les prisons, et le manque d'effectifs pour faire face aux situations violentes. Depuis le début de l'année 2018, soit il y a à peine 15 jours, on dénombre déjà trois agressions, dans trois prisons différentes, de personnels pénitenciers par des détenus radicalisés. Après l'agression de trois surveillants par un djihadiste à la prison de Vendin-le-Vieil, celle de sept surveillants également par un détenu suivi pour radicalisation à la prison de Mont-de-Marsan, voilà qu'une surveillante est agressée à la prison de Tarascon.
Un vif mouvement de grève s'est d'ailleurs installé dans de nombreuses prisons (Laon, Annœullin, Sequedin, Beauvais, Nice, Salon-de-Provence, Tarascon, Toulon, Villepinte, Osny, Nanterre, Bonneville, Lyon-Corbas, Roanne, Aurillac, Châteauroux, Saran…) demandant le renforcement des effectifs de personnels en prison et, pour certains syndicats (l'UFAP-UNSA-Justice, CGT-Pénitentiaire et FO-Pénitentiaire) la revalorisation des salaires des surveillants au vu des conditions souvent difficiles dans lesquelles ils exercent leur profession.
Il l'interroge sur la réponse qui va être donnée à ces demandes légitimes et sur les éventuelles mesures qui seront prises pour assurer la sécurité des personnels de l'État.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 19/09/2019

Le mouvement social de janvier 2018 a porté plusieurs revendications, notamment en termes de renforcement des dispositifs de sécurité, d'accroissement des effectifs de personnels de surveillance et de revalorisations salariales, prises en compte par le ministère de la justice. Le comblement des vacances de postes, notamment celles relatives aux personnels de surveillance, est une priorité pour l'administration pénitentiaire. La loi de programmation et de réforme pour la justice entérine la création, sur la durée du quinquennat, de 1100 emplois supplémentaires de surveillants, au-delà de ce qui était déjà prévu pour le comblement des vacances. Par ailleurs, plusieurs actions ont été engagées afin de renforcer l'attractivité du concours de surveillants pénitentiaires et élargir le vivier de recrutement. L'effort de communication a ainsi été recentré sur des publics plus ciblés, notamment via des partenariats et la réflexion sur une nouvelle consigne de communication. Le concours d'entrée a été modernisé, afin notamment de raccourcir les délais de sélection, et une diversification des voies de recrutement engagée. Enfin, la scolarité à l'ENAP elle-même a été repensée : ramenée de 8 à 6 mois grâce à une densification des enseignements à Agen et à la suppression de la « pré-affectation » d'un mois en fin de scolarité, la formation est renforcée sur les fondamentaux du métier de surveillant pénitentiaire et laisse une large part aux périodes de stage. Ce nouveau rythme permet également de rendre beaucoup plus régulier le flux de stagiaires sortant d'école et ainsi de réduire les pics de vacances infra-annuels : cette réforme maximise l'effet des recrutements sur le niveau des vacances. Par ailleurs, elle permet de réduire les délais entre les résultats du concours et l'entrée à l'école qui créaient des délais d'attente propices aux renoncements. Pour renforcer l'attractivité de ses carrières et fidéliser les personnels, l'administration pénitentiaire a mis en œuvre plusieurs revalorisations indemnitaires dans le cadre du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 : l'indemnité pour charges pénitentiaires des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1er janvier 2018 pour être portée à 1400 € ; l'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 € au 1er mars 2018 pour atteindre 36 € et la prime de sujétions spéciales augmente de 2,5 points (soit 28,5 % à terme) pour l'ensemble des personnels de surveillance d'ici 2022, à raison de 0,5 point d'augmentation chaque année. Entre 2017 et 2019, la rémunération moyenne des surveillants en début de carrière s'est ainsi accrue de 4% environ. Par ailleurs, le nombre de vacances constaté cache des situations disparates entre établissements pénitentiaires. Aussi, pour prendre en compte ces spécificités, une prime de fidélisation a été créée au bénéfice des agents en fonction dans les établissements les moins attractifs : les agents qui choisiront de se positionner pour au moins 6 ans sur ces établissements pourront bénéficier d'une prime de 8 000 € grâce à un concours spécifique, à affectation locale. L'administration pénitentiaire cherche également à améliorer les perspectives de carrière qui permettront aux jeunes surveillants de se projeter au sein de cette administration ; la réforme du corps de commandement, qui doit entrer en vigueur en 2019, répond à cette logique, en renforçant les niveaux d'encadrement en détention. Elle s'accompagne d'une réflexion approfondie sur l'évolution du métier de surveillant lui-même (renforcement de la formation continue, rôle accru dans la gestion de la détention, diversification des missions, etc.) qui doit concourir à renforcer l'attractivité du métier et des carrières pénitentiaires. S'agissant de l'amélioration de la sécurisation des établissements pénitentiaires, le ministère de la justice accorde d'importants moyens à cette fin : 50,2 M€ sont ainsi inscrits dans la LFI 2019, soit une hausse de 6,5 M€ (+ 15 %) par rapport à 2018. Le déploiement des systèmes de brouillage et de lutte contre les drones a été engagé en 2018 et se poursuivra sur les années à venir. De plus, les équipes de sécurité pénitentiaire vont permettre de renforcer la sécurité aux abords des établissements pour lutter contre les projections extérieures. Les tenues d'intervention ont été pour certaines renouvelées et un plan de déploiement de gilets par lame à l'ensemble des agents est en cours. Enfin, afin d'assurer au mieux la sécurité des surveillants pénitentiaires, la direction de l'administration pénitentiaire a engagé, depuis 2017, une politique globale de lutte contre les violences dont l'objectif est d'abord de prévenir le passage à l'acte et ensuite de prendre en charge les auteurs de violences en détention. Un recensement des dispositifs de lutte contre les violences mis en œuvre dans les établissements a été effectué, afin d'essaimer, dans les établissements où cela est pertinent, les pratiques les plus opérationnelles. Ce recensement s'est doublé d'une expérimentation visant à établir un diagnostic par site des causes des violences. La prise en charge des détenus difficiles est assurée au sein des unités pour détenus violents (UDV). Ce nouveau régime de détention, circonscrit dans la durée (6 à 9 mois de prise en charge), vise à évaluer le public des détenus violents (hors radicalisés, qui font l'objet d'un plan d'actions spécifique) via des programmes orientés vers la prise en charge des violences (en individuel ou en collectif). L'établissement de Lille Séquedin accueille la première UDV, depuis le 15 avril 2019, et les UDV de Strasbourg, Châteaudun, Baumettes et Fleury-Mérogis ont ouvert respectivement en mai, juin et juillet 2019. 10 unités de ce type seront ouverts d'ici 2020.

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