Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 01/02/2018

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le nombre croissant de détournements de la législation en matière agricole. Dans le département de l'Aisne, fortement agricole, des terres sont louées, à un prix deux fois supérieur, par des agriculteurs de pays limitrophes, notamment la Belgique. Ces derniers cultivent essentiellement des pommes de terre et des légumes, qu'ils prétendraient produits en Belgique : ils ne paieront alors ni l'impôt sur les sociétés, ni l'impôt sur le revenu, mais seront seulement imposés au forfait, soit fort peu. Parallèlement, les cotisations sociales belges sur le revenu sont de l'ordre de 20 %, alors même qu'en France elles sont dorénavant de 37 %. Par ailleurs, l'investissement dans les matériels fort onéreux, nécessaires à cette culture, est largement subventionné par la Wallonie, de l'ordre de 30 % semble-t-il. Enfin, plusieurs témoignages dans les Hauts-de-France indiqueraient que des personnels ne sont pas déclarés, en particulier des chauffeurs travaillant douze heures par jour et sept jours sur sept, en particulier lors de la plantation. Ces pratiques expliqueraient alors des prix de location de terre fort élevés, compensés par le moindre coût de main-d'œuvre et des taxes, qui nuisent à l'installation de nos agriculteurs, dont les moyens financiers sont réduits.
Cette situation, si elle devait perdurer, de mise en concurrence à la fois par les coûts de main-d'œuvre mais aussi et surtout par un détournement de la législation, serait à très court terme extrêmement dommageable pour nos exploitations et nos salariés agricoles. Outre le manque à gagner pour la collectivité, que ce soit en termes de fiscalité ou de cotisations de la mutualité sociale agricole (MSA), il y a danger sur le respect et le contrôle des normes sanitaires.
Aussi, il l'interroge sur ses intentions s'agissant des mesures que le Gouvernement entend mette en place sur le terrain pour vérifier ce type de pratiques, et le cas échéant faire appliquer les dispositifs qui encadrent les détachements et protègent ainsi les droits sociaux français.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/05/2018

En application de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, les loyers de terres nues et des bâtiments d'exploitation sont fixés entre des maxima et minima arrêtés par le préfet de département. En France les tarifs de location des terres agricoles sont donc strictement encadrés par la réglementation, ce qui constitue une garantie pour l'ensemble des exploitants agricoles sur le territoire. S'agissant du travail illégal, la ministre du travail a présenté le 12 février 2018 le bilan intermédiaire du plan national de lutte contre ce type de travail et contre la fraude au détachement des travailleurs pour la période 2016-2018 ainsi que de nouvelles mesures pour mieux lutter contre ces formes de concurrence déloyale. Il ressort de ce bilan que le recours à la prestation de services européenne et en provenance des pays tiers connaît une progression importante en agriculture, notamment par le biais du travail temporaire (cueillette de fruits et légumes, chantiers forestiers…). Les services de contrôle de la mutualité sociale agricole (MSA) et de l'inspection du travail constatent des détournements du régime du détachement en agriculture selon deux procédés : L'entreprise étrangère se prévaut du régime du détachement alors qu'exerçant une activité stable et habituelle en France, elle devrait y déclarer ses impôts et les cotisations sociales pour ses salariés ; Le détachement s'exerce bien dans un cadre temporaire, mais les conditions de réalisation du détachement ne respectent pas les règles minimales du droit du travail français que les prestataires sont tenus de respecter pour leurs salariés pendant la prestation (non-respect du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des minima conventionnels, des repos et durées maximales de travail, conditions d'hébergement non satisfaisantes et parfois contraires à la dignité humaine…). En 2016, la politique de lutte contre la fraude et le travail dissimulé, mise en œuvre par l'ensemble des caisses de MSA, a permis de détecter 2 237 fraudes et plus de 20 millions d'euros de mise en redressement, soit une progression de 24,3 % par rapport à 2015. Pour la fraude aux cotisations et au travail illégal, le nombre des situations repérées progresse de 32 % par rapport à 2015. Leur montant moyen s'établit à 9 000 euros. Enfin, 152mesures de suppression ou réduction des exonérations de cotisations sociales ont été notifiées par les caisses de MSA pour un montant de 640 000 euros. Pour renforcer les sanctions de tels manquements à la réglementation du détachement, la ministre du travail a annoncé le relèvement du plafond des amendes administratives de 2 000 € à 3 000 €, et de 4 000 € à 6 000 € en cas de récidive, l'extension de la suspension temporaire de la prestation de service quand une entreprise se prévaut abusivement des règles du détachement ou de la fermeture temporaire de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, ainsi qu'un renforcement des prérogatives des agents de contrôle. Conformément à la convention d'objectif et de gestion 2016-2020 signée avec l'État, la MSA est pleinement engagée dans la lutte contre la fraude et le travail dissimulé. De plus dans le cadre de la convention nationale de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture 2016-2018 signée entre l'État, les partenaires sociaux et la caisse centrale de MSA, les signataires affirment leur volonté de lutter contre toutes les formes de travail illégal par des actions coordonnées des services déconcentrés, et de mobiliser à cette fin les acteurs aux niveaux national et local.

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