Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 22/02/2018

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, concernant les arrêtés interministériels des 27 septembre et 24 octobre 2017 qui ont refusé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à près de soixante communes du département de la Charente.

Les conséquences de ces arrêtés sont particulièrement préjudiciables, tant pour les communes concernées que pour leurs habitants qui ont subi des dommages liés à des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

En effet, cette décision les prive du bénéfice de la garantie et de l'indemnisation des dommages matériels directs portant atteinte à la structure ou à la substance des biens assurés.

L'état de catastrophe naturelle, acté par arrêté interministériel, doit en théorie constater l'intensité anormale d'un agent naturel.

En pratique, l'administration a mis en place une procédure qui repose sur le modèle « Safran-Isba-Modcou » (SIM), développé par Météo France, pour apprécier l'anormalité et l'intensité des effets sur le sol de la sécheresse constatée sur la période définie.

L'examen des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle se fonde essentiellement sur la comparaison entre les résultats de cette simulation et des critères fixés discrétionnairement, mais en aucune façon sur des observations et des analyses in situ.

Or, aucune disposition réglementaire n'a été édictée aux fins de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, à savoir la méthode retenue par l'administration pour apprécier si une commune doit être regardée ou non comme en état de catastrophe naturelle.

Cette situation était déjà dénoncée dans le rapport d'information du Sénat n° 39 (2009-2010) du 14 octobre 2009, qui demandait au Gouvernement de rendre la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle plus transparente et de faire en sorte que les critères et les seuils retenus par la commission interministérielle fassent l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés.

Le Conseil d'État a probablement tiré les conséquences de cette inaction en annulant récemment un arrêté refusant de reconnaître un état de catastrophe naturelle en faveur d'une commune dans la mesure où l'administration fait application de critères non prévus par les textes et qui ne sont donc pas opposable aux administrés.

Les résultats du modèle mathématique utilisé ont conclu à l'absence d'intensité anormale de l'événement climatique de l'été 2016 en Charente, alors même que les parties prenantes en la matière convenaient que cette période relevait d'une sécheresse exceptionnelle et historique, encore plus sévère que celle des années 2003 et 2013 qui avaient quant à elles donné lieu à une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

C'est pourquoi elle invite le Gouvernement à bien vouloir réexaminer la situation de chacune de ces communes charentaises et à leur accorder le bénéfice de l'état de catastrophe au titre de 2016.

Elle souhaiterait en outre être informée des solutions que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre afin que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne repose plus sur des simulations mais sur des données objectives et des réalités du terrain, consignées dans la législation.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Nicole Bonnefoy. Je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, ainsi que l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les arrêtés interministériels des 27 septembre et 24 octobre 2017 qui ont refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle à près de soixante communes du département de la Charente et laissé de nombreux sinistrés dans le désarroi. J'ai d'ailleurs déjà évoqué cette question avec vous, madame la ministre, lorsque vous vous êtes rendue en Charente il y a peu.

Les conséquences de ces arrêtés sont particulièrement préjudiciables tant pour les communes que pour leurs habitants qui ont subi des dommages liés à des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. En effet, cette décision les prive du bénéfice de la garantie et de l'indemnisation des dommages matériels directs portant atteinte à la structure ou à la substance des biens assurés.

L'état de catastrophe naturelle acté par arrêté interministériel doit en théorie constater l'intensité anormale d'un agent naturel. En pratique, l'administration a mis en place une procédure qui repose sur le modèle « SIM » – Safran-Isba-Modcou – développé par Météo France pour apprécier l'anormalité et l'intensité des effets sur le sol de la sécheresse constatée sur la période définie.

L'examen des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle se fonde essentiellement sur la comparaison entre les résultats de cette simulation et des critères fixés discrétionnairement et, en aucune façon, sur des observations et des analyses in situ.

Or aucune disposition réglementaire n'a été prise aux fins de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 125–1 du code des assurances, à savoir la méthode retenue par l'administration pour apprécier si une commune doit être regardée ou non comme se trouvant en état de catastrophe naturelle.

Cette situation était déjà dénoncée dans un rapport d'information du Sénat établi en 2009, lequel demandait au Gouvernement de rendre la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle plus transparente et de faire en sorte que les critères et les seuils retenus par la commission interministérielle fassent l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés.

Le Conseil d'État a probablement tiré les conséquences de cette inaction en annulant récemment un arrêté refusant de reconnaître l'état de catastrophe naturelle à une commune au motif que l'administration avait appliqué des critères non prévus par les textes et qui n'étaient donc pas opposables aux administrés.

Les résultats du modèle mathématique utilisé concluent à l'absence d'intensité anormale de l'événement climatique de l'été 2016 en Charente, alors même que les parties prenantes en la matière conviennent que cette période relevait d'une sécheresse exceptionnelle et historique, encore plus sévère que celles des années 2003 et 2013 qui avaient, quant à elles, donné lieu à une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

C'est pourquoi j'invite le Gouvernement à bien vouloir réexaminer…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nicole Bonnefoy. … la situation de chacune de ces communes charentaises et à leur accorder le bénéfice de l'état de catastrophe naturelle au titre de 2016.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, comme vous l'indiquez, pour décider de la reconnaissance d'une commune en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle est tenue de se prononcer sur l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des dégâts et non sur l'importance des dégâts eux-mêmes.

Pour analyser l'intensité des mouvements de terrain différentiels, deux critères sont pris en compte. D'une part, il y a un critère géotechnique : la nature du sol d'assise des constructions doit être sensible au phénomène de retrait-gonflement – je m'excuse pour l'aspect extrêmement technique de ma réponse. La présence importante d'argile sensible au phénomène en Charente est de fait avérée.

Il existe un critère climatologique, d'autre part : les niveaux d'humidité des sols superficiels doivent faire état d'une sécheresse des sols particulièrement marquée. Leur appréciation repose sur une expertise réalisée chaque année par les services de Météo France, qui procèdent à une modélisation du bilan hydrique des sols en s'appuyant sur une grille composée de mailles de huit kilomètres de côté.

L'analyse de ces observations sur une longue période a permis de déterminer que l'épisode de sécheresse qui a touché la Charente durant l'année 2016, malgré les effets qu'il a pu entraîner, n'était pas d'une intensité anormale par rapport à d'autres événements qui ont frappé le département par le passé. Ainsi, la mise en œuvre de ces critères a conduit à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour plus de 970 communes françaises sur près de 2 500 demandes étudiées au titre de l'épisode de sécheresse de l'année 2016.

Vous évoquez ensuite le cadre normatif de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Il est fixé aux articles L. 125–1 et suivants du code des assurances et n'a en effet pas encore donné lieu à ce jour à l'adoption de dispositions réglementaires. Je vous confirme que des réflexions sont actuellement en cours pour déterminer si de telles dispositions réglementaires peuvent être prises, afin de décliner ce cadre législatif.

S'agissant enfin de l'accessibilité des décisions adoptées en matière de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, j'insiste sur le fait que les communes et les administrés concernés sont systématiquement informés des motivations des décisions prises et que celles-ci sont publiées au Journal officiel. Chaque personne intéressée est donc en mesure de connaître les critères et les seuils mis en œuvre par l'administration et, ainsi, de comprendre le sens des décisions adoptées. Je vous informe néanmoins qu'un travail visant à les rendre davantage lisibles et compréhensibles pour nos administrés est d'ores et déjà engagé.

Pour conclure, madame la sénatrice, je tiens à vous assurer que mes services se tiennent bien sûr à l'entière disposition des collectivités locales, en appui des préfectures, pour les accompagner au mieux dans la constitution de ces dossiers.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. J'ai bien noté que vous souhaitiez travailler sur l'évolution du dispositif de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le rendre plus accessible et plus transparent.

Je le rappelle, le rapport sénatorial de 2009 dont je parlais il y a quelques instants mettait déjà en évidence de nombreuses problématiques concernant ce dispositif et proposait un certain nombre d'avancées.

Je regrette évidemment la décision de ne pas revenir, si j'ai bien compris, sur les dossiers charentais, décision qui laisse dans le désarroi, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire directement, de nombreux particuliers de mon département qui, au regard des éléments que j'ai exposés dans ma question, attendaient que leur dossier soit réexaminé à l'aune d'éléments de terrain plus concrets et plus réels que les simulations ou les données moins objectives aujourd'hui prises en compte dans le cadre du modèle de Météo France.

Vous savez que les sinistrés du département de la Charente comme d'autres départements – je pense à la Charente-Maritime, notamment – se sont rassemblés en association et qu'ils continueront de défendre leur droit à être indemnisés par les assurances comme ils voudraient l'être.

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